Reste à savoir s’il va les insérer dans l’enquête.
Un dossier comprenant des informations suspectant sur une implication du Mossad dans l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais ont été livrées au juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), Daniel Fransen.
Selon le chroniqueur juridique du quotidien libanais AlAkhbar, Omar Nachabé, elles suggèrent des indices circonstanciels qui permettent de suspecter l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon et l’ancien chef du Mossad Meir Dagan.
Ces informations classés « Amicus Curiae » ont été présentées par un ancien responsable du bureau du procureur général affilié au tribunal spécial pour l’ancienne Yougoslavie (TSY), Marwane Dallal.
Dans une lettre écrite, le porte-parole du TSL Martin Youssef a confirmé la réception du document de la part du juge Daniel Fransen.
L’article d’AlAkhbar précise que Dallal est un palestinien des territoires palestiniens de 1948, originaire de la ville de Haïfa. Il s’est présenté dans sa demande comme étant un citoyen de l’état d’Israël, précisant qu’il est un expert dans le droit pénal, administratif et constitutionnel, et dans le droit international humain. Il a exercé la fonction d’avocat en Israël entre 1997 et 2007, prenant en charge des affaires confiées au Tribunal suprême israélien. Il office depuis 2002 pour le TSY, dont le juge n’est autre que le juge belge Serge Bramertz lequel avait présidé la commission d’enquête internationale dans l’assassinat de Hariri entre 2006 et 2008.
L'ingérence israelienne au Liban
Selon Dallal, « l’enquête dans l’attentat du 14 février 2005 n’a pas pris en considération l’éventualité d’une implication israélienne dans l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri et de sa mise en exécution. Le fait d’avoir ignoré de prendre en considération cette piste s’est fait alors qu'Israël mène une politique d’ingérence dans les affaires libanaises en particulier durant la période au cours de laquelle Sharon était Premier ministre et Hariri a été tué ».
L'avocat palestinien précise que son mémorandum comporte quatre parties : la première présente une vision générale, la deuxième expose l’ingérence israélienne dans les enquêtes, alors que la troisième explique les raisons d’une implication israélienne dans cet assassinat, et la dernière invite le juge Fransen à convoquer des témoins et à demander l’aide de certains états.
Il insiste que les informations présentées nécessitent que le procureur général réclame l’assistance de citoyens et de responsables israéliens dans l’enquête.
Israël met du sien dans l'enquête sur Hariri
Dallal reproche à l’acte d’accusation émis par Daniel Bellemare le juin dernier de « s’être fondé sur des indices circonstanciels auxquels il a accordé la valeur probante de la preuve directe, voire encore plus ».
« La théorie du procureur pour déterminer la responsabilité pénale se fonde essentiellement sur l’analyse des appels téléphoniques », déplore-t-il.
Et de poursuivre : « le ministre des affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman a dit le 23-11-10 lors d’une conférence de presse avec son homologue italien en réponse à une question sur les conflits inter libanais : notre première démarche consiste à déployer des efforts pour régler l’affaire du village de Ghajar (village libanais à la frontière occupé par Israël). Bien entendu, nous pensons que notre position et notre collaboration avec la Communauté internationale concernant l’enquête de Hariri se sont faits très ouvertement et en toute sincérité. Nous pensons que le message de la Communauté internationale est d’une grande importance pour consolider le gouvernement libanais contre le chantage du Hezbollah. C’est un chantage clair pour toute la Communauté internationale et nous devons combattre ce chantage qui vise à stopper l’enquête internationale via les menaces».
Comme dernier indice de l’ingérence israélienne dans l’enquête internationale, Dallal le recueille d’une information signalée par le journaliste israélien Youssi Melman, publiée dans le Haaretz en octobre 2010, dans un article intitulé « L’écoute de leurs téléphones ».
Melman y écrit : « les ressources financières de la commission d’enquête sont limitées relativement, et il est difficile d’imaginer qu’elle n’a pas reçu l’aide de pays disposant d’agence d’espionnage aux technologies super sophistiquées. Sachant que leur nombre est limité, et ils comptent en plus de l’agence de sécurité nationale américaine les services de renseignements français et britanniques et sans aucun doute les renseignements israéliens ».
L'assassinat de Hariri ressemble à d'autres crimes attribués à Dagan
S’agissant des causes d’une implication israélienne dans l’assassinat de Hariri, Dallal commence par rappeler que l’acte d’accusation fait allusion à un complot consistant à faire exploser un engin explosif énorme destiné à tuer Hariri, et à diffuser par la suite les allégations mensongères qui en incombe la responsabilité à la vidéo d’Abou Adass, pour semer la panique parmi les gens.
