Moubarak étant toujours en Egypte, les révolutionnaires craignent que leurs efforts ne tombent à l’eau.
La révolution en Egypte n’est pas encore terminée. Ses dirigeants et partisans en sont de plus en plus conscients, et craignent une contre-révolution commanditée par les restes du régime déchu.
Leurs appréhensions sont nourries par la présence du président déchu Hosni Moubarak à Charm Cheikh. « C’est un centre hostile à la révolution » a stigmatisé le célèbre intellectuel et ancien conseiller de Nasser, Mohammad Hassaneine Haykal. Ce qui illustre pour lui « une situation dangereuse et inquiétante » car « cela fait partie d’un plan de protection dans un état policier ».
Haykal craint des directives provenant de Charm Cheikh, qui avec l’aide d’éléments extérieurs et régionaux, versent dans des tentatives de certaines forces internes de confisquer la révolution.
Partageant cette perception, le journaliste égyptien Jamal Fahmi voit d’un œil suspect l’effervescence des revendications qui ont succédé à la révolution, surtout celles provenant des syndicats d’ouvriers qui ont toujours été dirigés par les services de sécurités de Moubarak.
« La présence de Moubarak en Égypte fait de lui un milieu d’attraction pour toutes les forces qui profitaient de son pouvoir. Un conseil de commandement de la contre-révolution a été constitué à Charm Cheikh, avec l’aide de forces extérieures, à leur tête Israël », affirmé Fahmi.
Même son de cloche de la part d’un chercheur de l’institut AlAhram pour les études politiques et stratégiques, Nabil Abdel Fattah selon lequel « il existe une véritable tentative de renverser la révolution, en se contentant de ce qui a été réalisé, pour essayer ultérieurement de récupérer ce qui a été confisqué ».
Ce qui s’illustre selon lui par « l’obstination du Premier ministre actuel, Ahmad Chafik, un ancien ami de Moubarak, de se contenter de quelques remaniements ministériels partiels, en rejetant la demande de changer tout le gouvernement, et en refusant de geler les avoirs de Moubarak ».
Abdel Fattah soupçonne une implication de la confrérie des Frères musulmans avec les restes du régime déchu, car leur représentant, en l’occurrence Soubhi Saleh, est le seul qui a été admis au sein du comité de remaniement de la constitution. Relevant également que le président de ce comité, Tarek AlBouchri, est connu pour ses tendances islamiques.
Les craintes d’Abdel Fatah sont largement partagées par un autre chercheur d’AlAhram, Imad Jad, qui soupçonne les Frères musulmans d’être le moyen utilisé pour la contre-révolution. Selon lui la scène qui a présenté cheikh Karadoui, (venu du Qatar où il est en exil depuis 30 ans), pour la prière de vendredi dernier, ressemble à celle de l’Imam Khomeiny en Iran.
Ce qui constitue à son avis un message adressé par le régime déchu « à l’extérieur comme quoi c’est ou bien moi, ou bien les Frères musulmans ».
Jqde doute également de l’obstination de l’armée à vouloir transférer le pouvoir dans un délai de six mois, qui à son avis, est une durée insuffisante pour réaliser les buts de la révolution. Raison pour laquelle il perçoit « un plan infernal des partisans du régime déchu pour reprendre le pouvoir, même au prix de bruler le pays ».
Pour sa part, l’ancien chef de l‘AIEA, Mohammad ElBaradei est aussi angoissé pour la révolution, surtout si des élections sont organisées trop top : « ces gens-là ont tout, l’argent, les médias... Et le fait d’aller vite aux élections permet à l’ancien régime de revenir à nouveau sur la scène politique avec un nouveau visage », a-t-il appréhendé.
Qlors aue pour l'un des jeunes dirigeants de la révolution, Chadi Ghazalé Harb, le seul et unique exploit de la révolution a été la chute de Moubarak : « tous les symboles de l’ancien régime sont toujours au pouvoir ; Omar Sleïmane qui est vice-président, Zacharia Azmi (chef du bureau de l’ex-président) en plus de tous les médias. Ils veulent préserver leur prérogatives en se ralliant à la révolution », a-t-il regretté.
Harb a toutefois assuré que les rassemblements se poursuivront, jusqu’à la réalisation des objectifs de la révolution.
Une manifestation est d’ores et déjà programmée pour le mardi prochain.
Concernant les revendications mises au point par le conseil de la révolution du 25 janvier, il s’agit de la démission du gouvernement actuel, (auquel on déplore la présence de visages de l’ancien régime) l’élimination de l’état d’urgence, la libération de tous les détenus, la formation d’un conseil présidentiel comprenant des civils et des magistrats connus pour leur honnêteté, et le jugement de tous les hommes de médias qui ont incité à tuer les révolutionnaires.
Sans oublier la dissolution du service de la sécurité d’état, la restructuration du ministère de l’intérieur, la dissolution du parti national de Moubarak, et la confiscation de tous sièges, ainsi que la récupération de tous les biens pillés de l’Égypte. En allusion aux milliards accumulés par Moubarak et sa clique en trente années de pouvoir.
A ce sujet, une nouvelle découverte a été révélée par un centre juridique égyptien, le Centre égyptien des droits économiques et sociaux : un document assure que le président déchu avait déposé en 1982, à la banque de l’Union suisse la quantité de 19 tonnes de platine. Son coût était alors estimé à 15 milliards de dollars. Le procureur général a été saisi de l’affaire !