Il espionnait un journaliste du Monde qui enquêtair sur un financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy
L'opposition appelait mardi en France à la démission du chef du contre-espionnage, mis en examen (inculpé) pour son rôle dans la surveillance des correspondances téléphoniques d'un journaliste du Monde qui enquêtait sur une affaire potentiellement gênante pour le pouvoir.
Proche du président Nicolas Sarkozy, ce policier de haut vol, Bernard Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur (DCRI), a été inculpé lundi d'"atteinte au secret des correspondances", "collecte illicite de données" et "recel du secret professionnel".
Un autre chef de la police, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Péchenard, pourrait subir rapidement le même sort.
Il devrait être entendu par une juge d'instruction parisienne, Sylvie Zimmermann, qui enquête sur l'obtention illicite par les services de police des factures téléphoniques détaillées d'un journaliste. Le but de la manœuvre était de déterminer la source du journaliste, dont le secret est pourtant protégé par la loi.
"Je m'étonne que le ministre de l'Intérieur n'ait pas déjà prononcé la démission de M. Squarcini, parce que c'est grave ce qui s'est produit", a déclaré dès lundi soir François Hollande, le candidat socialiste à l'élection présidentielle d'avril et mai prochains. "Cette faute devrait être immédiatement sanctionnée", a-t-il estimé.
"Je trouve absolument incroyable que le chef du contre-espionnage en France ait utilisé les moyens de l'Etat pour espionner un journaliste. C'est absolument énorme", a affirmé mardi la candidate écologiste, Eva Joly. "Il est mis en examen par un magistrat indépendant et la conséquence directe doit être sa démission", a-t-elle ajouté.
Mais en France, la démission d'un haut fonctionnaire mis en cause dans une telle affaire n'est pas automatique, comme elle pourrait l'être dans d'autres pays.
Bernard Squarcini a reçu le soutien de sa hiérarchie, en l'occurence du ministre de l'Intérieur Claude Guéant, également très proche de Nicolas Sarkozy, qui a estimé que sa mise en cause ne l'empêche pas "d'exercer la plénitude de ses fonctions".
La droite au pouvoir met aussi en avant la présomption d'innocence pour justifier son maintien en fonctions.
Le journaliste du Monde, Gérard Davet, enquêtait sur l'affaire Bettencourt, du nom de la troisième fortune française, Liliane Bettencourt, héritière des cosmétiques L'Oréal et première actionnaire du groupe.
Cette affaire tentaculaire a deux versants. L'un, privé, a abouti lundi à la mise sous tutelle de la milliardaire par la justice qui a estimé que la vieille dame de 89 ans n'avait plus tous ses moyens pour gérer ses immenses intérêts économiques et financiers.
Le second versant, politique, porte sur des soupçons de favoritisme, de conflit d'intérêt et de financement politique illégal par la famille Bettencourt. Il implique Eric Woerth, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et ancien trésorier de sa campagne électorale en 2007.
En examinant ses factures téléphoniques détaillées, les policiers voulaient remonter jusqu'à l'informateur du journaliste. Ils étaient parvenus à remonter à l'été 2010 jusqu'à un membre du cabinet de la ministre de la Justice de l'époque, Michèle Alliot-Marie.
Le journaliste du Monde "n'était pas visé par les vérifications techniques", a expliqué l'avocat de Bernard Squarcini, Patrick Maisonneuve.
"C'est une sorte de marchepied pour arriver à celui qui était soupçonné d'être une véritable taupe" au sein même du ministère de la Justice, a-t-il affirmé.
Ce haut fonctionnaire a été relevé de ses fonctions l'année dernière.