Plus la crise s’accélère, plus les hypothèses de leur manifeste, publié à l’automne 2010, se vérifient.
Plus la crise s’accélère, plus les hypothèses de leur manifeste, publié à l’automne 2010, se vérifient. Et, à force de dénoncer les méfaits de l’austérité, ou les errements de Bruxelles face à la crise, les économistes «atterrés» ont l’impression de radoter. «Nous sommes condamnés au radotage, car l’Histoire bafouille», ironise Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, s’en prenant à la «remarquable persévérance dans l’erreur de ceux qui nous dirigent».
A l’invitation de Mediapart, six de ces économistes «atterrés» ont repris, jeudi 6 octobre à Paris, leur bâton de pèlerin. De l’agonie grecque à la chute de Dexia, ils ont décrit le nouveau virage de la crise, et tiré à boulets rouges sur l’Union européenne, qui n’y est pas pour rien dans les tourmentes en cours. Voici la vidéo de la première partie du débat (1h25):
Voir la séance de questions-réponses avec le public : http://dai.ly/p35ipj
«Nous sommes entrés pendant l’été 2011 dans la phrase trois de la crise», a expliqué Benjamin Coriat, de l’université Paris-13.
Acte 1 (2009): sauvetage des banques, mises à genoux par les subprimes, orchestrées par les Etats.
Acte 2 (2010): le secteur financier à peine sauvé se retourne contre des Etats qu’il juge trop endettés.
Acte 3, depuis août dernier: nouvel effet boomerang, avec des banques déstabilisées, cette fois, par les dettes des Etats, qu’elles détiennent en quantités astronomiques…
Dexia, en cours de démantèlement, pourrait ainsi inaugurer une série de recapitalisations, voire de nationalisations de géants bancaires en Europe. Mais ce qui s’annonce rappelle le précédent de 2009: il n’y aura sans doute pas de prise de contrôle par l’Etat. «Le système bancaire bégaye son effondrement», a déclaré Frédéric Lordon.
«Dexia, c’est une histoire de hauts fonctionnaires piqués par l’hubris de la financiarisation», a-t-il poursuivi, rappelant au passage que la banque était sortie 12e, sur 91, des stress tests publiés cet été. Ce classement des banques, réalisé par les autorités de régulation, était censé prouver la solidité du système bancaire en place. «Nous traînons encore ce problème du bilan insincère des banques», a confirmé de son côté Benjamin Coriat.
Dans ce contexte, «la gouvernance de l’euro n’a pas tiré les leçons de la crise, et pire, elle l’aggrave», a avancé Henri Sterdyniak, de l’OFCE. Pour Thomas Coutrot, co-président d’Attac-France, l’Europe est à l’«agonie», tout comme l’euro. Lui entrevoit un «krach social et démocratique» de l’Europe, à force d’imposer, par-delà les Etats, davantage de discipline budgétaire, par exemple à travers le Pacte de stabilité et de croissance. Cédric Durand, de Paris-13, a dénoncé ce «gouvernement par la dette», qui ne serait autre qu’une «manœuvre de culpabilisation» des populations, pour faire passer de nouvelles politiques d’austérité, toujours plus «bêtes, méchantes et dangereuses».
Site: Alter info