Le secrétaire général du Hezbollah a annoncé le refus du parti de financer un tribunal injuste, illégitime et anticonstitutionnel.
Dans son discours prononcé devant des milliers de fidèles venus commémorer la sixième nuit de l'Achoura, le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah s'est arrêté sur les derniers développements sur la scène politique libanaise, notamment la question du financement du TSL et le discours confessionnel auquel a recours le parti du Futur pour inciter la population contre le Hezbollah et ses alliés.
Le secrétaire général du Hezbollah commentait la décision prise par le Premier ministre Najib Mikati d'envoyer la part du Liban du financement du tribunal international, en dehors du Conseil des ministres. Sachant que la plupart des ministres sont hostiles à ce financement, dont ceux du Hezbollah, du Courant patriotique libre et du mouvement Amal.
Sayed Nasrallah a affiché l'opposition du Hezbollah à la position du Premier ministre Najib Mikati de financer le TSL, lui demandant en échange d'ouvrir à nouveau le dossier des faux-témoins dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et de rendre justice aux quatre hauts officiers séquestrés injustement dans cette affaire, et qui n'ont pas reinvesti leurs postes après leur libération.
S'agissant du TSL, le numéro un du Hezbollah a révélé les dessous du compromis turco-qatari, présenté en 2010, approuvé par Saad Hariri, et qui stipulait la fermeture définitive de ce dossier en permettant en contrepartie aux forces du 14 mars de garder en main le pouvoir !
S'adressant aux responsables du Futur, il les a appelés à cesser le langage confessionnel, et les a mis en garde contre les séquelles d'une telle politique visant à semer la division parmi les gens, tout en assurant que le Hezbollah ne sera jamais intimidé par ce discours.
Voici dans ce qui suit les grandes idées du discours de Sayed Hassan Nasrallah:
"Que la paix de Dieu soit sur vous, O Aba Abdallah, fils du Messager de Dieu, sur votre famille et sur vos compagnons.
Comme je vous l'avais promis hier, je vais parler dans mon discours d'aujourd'hui des développements sur la scène libanaise et de tout ce qui concerne l'affaire du tribunal et de son financement.
J'ai deux grands titres à développer:
1- Le discours politique général dans le pays
2- Le TSL, le gouvernement et le financement du tribunal.
1- Il est clair que depuis des années, un certain groupe politique au Liban a recours au discours confessionnel afin d'inciter le peuple contre l'autre partie du pays. J'appelle tous les libanais à s'entendre sur le fait que ce qui se passe dans le pays est un différend politique qui n'a rien à voir avec les convictions et les idées religieuses de telle ou telle communauté, mais qu'il s'agit d'un différend lié aux projets et aux idées politiques.
Mettons-nous d'accord sur le fait que critiquer un dirigeant ou un responsable ne signifie pas qu'on critique une communauté quelconque. Si on critique le chef de l'Etat, il ne faut pas dire que tous les maronites sont critiqués, de même pour le chef du parlement qui est chiite et celui du gouvernement qui est sunnite.
Si un parti politique représentant la partie majeure d'une communauté est critiqué, ceci ne signifie pas qu'on critique la communauté elle-même ni ses adeptes.
Si on n'est pas d'accord avec un parti politique, on peut s'échanger les critiques et les accusations, ceci doit rester dans le cadre politique, mais les offenses personnelles, ou les insultes sont interdites et illicites, mais même dans ce cas, il s'agit d'une affaire personnelle qui touche une seule personne et non pas sa communauté.
De notre part, nous sommes attachés à cette conviction et nous refusons de dire que nous sommes les chiites ou que vous êtes les sunnites. Personne n'a le droit de parler au nom de toute sa communauté.
Vous pouvez revoir toutes nos déclarations politiques, nous ne nous sommes jamais présentés en tant que porte-parole des chiites.
Je vais critiquer les dirigeants du parti du futur et leur demander de cesser leur discours confessionnel provocateur, eux qui profitent de certains incidents pour inciter à la division et à la haine.
Je cite l'exemple de l'entrée récente de l'armée libanaise à la localité d'Ersal à la Békaa: les médias du futur ont prétendu que le Hezbollah a pris d'assaut ce village, escorté par l'armée!
La sensibilité de cette question réside dans le fait qu'Ersal est une localité sunnite dans la Békaa; sachant que ce sont les députés du nord qui ont pris en charge de provoquer la population sur une affaire infondée.
Les députés du futur veulent-ils entrainer la Békaa dans un conflit confessionnel? Pour l'intérêt de qui? Pour l'intérêt du Liban? Ou du printemps arabe? Je voudrais que les députés du futur me répondent, mais sans insulter.
Dans le même cadre, ils ont recours aux insultes et aux provocations en parlant d'autres partis politiques
Tout au long des dernières semaines, ils ont accusé le Hezbollah d'être présent militairement à Tripoli, de fournir des armes à ses alliés, qu'ils accusent d'être des outils et des agents manipulés par le Hezbollah.
