De plus en plus d’experts allemands accèdent à des postes stratégiques de la finance mondiale.
Payer beaucoup mais diriger peu: tel fut pendant des années le sort de l'Allemagne dans les institutions internationales. Mais avec la crise de l'euro, de plus en plus d'experts allemands sont arrivés à des postes stratégiques de la finance.
Comment s'appelle le chef du Fonds européen de stabilité financière (FESF) -cet instrument mis en place en 2010 pour venir en aide aux pays de la zone euro en difficulté financière- qui se trouve vendredi en Chine au lendemain de l'annonce d'un accord contre la crise en Europe ?
Klaus Regling, un Allemand qui a travaillé au Fonds monétaire international à Washington et Jakarta et au ministère allemand des Finances avant d'occuper le poste de Directeur Général aux affaires économiques et financières de la Commission européenne.
Qui préside la "task force", groupe d'experts de l'Union européenne dont la mission est de soutenir la Grèce pour mettre en place les réformes exigées en contrepartie de l'aide versée par les Européens et le FMI ?
L'Allemand Horst Reichenbach, qui a été pendant six ans vice-président de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) à Londres et a effectué la plus grande partie de sa carrière à la Commission.
Quant à la "troïka", le groupe de créanciers composé de la Banque centrale européenne (BCE), du FMI et de la Commission européenne, chargé d'évaluer tous les trois mois l'état d'avancement de la mise en œuvre des réformes en Grèce, elle est composée d'un Danois, Poul Thomsenn, et, de deux Allemands. Matthias Mors représente la Commission européenne, où il a travaillé pour Olli Rehn, le commissaire aux Affaires Economiques. Et Klaus Masuch la BCE, où il a fait carrière.
"Quand on est le plus grand créancier, on souhaite avoir des gens de confiance à des postes importants", estime Guntram Wolff, directeur adjoint de l'institut Bruegel, centre de réflexion économique basé à Bruxelles.
"Et le recrutement des gens se fait essentiellement par réseau. Or les réseaux dépendent encore beaucoup de la nationalité de chacun", ajoute-t-il.
Dominik Hierlemann, de la fondation Bertelsmann, basée à Gütersloh, en Allemagne, constate que "ces dernières années, l'Allemagne était en retrait pour imposer ses candidats, contrairement à la France, notamment, bien plus active. On assiste à une normalisation".
"En outre, parmi les dix-sept pays que compte actuellement la zone euro, tous n'ont pas forcément des experts qui pratiquent depuis des années la monnaie unique", rappelle-t-il.
Même si elle a été jusqu'ici présidée par un Néerlandais -Wim Duisenberg-, puis un Français -Jean-Claude Trichet-, qui s'apprête à passer la main à un Italien, Mario Draghi, la BCE est marquée par l'influence allemande.
Située à Francfort, au cœur de l'Allemagne, elle a été créée sur le modèle de la banque centrale allemande, la Bundesbank, alors que le Deutsche Mark était le symbole de la prospérité et de la solidité de l'économie de la République fédérale.
Dans les institutions internationales toutefois, l'Allemagne est généralement sous-représentée, "par manque de personnel qualifié", reconnaît Sebastian Dullien, de l'antenne berlinoise du centre de recherche européen, le Conseil européen des relations étrangères.
Ainsi, après le départ au printemps dernier du Français Dominique Strauss-Kahn de la tête du FMI, Berlin n'avait tout simplement pas d'équivalent à Christine Lagarde à présenter.