Un bus s’arrête pour faire monter des passagers: les hommes s’installent à l’avant, les femmes à l’arrière...
Un bus s'arrête pour faire monter des passagers: les hommes s'installent à l'avant, les femmes à l'arrière. Cette scène, fréquente à Jérusalem, illustre une ségrégation sexuelle croissante en Israël, selon les féministes et les défenseurs de l'égalité des sexes.
La Cour suprême a jugé illégal d'obliger les femmes à rester dans le fond des bus utilisés par les juifs ultra-orthodoxes, mais il est impossible d'empêcher celles qui le souhaitaient de rester à l'écart des hommes.
Le président de l'Etat Shimon Pérès a lui-même dénoncé lundi "une ségrégation intolérable" et contraire selon lui à toute la tradition juive.
Les franges les plus conservatrices n'en continuent pas moins à vouloir imposer une stricte séparation entre les sexes dans un pays pourtant majoritairement laïc.
Les féministes s'insurgent notamment du fait que l'accès des femmes aux services publics, leur capacité à participer à des enterrements et même l'affichage publicitaire soient affectés par cette campagne.
Pour leur part, les juifs de stricte observance, estiment que leur nombre croissant, compte tenu de leur forte natalité, et la "permissivité" grandissante de la société israélienne, justifient des mesures destinées à leur permettre de respecter strictement leur foi.
La question de la ségrégation sexuelle n'est pas nouvelle en Israël, où nombre d'habitants suivent des principes religieux promouvant la pudeur et une limitation des contacts entre les deux sexes.
Cependant, les juifs ultra-orthodoxes, qui représentent environ 10% de la population juive, apparaissent de plus en plus "radicaux" et parviennent à arracher des concessions portant atteinte aux droits des femmes.
Rachel Azaria, membre du conseil municipal de Jérusalem, a été confrontée à ce problème quand elle s'est lancée dans la campagne pour son élection en 2008, une entreprise de transport refusant de placarder ses affiches sur ses bus.
Elle est finalement parvenue à faire lever l'interdit. Mais elle a ensuite été choquée par le choix -- non officiel -- du maire laïque de Jérusalem, Nir Barkat, de ne pas utiliser d'images de femmes dans ses affiches.
"J'ai eu le sentiment que le communautarisme avait pris le dessus et que soudainement, la majorité ne pouvait plus rien dire parce qu'elle devait tenir compte des groupuscules", déclare-t-elle à l'AFP.
Orly Erez-Likhovski, avocate qui a travaillé sur le dossier de la ségrégation dans les bus, estime que les tentatives d'exclure les femmes de l'espace public se multiplient.
Des affiches montrant des femmes sont recouvertes de peinture noire. Des mairies organisent des événements lors desquels hommes et femmes sont séparés, et des soldats religieux sortent des rangs lors des rassemblements militaires quand leurs homologues féminines chantent.
Même les enterrements, quasi exclusivement présidés par des rabbins ultra-orthodoxes, font l'objet de ségrégation sexuelle et les femmes se voient parfois interdire d'y parler, témoigne l'avocate.
Mme Erez-Likhovshi affirme que la plupart des ultra-orthodoxes s'opposent à de telles mesures, tenant pour responsable une "frange extrémiste".
"C'est une sorte de retour de bâton: comme la société devient de plus en de plus moderne, les ultra-orthodoxes tentent de se cloisonner", explique-t-elle.
Le rabbin ultra-orthodoxe Shmuel Jakobovits en convient: "La permissivité dans la société devient de plus en plus importante. Aujourd'hui, quand une personne profondément religieuse veut aller dans certaines parties de la ville (...) elle voit de nombreuses choses qu'il ne voudrait pas".
Néanmoins, Mme Azaria se veut optimiste, citant la récente décision de la ville de Jérusalem de réintroduire des publicités avec des visages de femmes.
"Dans le passé, tout le monde disait qu'il n'y avait rien à faire en raison des ultra-orthodoxes", dit-elle, "mais finalement on se rend compte que c'est quelque chose contre lequel il faut se battre".