Nos alliés à Tripoli existaient avant même la naissance du parti du futur et du Hezbollah. Notre amitié avec ces alliés précèdent la naissance du parti du futur, et ces derniers ont démontré qu'ils jouissent d'une forte représentation populaire malgré les grandes pressions exercées sur eux lors des élections, à savoir les fraudes et les falsifications.
Malgré tout cela, nos alliés à Tripoli ont démontré qu'ils jouissent d'un large soutien populaire et qu'ils sont aussi les plus soucieux pour leur ville, pour leur appartenance et pour leur communauté.
J'appelle le parti du futur à prendre les leçons dans leurs réunions privées sur leur actuelle représentation populaire à la suite de la faible participation populaire dans le dernier rassemblement qui fut organisé contre la Syrie. Sachant que les participants au rassemblement venaient de toutes les régions libanaises et non seulement de Tripoli.
La relation entre le Hezbollah et ses amis à Tripoli et au Nord en général est une relation honnête et honorable qui a favorisé la défaite d'Israël alors que l'autre partie a des alliés pro-israéliens.
Concernant les événements en Syrie, les médias libanais, arabes et internationaux tentent de présenter la situation en Syrie comme étant un conflit confessionnel, ce qui n'est pas le cas. Il suffit de regarder certains médias pour réaliser quel avenir promet-on à la Syrie. Pourquoi insiste-t-on sur la division confessionnelle?
Certains médias libanais prétendent qu'il y a 3000 combattants du Hezbollah en Syrie. Nous avons maintes fois démenti cette info, mais en vain. Ils prétendent aussi que des milliers de combattants de l'armée du Mahdi sont entrés en Syrie via l'Irak, pour stigmatiser les sentiments confessionnels.
Où vont-ils entrainer le pays? Qui servent-ils? Si ces parties se figurent qu'à travers la provocation confessionnelle peuvent intimider les autres parties pour les pousser à capituler et à changer d'avis.
Je leur dis que vous avez tort. Nous n'avons pas peur des provocations, et nos convictions ne peuvent être ébranlées d'un iota par ce genre de discours.
Tout au long de l'histoire de la résistance, nous avons subi la plus grande guerre psychologique, mais cette guerre n'a jamais porté ses fruits.
Si d'aucuns pensent qu'ils peuvent compter sur une quelconque puissance pour éradiquer les autres parties du pays, ils ont certainement tort.
Ceux-ci vont-ils entrainer le pays dans la division? Dans la guerre civile? Quel sera le résultat? Détruire le pays comme les libanais l'ont fait par le passé?
Cette méthodique n'a pas d'horizon. Je vais rassurer tout le monde, nous ne voulons faire de guerre avec qui que ce soit, on nous rappelle toujours du 7 mai, mais ce sont vous qui avez attaqué en premier. Toutefois, si quelqu'un planifie une guerre ou un conflit, il doit savoir à l'avance le résultat de cette guerre.
Evitons donc les provocations confessionnelles.
2- Concernant le TSL, le gouvernement et le financement du tribunal:
Dans l'ancien gouvernement, présidé par Saad Hariri, le gouvernement d'union nationale, nous avons coopéré au maximum pour répondre aux besoins du peuple, mais pratiquement, et malgré le soutien politique et parlementaire du gouvernement, ce dernier a pris une tournure différente.
Vers l'approche de l'échéance de l'acte d'accusation, qui fut reporté par la politique, on s'est posé la question sur la façon dont le gouvernement va traiter ce dossier. C'est ainsi que la médiation syro-saoudienne a commencé.
Pendant des mois, il y a eu des efforts pour calmer la situation alors que tout le monde sait que le président Hariri et les forces du 14 mars ont œuvré jour et nuit pour saboter cette médiation. A la suite de l'échec de cette médiation, nous avons démissionné du gouvernement, après avoir réalisé qu'un projet dangereux se préparait dans le pays.
L'ancienne opposition qui est devenue la majorité actuelle a nommé ensuite Najib Mikati avec la médiation de la Turquie et du Qatar après une réunion en Syrie.
Des ministres des deux pays ont proposé une solution politique qui puisse sauver le pays. Certes l'accord comprend deux parties: l'une a été annoncée publiquement et l'autre est restée secrète.
Un congrès était prévu en France, sous la présidence de Sarkozy et la présence de la Turquie, du Qatar, de l'Arabie Saoudite et des Etats-Unis pour faire passer cet accord.
Cette transaction stipule que le Hezbollah sera débarrassé de l'affaire du TSL, que Saad Hariri s'engage à cesser le financement, retire les juges du tribunal, efface le protocole du tribunal. On nous a dit que le premier ministre Hariri sera prêt à faire encore plus de concessions.
A la base de la clause 6 stipulant la protection de la sécurité et de la paix au Liban, Hariri annonce la révision de la position libanaise sur le tribunal, et s'engage à ce que cette question soit la première clause à la première réunion du gouvernement pour prendre les mesures juridiques permettant de retirer les juges, cesser le financement et stopper la coopération du Liban avec le TSL.
