Ereinté pour son attentisme face aux révolutions en Tunisie et en Egypte, le gouvernement français a mis jeudi de côté son principe de non-ingérence en espérant le départ de Kadhafi.
Ereinté pour son attentisme face aux révolutions en Tunisie et en Egypte, le gouvernement français a mis jeudi de côté son principe de non-ingérence en espérant le départ de Kadhafi et en évoquant des crimes contre l'humanité passibles de la Cour pénale internationale (CPI).
Le ministre de la défense Alain Juppé a dit souhaiter "de tout cœur que Kadhafi vive ses derniers moments de chef d'Etat". "Lorsqu'un gouvernement n'est pas capable de protéger sa population lui-même, lorsqu'il l'agresse, alors la communauté internationale a le devoir d'intervenir", a-t-il affirmé.
Mercredi, Nicolas Sarkozy avait déjà durci le ton en demandant des "sanctions concrètes" de l'Union européenne.
Paris a agité jeudi la menace d'une saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) contre les responsables de la répression et demandé l'envoi d'une mission de l'ONU pour "évaluer l'ampleur des crimes commis et en particulier si des crimes contre l'humanité ont eu lieu".
Soulagée d'avoir pu rapatrier ses ressortissants de Libye, la France réclame ainsi le départ du colonel Kadhafi, alors que pendant les révolutions tunisienne et égyptienne, elle avait estimé de son devoir de ne pas s'ingérer dans les affaires de ces pays.
La répression du soulèvement populaire en Libye a fait 300 morts, selon un bilan officiel libyen. Elle a fait au moins 640 morts, selon la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH). Des bilans beaucoup plus lourds ont également été évoqués.
Alain Juppé a en revanche affirmé qu'une intervention militaire étrangère contre le régime de Kadhafi n'était pas d'actualité, même si l'idée d'une zone d'exclusion aérienne, qui empêcherait l'aviation de Kadhafi de bombarder sa propre population, "mérite d'être étudiée".
Ce durcissement intervient alors que le président Nicolas Sarkozy a été fortement critiqué pour avoir développé ces dernières années des relations étroites, en particulier commerciales, avec Mouammar Kadhafi.
Nicolas Sarkozy lui avait déroulé le tapis rouge en décembre 2007 à Paris, cinq mois après être intervenu pour la libération de cinq infirmières bulgares retenues pendant six ans dans les geôles libyennes.
Paris et Tripoli avaient alors signé pour une dizaine de milliards d'euros de contrats avec notamment la promesse de vente d'un ou plusieurs réacteurs nucléaires et de 21 Airbus.
Plus généralement, depuis plusieurs semaines, la diplomatie française essuie un feu nourri de critiques, accusée d'être passé à côté des révolutions démocratiques arabes du fait d'une trop grande proximité avec les régimes autoritaires au pouvoir.
Une grande partie de la presse et de l'opposition de gauche réclament en particulier la démission de la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie qui concentre tous les reproches et dont la crédibilité est remise en cause dans la presse et la classe politique.
Entrée en fonctions en novembre, elle a accumulé les maladresses, d'une offre de coopération sécuritaire à l'ex-président Zine Ben Ali à des explications confuses sur ses vacances de fin d'année en Tunisie, alors que la révolte avait commencé.
Le journal Le Monde évoquait jeudi "une diplomatie française sans voix, sans moyens et sans cap" alors que Libération se demandait "combien de temps la diplomatie française va continuer à se ridiculiser avec, à sa tête, une ministre des Affaires étrangères en quasi-quarantaine".
Alain Juppé a jugé "profondément injustes" ces critiques.
"Il y a eu des erreurs, mais ce sont des erreurs collectives. Quel est le pays européen qui a pris sur la Tunisie, l'Egypte, la Libye aujourd'hui, des positions anticipatrices particulièrement clairvoyantes ? Aucun. Les Etats-Unis pas davantage", a-t-il affirmé.