05-05-2024 05:58 PM Jerusalem Timing

En Espagne, la pauvreté gagne du terrain

En Espagne, la pauvreté gagne du terrain

Chiffres effrayants: un cinquième de Espagnols sous le seuil de la pauvreté. 20% de la population au chômage. 40% des jeunes (de moins de 25 ans) au chômage. 40% des pauvres sont des jeunes.

 Depuis trois mois, Maria José del Coto Maeso vit dans une boutique vide, sans douche, sans cuisine, avec son fils handicapé et sa fille sans travail. Comme elle, des milliers d'Espagnols ont basculé depuis trois ans dans la pauvreté, asphyxiés par le chômage et le surendettement.
  

Aidée par un voisin, la famille a pu s'installer dans cette boutique de 30 mètres carrés du quartier populaire de Ciudad Lineal à Madrid, après avoir été expulsée en juillet de son appartement faute d'avoir pu payer les traites.
  

"Au moins nous avons un endroit où aller. Il y a des gens qui se retrouvent à la rue", confie Maria José, 53 ans, en pyjama violet, en montrant le coin cuisine improvisé, sans eau chaude, qui sert aussi de douche et de séchoir où pend le linge.
  

Pour se laver, il faut chauffer de l'eau dans une casserole. "Là, je fais chauffer des casseroles d'eau, je dégage tout comme si c'était un plateau de douche. Ici on fait tout", explique Maria José.
  

Tous les soirs, la famille déplie trois matelas sur le sol. Tout autour, les cartons renfermant leurs affaires tapissent les murs.
   "Je ne peux pas dire que nous vivons bien, mais nous faisons notre possible pour survivre. J'aimerais ne plus être ici demain, mais je n'en suis pas sûre".
  

Maria José s'occupe nuit et jour de son fils Abel, 26 ans, handicapé depuis un accident quand il était enfant. Sa fille de 25 ans, prénommée Maria José elle aussi, n'a jamais pu trouver d'emploi stable malgré un diplôme d'histoire. Elle envisage de partir à l'étranger.
   "En ce moment l'Espagne n'a rien à offrir", remarque-t-elle.
  
Au total, tous trois vivent avec 700 euros par mois d'aide gouvernementale, plus une pension alimentaire de 300 euros: insuffisant pour payer un loyer ou rembourser les 200.000 euros que la famille devait à la banque Caja Mediterraneo au moment de l'expulsion. Les traites mensuelles, à taux variable, avaient alors bondi de 600 à 1.300 euros.
  
La crise qui a éclaté en 2008, en s'installant dans le temps, menace de déstabiliser les structures sociales alors que le chômage continue de grimper en Espagne, à 21,52% de la population active.
  
A l'image de Maria José et de ses enfants, le nombre de familles dont tous les membres sont sans emploi a explosé, à 1.425.200 foyers fin septembre contre 379.300 au troisième trimestre 2007, un an avant le début de la crise.
  

Ce phénomène est "le plus préoccupant, c'est très dangereux" car "cela peut avoir des effets importants sur la stabilité sociale", note Juan Carlos Martinez Lazaro, économiste à l'IE Business School de Madrid.
  
Selon Miguel Laparra, chercheur à l'Université de Navarre, la crise actuelle a des conséquences plus profondes que d'autres notamment parce qu'elle atteint la cellule familiale qui jouait auparavant comme un rempart.
  

"Lors des crises précédentes, les plus affectés étaient les jeunes qui vivaient avec leurs parents ou le conjoint du chef de famille", explique-t-il.
"Aujourd'hui, le principal soutien de famille est sans travail dans un foyer espagnol sur dix, et l'impact de la crise sur la famille est alors beaucoup plus profond".
  

Corollaire de la progression de la pauvreté, les expulsions de propriétaires ont bondi depuis janvier: 31.955 au premier semestre contre 47.809 pour 2010, déjà une année record.
Elles sont l'une des cibles des "indignés", le mouvement de protestation qui a émergé au printemps en Espagne.
 

Sans logement, sans travail, les Espagnols sont de plus en plus nombreux à frapper aux portes des organisations caritatives.
 "En 2007 nous avions reçu 400.000 personnes et en 2010, 950.000 personnes ont demandé de l'aide, surtout alimentaire, pour l'orientation professionnelle ou pour le logement", explique Ana Abril, directrice du développement de Caritas Espagne.
 "Le nombre de nouveaux demandeurs d'aide a augmenté, pendant que ceux qui en bénéficiaient déjà continuent à en avoir besoin. C'est une stagnation dans la pauvreté", ajoute Sebastian Mora, le secrétaire général de l'organisation.
(AFP)

Chiffres sur la pauvreté en Espagne :

9 millions d’Espagnols (un sur cinq)  sont sous le seuil de la pauvreté.
20% de la population est au chômage, donc le cinquième.
40% des jeunes (de moins de 25 ans) sont au chômage
40% des pauvres sont des jeunes. Six sur dix sont en situation de pauvreté extrême.
( source : fondation FOESSA-Caritas)