Les deux ministres turc et qatari sont venus nous dire qu'ils vont nous sauver de l'acte d'accusation.
Voyez ce qu'on doit faire en contrepartie: nommer à nouveau Hariri à la tête du gouvernement, protéger son groupe politique, sécuritaire, juridique et financier. Autrement dit, le Hezbollah devrait livrer le pays à Saad Hariri et à ses alliés, et s'engager à ne pas renverser le gouvernement pour le débarrasser ensuite du TSL.
Ils m'ont demandé mon opinion personnelle, je leur ai dit que je suis contre cette proposition, parce que vous nous échangez notre intérêt au détriment des intérêts du pays.
Ce gouvernement n'a rien offert au peuple. Au Liban, le chef de l'autorité exécutive est le Premier ministre, mais pendant une année, ce dernier n'a poursuivi aucune affaire qui touche aux besoins de la population, bien au contraire tout a été confié aux conseillers pour décider à leur propre guise, dans un contexte politique, économique et sécuritaire difficile. Je cite l'exemple des affrontements d’Odeyssah, l'armée libanaise a été abandonnée seule en face d'Israël, Hariri n'a pas interrompu ses vacances !
Et puis en vérité, beaucoup de gens comptent sur moi pour leur garantir une vie digne dans ce pays, pour réaliser leurs besoins, et donc je ne pouvais pas les trahir. Même nos alliés avaient donné cette réponse à la proposition en question.
Lorsque j'ai présenté mon évaluation aux deux ministres, ils n'ont pas pu réagir ni défendre Hariri. Ils m’ont dit que j'avais raison mais ils ont essayé de me convaincre que l’affaire du tribunal est plus importante et que Saad Hariri est le seul responsable capable de nous trouver une issue.
Je leur ai répondu que je ne peux aucunement faire de transactions aux dépens des intérêts de ce pays pour lequel nous avons présenté nos meilleurs dirigeants et combattants.
La direction syrienne voulait que la médiation qatarie et turque réussisse, mais nous avons adopté notre propre position. La Syrie cherchait à améliorer ses relations avec le Qatar, la Turquie et l'Arabie Saoudite, mais nous, au Liban, avons donné la primauté aux intérêts du Liban.
Le Premier ministre a pris une décision à sa charge. Toutefois, nous avons été informés qu’il allait utiliser les fonds du Haut Commissariat pour les secours libanais pour financer le TSL, et qu'il allait recevoir des dons de certains pays pour payer la somme nécessaire. Je ne sais pas si cette mesure est juridique ou constitutionnelle.
Mikati a dit que son objectif était de protéger le Liban parce qu'il est convaincu que dans le cas contraire, on va imposer des sanctions sur le pays. Ce qui est étrange, c'est que les grandes puissances marchandaient pour éliminer tout le dossier du TSL, et maintenant ils veulent nous punir !
Nous, au Hezbollah, soucieux de la poursuite du gouvernement actuel et de la stabilité du pays, annonçons ce qui suit :
1- Nous ne reconnaissons pas la légitimité du TSL, nous allons donner la priorité à l'intérêt patriotique suprême et nous n'allons pas faire de problème dans le pays.
2- Les prêts venant des différents pays seront remboursés par l'argent des dons étrangers et nous allons nous opposer à toute mesure qui confisque l'argent du peuple.
Je voudrais remercier également nos alliés et nos amis, aux blocs parlementaires et les ministres qui se sont opposés au financement jusqu’à la dernière minute, bien que certains responsables aient subi des intimidations et des menaces d’être convoqués par le TSL.
Nous allons tourner cette page sans faire de marchandage, ni au sujet des nominations administratives, ni dans le dossier des faux-témoins.
J'ai deux choses à dire:
1- Mikati a toujours dit qu'il était soucieux pour la justice et, qu'en tant que premier ministre, son patriotisme et son appartenance à la communauté sunnite ne lui permettent pas de refuser le financement du TSL.
Je luis dis donc : Votre vision sur la justice vous contraint de rendre justice aux quatre officiers dont deux appartiennent à votre communauté et à certains citoyens aussi sunnites. Le dossier des faux-témoins doit figurer sur l'ordre du jour de la réunion gouvernementale et le transférer ensuite au conseil juridique. Vous êtes devant cette épreuve. Ce dossier doit être tranché.
2- Il est temps que ce gouvernement soit efficace et productif, et qu’il assume ses responsabilités. Dans ce cadre, toutes les revendications du Courant patriotique libre sont réalistes et justes et nous les soutenons toutes.
Hier, j'ai entendu dire que le Hezbollah a ainsi reconnu la légitimité du tribunal et qu’il lui reste à livrer les accusés. Regardez comment ils exploitent les choses. On apprenait toujours à l'école qu’il faut établir un lien entre la preuve et le résultat. Peut-on alors dire : Le ciel est clair, le soleil luit, cette voiture est donc à moi ?...
Je rappelle une fois de plus que si la clause du financement du tribunal avait été soumise au vote au gouvernement, le Hezbollah s’y serait certes opposé.