Certains chiffres sont particulièrement alarmants: presque un jeune de 16 à 24 ans sur deux (45,8%) est au chômage
Le chômage en Espagne est reparti à la hausse au troisième trimestre, à 21,52%, son plus haut niveau depuis 1996, un résultat catastrophique pour le gouvernement socialiste à trois semaines des élections législatives.
La barre symbolique des cinq millions de chômeurs n'est plus très loin, avec 4,978 millions de sans-emploi fin septembre, contre 4,83 millions à la fin juin (20,89%), a annoncé l'Institut national de la statistique.
C'est le taux le plus haut depuis le quatrième trimestre 1996, lorsqu'il avait atteint 21,6%. Le pays continue de détenir le triste record dans ce domaine parmi l'ensemble des pays industrialisés.
Et il semble désormais impossible que le gouvernement atteigne son objectif d'un chômage à 19,8% fin 2011. Le Fonds monétaire international (FMI) table lui sur 20,7%.
Pour le parti socialiste au pouvoir, "c'est une très mauvaise nouvelle",
estime Juan Carlos Martinez Lazaro, économiste à l'IE Business School de Madrid.
"Avant l'été, on spéculait sur de possibles élections anticipées en novembre parce qu'on pouvait espérer de bons chiffres du chômage, ce qui aurait été un facteur important" pour le gouvernement sortant, raconte-t-il.
Le troisième trimestre est généralement une bonne période pour l'emploi car il inclut la saison touristique estivale, qui en outre, cette année, a été excellente, l'Espagne ayant profité des projets de vacances contrariés par les soulèvements populaires en Egypte et en Tunisie.
Au final, les élections ont bien été avancées au 20 novembre, mais les chiffres ont été "tout le contraire, ce qui confirme la détérioration de l'économie espagnole", explique l'économiste, à l'inverse du discours optimiste tenu par l'exécutif.
La bataille pour l'emploi est au centre de la campagne pour ces élections, alors que les chiffres record du chômage, mais aussi les mesures d'austérité adoptées face à la crise, ont valu aux socialistes, au pouvoir depuis 2004, de chuter dans les sondages face à la droite conservatrice.
Certains chiffres sont particulièrement alarmants: presque un jeune de 16 à 24 ans sur deux (45,8%) est au chômage. En Andalousie (sud), près d'un habitant sur trois (30,9%) n'a pas de travail, de même qu'aux Canaries (29,6%).
"Le plus préoccupant, c'est le nombre de foyers dont tous les membres sont au chômage (1,43 million, ndlr), c'est très dangereux" car "cela peut avoir des effets importants sur la stabilité sociale", note M. Martinez Lazaro.
Le pays a vécu ces derniers mois un vaste mouvement de protestation sociale, de dizaines de milliers d'"indignés", imité ensuite dans plusieurs pays dans le monde.
Critiqué par le FMI et les agences de notation, le fort chômage espagnol a encore valu cette semaine au gouvernement des remontrances.
"Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour augmenter la croissance de façon à réduire le niveau inacceptable du chômage", affirme une déclaration adoptée jeudi à l'issue d'un sommet des dirigeants de la zone euro à Bruxelles.
L'UE souhaite que Madrid réforme son marché du travail "pour accroître la flexibilité au niveau des entreprises et de la main d'œuvre" et "pour améliorer la compétitivité".
"Nous y travaillons, en poursuivant le processus de changements qui nous rend plus compétitifs et produit une économie génératrice d'emplois", a répondu vendredi la ministre de l'Economie Elena Salgado.
Mais alors que l'éclatement de la bulle immobilière fin 2008 a mis au chômage beaucoup d'Espagnols, se pose désormais la question de la reconversion de ces salariés, souvent peu qualifiés.
"Quand la crise a commencé, l'Espagne avait 1,8 million de chômeurs environ, ce sont donc 3,2 millions de personnes supplémentaires en quatre ans, et absorber cette masse va prendre du temps", souligne M. Martinez Lazaro, surtout que le pays devrait, selon les économistes, croître faiblement en 2011 et 2012.