Tous les analystes estiment que le score historique du Front national s’explique par "l’échec" de la stratégie de siphonage de l’extrême droite conduite par Nicolas Sarkozy pendant la campagne de premier tour
Le président français sortant Nicolas Sarkozy, devancé par le socialiste François Hollande, n'a de chance d'être élu qu'avec les voix de l'extrême droite: un constat qui le contraint à maintenir une campagne de second tour très à droite, sur la sécurité et l'immigration.
Dès dimanche soir, Nicolas Sarkozy a lancé un appel du pied aux 18% de Français qui ont voté pour la candidate du Front national (FN) Marine Le Pen au premier tour, faisant de l'extrême droite la troisième force politique du pays et l'arbitre du second tour le 6 mai.
"J'appelle maintenant tous les Français qui mettent l'amour de la patrie au-dessus de toute considération partisane ou de tout intérêt particulier à s'unir et me rejoindre", a déclaré le président-sortant, affirmant comprendre les "souffrances" et "angoisses" exprimées à travers un "vote de crise".
Lundi matin, il s'est fait encore plus précis à l'égard des électeurs du FN: "Il y a ce vote de crise qui a doublé d'une élection à l'autre, c'est à ce vote de crise qu'il faut apporter une réponse".
Il a ajouté une diatribe contre "l'assistanat", en annonçant l'organisation d'un 1er mai dédié à "ceux qui travaillent dur".
La stratégie est claire: maintenir la barre très à droite pour favoriser une "union nationale" contre une "union de la gauche" qu'incarnerait le camp du favori François Hollande, selon le camp Sarkozy.
Les lieutenants du parti présidentiel UMP étaient à la manœuvre pour imposer cette ligne avant même l'annonce des résultats officiels.
"Jamais sans doute le total de droite n'a été à ce point élevé dans notre pays", a ainsi déclaré à l'AFP Guillaume Peltier dimanche soir, n'hésitant pas à additionner les scores de Nicolas Sarkozy (27%) et de Marine Le Pen.
L'ancienne ministre de la Justice et ex-icône de la diversité originaire du Maghreb, Rachida Dati, est venue sur les plateaux des télévisions pour expliquer que le résultat de dimanche "valide les thèmes de campagne" défendus par le chef de l'Etat, citant notamment "maîtrise de l'immigration, renforcement des frontières, lutte contre la délocalisation".
"Nous n'avons pas de mépris pour la souffrance. Les gens du FN sont exaspérés", a insisté Rachida Dati lundi.
Dans un éditorial intitulé "les clés du 6 mai", le quotidien pro-Sarkozy Le Figaro a lancé lundi un vibrant appel aux électeurs de Marine Le Pen pour barrer la route à la gauche.
"La grande majorité des électeurs du FN du premier tour, s'ils veulent éviter la politique du pire, n'auront d'autres choix que de voter Sarkozy pour éviter Hollande", écrit-il.
Le pari pour ce nouveau match qui s'engage est pourtant risqué. Tous les analystes estiment que le score historique du Front national s'explique par "l'échec" de la stratégie de siphonage de l'extrême droite conduite par Nicolas Sarkozy pendant la campagne de premier tour.
Cette ligne qui lui avait souri en 2007, lui permettant de rassembler son camp et de l'emporter largement au second tour, "n'a fait que renforcer le FN" dont les électeurs sont revenus au bercail, "préférant l'original à la copie", pour le politologue Gérard Grunberg.
Marine Le Pen, qui ambitionne de prendre "la tête de l'opposition", a renvoyé dos à dos les deux finalistes. Son directeur de campagne Florian Philippot a exclu lundi de "discuter" avec l'UMP d'ici le second tour et laissé entendre qu'il n'y aurait aucune consigne de vote, estimant qu'on ne pouvait "pas choisir entre deux candidats interchangeables".
Les instituts de sondage ont des mesures très divergentes du report possible des voix de l'extrême droite vers Sarkozy, de 44% à 69%.
Autre possible réserve de voix pour le sortant, l'électorat du centriste François Bayrou (9%) qui devrait se répartir en trois tiers égaux entre blanc ou abstention, Sarkozy et Hollande. Mais l'abstention pourrait aussi tenter des électeurs centristes déjà échaudés par la campagne très droitière de Nicolas Sarkozy.