Il cite : « la capacité du chef du Mossad israélien le jour de l’assassinat de Hariri à perpétrer des attentats dans d’autres pays, dont le Liban, en plantant des engins explosifs les imputant à des groupes islamistes inconnus est confirmée. Dans un article publié par le Haaretz, l’auteur israélien Amir Orn a discuté de l’expérience de Dagan au Liban, évoquant les différentes procédés utilisés par le Mossad et les renseignements israéliens à l’encontre du Hezbollah, et signalant trois évènements séparés auxquels il revient au lecteur le choix de les lier entre eux.
Le premier évènement a eu lieu en 1981, le colonel Dagan était alors le commandant de la région du sud Liban. À cette époque une organisation mythique a revendiqué des engins explosifs dans la région de Tyr, lors de rassemblements regroupant des palestiniens et des résistants en présence de civils.
Le deuxième date de l’an 2002. Dagan qui se trouvait alors à la retraire avait alors qualifié le Hezbollah de tête de lance du terrorisme iranien, l’accusant d’entretenir des liens avec al Qaïda. et exigeant d’affronter le terrorisme sans laxisme et le plus vite possible.
Quant au troisième évènement, il a eu lieu en 2003, lorsque Dagan fut désigné à la tête du Mossad. Cette année-là a été tué un certain Mohammad AlMasri, connu pour ses liens avec Al Qaïda, dans l’explosion d’une voiture piégée à Saida. Une organisation inconnue avait alors revendiqué l’acte.
Oron en conclut, rapporte Dalla, que lorsque Dagan se trouve quelque part, des organisations inconnues font leur apparition et au nom desquelles des engins explosifs sont explosés tuant des Arabes qu’Israël déteste ».
Sharon: Dagan est le spécialiste qui sépare la tête des Arabes de leurs corps
Dalla signale aussi que la dixième chaine de télévision israélienne a diffusé un programme spécial sur Dagan, le qualifiant « du responsable israélien qui est parvenu à réinstaurer la puissance de dissuasion d’Israël face à ses voisins ».
Elle rapporta également les propos de Sharon sur Dagan lorsqu’il l’a qualifié « de spécialiste qui sépare les têtes des arabes de leurs corps » ; que c’est Dagan qui assume la responsabilité de l’assassinat du responsable financier du mouvement du Hamas, en 2004, en Syrie, Ezzeddine Khalil, dans l’explosion d’une voiture piégée, et de celui du commandant militaire du Hezbollah Imad Moughniyé, en 2008, également via une voiture piégée, et également de l’élimination la même année du général dans l’armée syrienne, Mohammad Souleymane, suspecté par les Israéliens d’être le responsable qui supervise le passage d’armements entre la Syrie et le Hezbollah; et aussi de l’assassinat un an plus tard d’un scientifique nucléaire iranien via une motocycle piégée qui a explosé à proximité de sa maison.
Le 16 février 2005, deux jours après l’assassinat de Hariri, Youssi Melmann écrivait dans le Haaretz, une chronique intitulée « Qui devront nous tuer ce matin ? ». Il signale : « la rapprochement entre Sharon et Dagan s’est consolidé pour se transformer en une relation professionnelle étroite basée sur le respect mutuel. Dagan avait présidé l’unité blindée de Barak en 1982. Il fut par la suite désigné comme responsable de l’unité de contact au Liban. grâce à ce poste, il a pris connaissance des opérations spéciales menées par l’unité 504, du service des renseignements israélien, œuvrant au Liban, et fut pris de jalousie. Alors il a décidé de créer une unité dépendant de lui. Celle-ci s’est alors mise à recruter des agents chargés de rassembler des informations.
Dans son mémorandum, l’avocat Dalla fait référence à un article également israélien signé par Amos Harel, le 3 juin 2009 dans le Haaretz. Celui-ci y opère un lien entre le suicide d’un officier israélien de l’unité 8200, qui constitue l’élite des services de renseignements militaires israéliens et les informations publiées dans le journal allemand Deir Spiegel le 23 mai 2009 , lesquelles se sont avérées être conformes à celle comprises dans l’acte d’accusation. Harel s’était alors posé un ensemble de questions sur la nature secrète du travail des services de renseignements et l’ambiguïté israélienne concernant les agents travaillant à la solde d’Israël et qui ont été capturés au Liban, surtout les officiers d’entre eux.
Source: Traduit d'AlAkhbar