Constamment chahutées depuis la chute du président Ben Ali, les autorités tunisiennes de transition ont décidé de retarder les élections promises dans la foulée de son départ, le temps d’élire le 24 juillet une assemblée chargée
Constamment chahutées depuis la chute du président Ben Ali, les autorités tunisiennes de transition ont décidé de retarder les élections promises dans la foulée de son départ, le temps d'élire le 24 juillet une assemblée chargée de rédiger une nouvelle constitution.
En annonçant cette décision jeudi soir à la télévision, le président par intérim Foued Mebazaa a proclamé "l'entrée dans une nouvelle ère (...) dans le cadre d'un système politique nouveau qui rompt définitivement et d'une manière irréversible avec le régime déchu" du président Zine el Abidine Ben Ali le 14 janvier.
Le nouveau Premier ministre Béji Caïd Essebsi a d'ailleurs accusé vendredi ce dernier de "haute trahison", lors de sa première conférence de presse.
Jeudi soir, le président a expliqué qu'on voterait le 24 juillet pour une Assemblée nationale constituante (ANC) chargée d'élaborer une nouvelle constitution.
M. Mebazaa, qui a annoncé qu'il resterait en place à l'expiration le 15 mars de son mandat constitutionnel, n'a toutefois pas précisé de quelles élections il s'agirait ensuite: législatives ou présidentielle, ou les deux.
La presse était en tout cas unanime vendredi pour parler de l'avènement programmé d'une "deuxième république".
"Le grand débat qui s'ouvre désormais est: va-t-on vers un système parlementaire ou un système présidentiel", juge à cet égard un diplomate.
Pour de nombreux analystes, ce nouveau "meccano" institutionnel sonne comme une victoire de nombreux secteurs politiques et de la société civile qui depuis des semaines contestaient la légitimité du pouvoir mis en place après la chute de Ben Ali et réclamaient une nouvelle constitution comme préalable à la mue démocratique de la Tunisie.
Signe de l'instabilité permanente depuis la mi-janvier, le pays a déjà connu en un mois et demi deux Premiers ministres, Mohammed Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, et trois gouvernements.
Globalement, les partis d'opposition semblaient satisfaits vendredi tout en restant prudents.
"C'est une victoire du peuple et de la révolution", déclare à l'AFP Hamma Hammami, le chef du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT), estimant toutefois le délai de 4 mois et demi "trop court" pour élire une Constituante.
La "feuille de route" de Foued Mebazaa est "une victoire pour tout le monde, une victoire pour la Tunisie", juge Ahmed Ibrahim, chef d'Ettajdid (ex-parti communiste).
Acteur important dans la chute de Ben Ali et les débuts de la transition, la puissante centrale syndicale UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) s'est officiellement félicitée du nouveau cap "qui place la Tunisie sur la voie de la liberté et de la démocratie et institue une démarche claire pour la vie politique dans le pays".
"Le programme est clair, il n'y a plus de flou", avait déjà déclaré à l'AFP son secrétaire général adjoint, Ali Ben Romdhane.
Le président par intérim et le futur gouvernement de transition formeront "l'autorité publique" dont l'action "cessera le jour de l'élection de l'Assemblée nationale constituante", a affirmé jeudi Foued Mebazaa.
En vue de cette élection, a-t-il détaillé, "un système électoral spécial" sera préparé "au plus tard avant la fin du mois de mars" par la "Haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique", une instance présidée par un juriste réputé, Yadh Ben Achour.
D'une certaine façon, estime un analyste étranger, la Tunisie va désormais continuer sa "transition démocratique" avec une sorte de cohabitation à la tête du pays: d'un côté un gouvernement de technocrates rebaptisé "autorité publique", de l'autre une Haute Commission qui sera le véritable architecte de la future Tunisie.