Le Conseil constitutionnel doit statuer dans un délai d’un mois, qui peut être ramené à huit jours à la demande du gouvernement.
Le Conseil constitutionnel français a été saisi mardi d'un recours contre la loi pénalisant la négation du génocide arménien, une démarche aussitôt saluée par Ankara comme un premier pas vers une "détente" avec Paris après la crise aiguë déclenchée par l'adoption du texte.
Cette saisine a pour effet immédiat la suspension de la promulgation de la loi par le président Nicolas Sarkozy, qui doit normalement - en l'absence de contestation - intervenir dans les quinze jours suivant son adoption définitive par le parlement.
Mardi matin, ce sont 72 sénateurs et 65 députés qui ont déposé des recours contre la loi adoptée le 23 janvier, au grand dam de la Turquie, partenaire stratégique majeur de la France.
Dans chacune des chambres, le nombre de signatures recueillies contre le texte est supérieur au minimum requis. Le Conseil constitutionnel peut en effet censurer une loi qu'il juge contraire à la Constitution, s'il est saisi par 60 députés, 60 sénateurs, le chef de l'Etat, le président de l'Assemblée nationale ou celui du Sénat.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, ainsi que le président Abdullah Gül, ont immédiatement salué l'initiative des parlementaires. "C'est une démarche conforme à ce qu'est la France. J'espère que le Conseil constitutionnel fera le nécessaire", a déclaré M. Erdogan à des journalistes, quelques minutes après l'annonce de la saisine.
"Les relations franco-turques vont se détendre. On risquait une rupture.
Pour le moment, cette rupture a l'air d'avoir été évitée", a déclaré à l'AFP à Paris le porte-parole de l'ambassade de Turquie, Engin Solakoglu.
Le Conseil constitutionnel doit statuer dans un délai d'un mois, qui peut être ramené à huit jours à la demande du gouvernement.
La loi punit d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende la négation de génocides reconnus comme tels par la loi française, dont le génocide arménien.
Le vote de ce texte a provoqué une crise profonde avec la Turquie, qui ne reconnaît pas le caractère génocidaire des massacres d'Arméniens survenus en Anatolie --les Arméniens parlent de 1,5 million de morts, Ankara de 500.000 personnes tuées.
Après le vote du texte par l'Assemblée nationale le 22 décembre, la Turquie, pays membre de l'Otan, avait suspendu sa coopération politique et militaire avec la France. Après le vote au Sénat, elle a promis de nouvelles représailles, si la loi était promulguée par le président Nicolas Sarkozy.
"Nous sommes toujours sur cette position", a affirmé M. Solakoglu. "Nous avons pris note de la volonté de l'exécutif français. Nous considérons toujours cette volonté comme un acte hostile à l'égard de la Turquie", a-t-il ajouté.
Les relations entre les deux pays se sont refroidies depuis l'arrivée au pouvoir en 2007 de Nicolas Sarkozy, farouchement hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Le président français tentait toutefois depuis le début de cette crise de calmer le jeu alors que le texte avait suscité des réticences y compris au sein du gouvernement.
Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, notamment, l'a jugé "inopportun". Et la commission des lois du Sénat l'a jugé "contraire à la Constitution".
Plusieurs élus et responsables politiques, de droite comme de gauche, étaient hostiles à une loi, à la fois par opposition de principe aux lois mémorielles et du fait de son impact économique et diplomatique potentiellement négatif pour la France.
La Turquie est un important partenaire économique de la France, avec 11,7 milliards d'euros d'échanges en 2010, 400 entreprises françaises implantées et 11,5 milliards d'euros d'investissements directs cumulés français.