Près de onze ans après les attentats du 11-Septembre, leur cerveau autoproclamé et quatre de ses complices ont été mis en accusation samedi à Guantanamo pour le meurtre de 2.976 personnes
Près de onze ans après les attentats du 11-Septembre, leur cerveau autoproclamé et quatre de ses complices ont été mis en accusation samedi à Guantanamo pour le meurtre de 2.976 personnes, après avoir défié la justice militaire par leurs prières et leur mutisme.
Vêtus de tuniques blanches, coiffés pour certains d'un turban de la même couleur, les cinq hommes ont gardé le silence toute la journée, assis dans la salle d'audience à une certaine distance les uns des autres.
Au terme d'une audience de plus de 13 heures, où les suspects ont joué la montre, dans une tentative apparemment concertée de retarder l'échéance, ils ont été accusés du meurtre de chacune des 2.976 victimes des attaques de 2001 aux Etats-Unis.
Khaled Cheikh Mohammed, un Pakistanais de 47 ans, qui a revendiqué la paternité des attentats "de A à Z", son neveu de la même nationalité Ali Abd al-Aziz Ali, mais aussi les Yéménites Ramzi ben al-Chaïba, Wallid ben Attach et le Saoudien Moustapha al-Houssaoui encourent la peine de mort.
Ils ont été accusés de "complot, attaques sur des civils, blessures intentionnelles, meurtres et violation du droit sur la guerre, destruction, détournement d'avions et terrorisme", a annoncé le procureur, le général Mark Martins.
Ils n'ont pas annoncé s'ils plaideraient coupable ou non coupable.
L'audience s'est achevée avec la lecture des 88 pages de l'acte d'accusation.
Assis depuis 09H30 (13H30 GMT) dans la salle de tribunal spécialement conçue à leur intention, les cinq hommes ont passé la journée le regard rivé sur leurs genoux, se penchant de temps à autre pour chuchoter.
Certains lisaient un livre qui semblait être le Coran ou se passaient le périodique "The Economist". Deux d'entre eux se sont levés et se sont agenouillés pour prier, provoquant une interruption des débats. Le juge militaire a décidé par deux fois de suspendre l'audience pour leurs prières soulignant que c'était "un droit mais dont ils ne pouvaient néanmoins abuser".
"L'accusé refuse de répondre", a répété inlassablement le juge James Pohl, pour chacun des cinq accusés qui refusaient, tour à tour, de répondre à ses questions sur leur représentation.
Seul le Yéménite Ramzi ben al-Chaïba a rompu le mutisme de ses co-inculpés pour protester contre le traitement que l'armée américaine réserve à ces détenus de "haute valeur".
"L'ère de Kadhafi est finie, mais on a Kadhafi ici", a subitement crié le Yéménite Al-Chaïba, dans une évocation évidente des traitements subis pendant leur détention dans une prison secrète de la CIA et depuis leur transfert à Guantanamo. "Vous allez nous tuer et dire ensuite qu'on s'est suicidés", a-t-il encore lancé.
Très calme, Khaled Cheikh Mohammed, mieux connu sous les initiales anglaises KSM, portait une longue barbe teinte au henné. Il a été vu la dernière fois devant un tribunal militaire le 21 janvier 2009, après l'investiture de Barack Obama, qui avait suspendu la justice militaire d'exception très critiquée.
Son avocat David Nevin a indiqué que son client était "extrêmement préoccupé par l'équité de cette procédure". Le juge a voulu s'assurer que c'était "par choix" qu'il ne répondait pas.
L'échange qui a suivi a été censuré pendant plusieurs minutes par l'autorité militaire.
Dix journalistes et le même nombre de proches des victimes, séparés par un rideau et sans possibilité de communiquer avec l'extérieur, ont assisté à l'audience derrière une paroi vitrée où les débats sont retransmis avec un différé de 40 secondes permettant la censure des déclarations sensibles.
Cinquante autres membres des médias, un record, ont fait le déplacement à Guantanamo et regardaient les débats sur un écran avec le même différé.
Les accusés ont refusé de porter le casque de traduction simultanée, leurs avocats prétendant que cela leur rappelait leurs tortures.
Michael Schwartz, l'avocat du Yéménite Wallid ben Attach a obtenu que son client, le seul qui était menotté en début d'audience, soit détaché en raison de la "douleur" provoquée par les menottes.
Très virulente, l'avocate civile de Ben Attach, Cheryl Borman, la seule femme de l'équipe de défense, toute de noire vêtue et portant le hijab, a dénoncé "ce qui s'est passé ce matin et pendant les huit dernières années". "Ces hommes ont été maltraités", a-t-elle fustigé.
Un porte-parole du Pentagone Todd Breasseale a indiqué à l'AFP que cette procédure de mise en accusation aurait dû prendre entre deux et trois heures, au lieu de plus de treize heures.
Mais "le procès du siècle" comme l'appellent certains observateurs, pourrait ne pas commencer avant mai 2013.