Selon l’AFP, des habitants de cette ville ont récemment fondé "l’Armée des Irakiens libres", afin de venir en aide aux insurgés syriens
La petite ville irakienne de Qaïm a jadis reçu l'appui des Syriens contre l'armée américaine et entend bien rembourser sa dette aujourd'hui en aidant à son tour ses voisins à l'heure où ils font face à la répression.
"Nos frères syriens se trouvaient au côté des Irakiens (...) lorsque les forces américaines nous ont encerclés en 2005, et ils nous ont ouvert leur frontière et leurs coeurs", témoigne un responsable local, cheikh Mohammed al-Karbouli.
"Ils nous ont fourni tout ce dont nous avions besoin: nourriture, médicaments, hommes et armes", et par conséquent "nous devons les payer de retour dans leur épreuve", estime-t-il.
L'Irak et la Syrie partagent quelque 600 km de frontière. Côté irakien, plus de la moitié fait partie de la province majoritairement sunnite d'Anbar, autrefois une place-forte de l'insurrection. C'est là que se trouve Qaïm, 137.000 habitants.
Plusieurs familles et tribus locales, parfois très influentes, ont des liens familiaux de l'autre côté de la frontière. Pour certains, la collecte a déjà commencé.
"Nous leur envoyons pour le moment des fournitures médicales et nous réunissons de l'argent auprès des gens aisés et le leur faisons parvenir", explique Abdel Nasser Mohammed al-Qaraghuli, qui habite entre Qaïm et la frontière syrienne.
"Jusqu'ici j'ai envoyé 2.000 dollars pour aider les blessés de Syrie", témoigne un doyen tribal, Abou Moujahid al-Louhaibi. "Nous envoyons l'argent à des familles que nous connaissons, via des intermédiaires", explique-t-il.
"Ce qui est en train d'arriver au peuple syrien à présent à Homs, Damas, Deir Ezzor et d'autres villes est une insulte à la dignité", lance-t-il.
Le régime du président syrien Bachar al-Assad fait face à un mouvement de contestation sans précédent depuis onze mois. Sa répression a déjà fait plus de 7.600 morts, en majorité des civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
La Syrie est majoritairement sunnite mais gouvernée depuis 40 ans par le clan Assad qui est issu de la communauté alaouite, une branche de l'islam chiite. L'Irak est de son côté dirigé par un Premier ministre chiite.
Le ministre adjoint irakien de l'Intérieur, Adnane al-Assadi, a récemment affirmé à l'AFP que des jihadistes se rendaient d'Irak en Syrie pour y combattre et que des armes destinées à l'opposition syrienne étaient acheminées à partir de l'Irak. Le gouvernement s'est engagé à empêcher ces trafics.
De leur côté, des habitants de Qaïm ont récemment fondé "l'Armée des Irakiens libres", afin de venir en aide aux protestataires syriens.
Le groupe entend "contrôler la frontière et traquer, grâce à des volontaires, tout mouvement bizarre ou suspect du gouvernement irakien visant à assister les autorités syriennes", a-t-il fait savoir.
"Nous partirons immédiatement nous battre en Syrie si il s'avère que le gouvernement irakien envoie des combattants là-bas pour lutter au côté du gouvernement", a déclaré à l'AFP son chef, Abou Yasser, qui s'exprimait le visage masqué. M. Yasser se déplace dans un convoi de trois véhicules occupés par une douzaine d'hommes armés de fusils automatiques.
Qaïm se prépare aussi à l'éventuelle arrivée de réfugiés syriens, explique Bilal al-Ani, qui dirige une organisation locale de défense des droits de l'Homme. Si cela se produit, "nous les recevrons et nous leur fournirons tout ce dont ils ont besoin", déclare-t-il.
"Si le gouvernement renâcle à ouvrir des camps, alors nos maisons leur sont ouvertes", souligne pour sa part le cheikh Karbouli.