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La sortie de l’euro soutenue par deux Nobels, mais ignorée des médias

La sortie de l’euro soutenue par deux Nobels, mais ignorée des médias

Le quotidien Marianne nous fait part d’un nombre grandissants d’economistes qui ne voient en l’euro qu’un avenir incertain.

Lentement, mais sûrement, la sortie de l’euro gagne le soutien d’un nombre grandissant d’économistes, notamment Joseph Stiglitz et Paul Krugman. Pourtant, d’un point de vue médiatique, le débat reste tout aussi caricatural.


Les critiques de Joseph Stiglitz
Joseph Stiglitz critique les politiques menées dans la zone euro depuis deux ans, avertissant dès mai 2010, que « l’austérité mène au désastre ». Mais s’il soulignait que les pays en difficulté auraient besoin de dévaluer, il ne passait pas le Rubicon. Dès octobre 2010, il avait souligné que « la différence des politiques convenant aux pays enregistrant des excédents commerciaux élevés et ceux qui sont déficitaires implique que la monnaie unique subit des tensions intenses ».
 
Dès janvier 2011, il évoquait une sortie de la Grèce et de l’Espagne pour retrouver leur compétitivité. Mais le « prix Nobel » d’économie 2001 a franchi un nouveau pas lors d’un forum en Asie en début d’année. Il a comparé les politiques suivies à « la pratique de la saignée dans la médecine médiévale ». Mieux, il a fait un parallèle avec le destin de l’étalon-or après la crise de 1929 en affirmant que « ce sont les premiers pays à l’avoir quitté qui s’en sont sorti le mieux. »

Le revirement de Paul Krugman
Paul Krugman, l’autre « prix Nobel » d’économie progressiste, a lui aussi toujours été très critique à l’égard des politiques suivies en Europe. Dès la fin 2010, il soulignait que l’Islande se sortait mieux de la crise que l’Irlande du fait qu’elle a pu fortement dévaluer sa monnaie, ce qui est impossible dans la zone euro. La situation début 2012 confirme cela. L’an dernier, il soulignait également que l’euro renchérissait le taux des emprunts de l’Espagne par rapport à la Grande-Bretagne.
 
Mais, fin octobre, il est allé encore plus loin en affirmant que « l’élite européenne, de toute son arrogance, a bloqué le continent en un système monétaire qui a recréé la rigidité du modèle d’excellence, et (…) celui-ci s’est transformé en piège mortel ». Mieux, il a affirmé que « l’Europe se porterait sans doute mieux s’il (l’euro) s’écroulait plutôt aujourd’hui que demain ». Fin janvier, il a déclaré dans le Mond e, que « tout semble inextricable », détaillant les vices de forme de la zone euro.

La bataille des idées est gagnée
Le revirement progressif de Joseph Stiglitz et Paul Krugman s’ajoute aux critiques de Maurice Allais il y a vingt ans ou celle d’un autre « prix Nobel », Amartya Sen, comme le rapporte le blog du Manifeste pour un débat sur le libre-échange. Bref, il y a des dizaines d’économistes qui sont aujourd’hui partisans d’une sortie de la monnaie unique, ce qui devrait tout de même inciter certains commentateurs politiques à un peu plus de mesure quand ils évoquent ce débat.
 
Bref, la bataille des idées semble gagnée. L’OIT souligne le rôle des bas salaires allemands dans la crise actuelle, démontrant que l’euro pousse les salaires à la baisse. Alors que les soutiens de la monnaie unique se contentent d’évoquer les sept plaies d’Egypte, des critiques robustes de l’euro peuvent être trouvées partout sur Internet ou en librairie : Jacques Sapir (qui vient de sortir un livre ), Philippe Murer, du Manifeste pour un débat sur le libre-échange ou Jean-Paul Letombe.
 
J’ai aussi contribué au débat en publiant une demi-douzaine d’articles et deux vidéos qui synthétisent les arguments en faveur d’une sortie, tout en en développant les modalités. Vous pouvez également trouver de très bonnes contributions, signés Edgar, du blog La lettre volée, Philippe Murer, sur Marianne 2 ou Jacques Sapir. Enfin, ce papier du Financial Times démontre bien que le franc ne perdrait pas de valeur par rapport à l’euro, car il restera entre le mark et les monnaies du Sud.
 
Hier, sur M6, les journalistes se sont moqués du monde en évoquant une hausse du prix de l’essence de 25 % (alors que 60 % du prix sont des taxes), une hausse des prix de 10 % en 3 mois (alors que la dépréciation de 20 % de la livre avait provoqué 2 points d’inflation de plus il y a 3 ans en Grande-Bretagne) ou une hausse de la dette (alors que le franc serait stable face à l’euro). En outre, il est inadmissible de n’avoir fait parler que des économistes opposés à la sortie alors qu’il y en a tant qui y sont favorables et de choisir Marine Le Pen comme seule porte-parole.
 
Bref, aujourd’hui, tout se passe comme si nous avions gagné la bataille des idées. Où sont les contributions au débat solides défendant la monnaie unique autrement qu’en prévoyant l’apocalypse ? Dommage qu’une grande partie des médias n’en rendent pas compte de manière plus impartiale.

Marianne