Efforts vains en Inde, sans écho en Chine. Pourtant l’Arabie saoudite met du sien comme jamais.
Les trois jours passés par la secrétaire d’état américaine Hillary Clinton en Inde auront été inutiles. New Delhi refuse toujours de se joindre à l’embargo pétrolier que les puissances occidentales voudraient imposer à l’Iran.
Lors d'une conférence de presse commune avec son homologue américaine, le ministre indien des Affaires étrangères S.M. Krishna a tenu à signaler que l'Iran "reste une importante source pétrolière pour nous", ajoutant que la baisse des importations reflétait "la décision que prennent les raffineries, fondée sur des considérations commerciales, financières et techniques".
Ce qui signifie que l’Inde qui importe 12% de son pétrole de l’Iran refuse que sa baisse d’importation de pétrole suive des considérations autre que celle citées ci-dessus.
La secrétaire d'Etat américaine avait exhorté l'Inde à réduire ses importations de brut iranien alors que les Etats-Unis s'apprêtent à imposer des sanctions, à compter du 28 juin, aux institutions financières de tous les pays qui continueront à acheter à l'Iran du pétrole.
Il semble aussi que l'Inde diverge avec les Etats Unis dans leur façon de traiter cette affaire : « Nous avons fortement intérêt à ce que les questions liées au programme nucléaire iranien soient résolues de façon pacifique", a ajouté le responsable indien. Tout en disant que son pays partage l'objectif américain visant à empêcher l'Iran de mettre au point l'arme atomique.
Sachant que le département d'Etat américain a déjà accordé des dérogations aux membres de l'Union européenne et au Japon, tout en déclarant qu'ils faisaient des efforts importants pour réduire leurs achats de pétrole iranien.
Comme s’il voulait en obtenir une lui aussi, l'Inde aussi a dit avoir réduit "de façon substantielle" son approvisionnement.
Au moment de la visite américaine, une grande délégation iranienne comprenant 50 personnalités se trouvait en Inde pour renforcer les liens économiques entre les deux pays. Une rencontre a eu lieu avec l’Union des sociétés d’export indiennes. (Selon le journal Shark el-Awssat, saoudien)
Le flou sur la visite chinoise
Avant sa visite indienne, la responsable américaine s’était rendue en Chine également gros importateur de pétrole iranien. Les agences ont mentionné qu’elle a demandé à Pékin de former un front uni contre l’Iran, arguant que « la meilleure façon de parvenir à une solution diplomatique est de tenter de rester forts et unis ».
« Si nous allégeons les pressions et si notre volonté faiblit, l’Iran aura mois de motivation pour négocier avec de bonnes intentions ou de prendre des démarches nécessaires pour dissiper les appréhensions internationales sur son programme nucléaire », a-t-elle dit pour persuader les responsables chinois, qui refusent de rejoindre davantage de sanctions contre l’Iran et prônent exclusivement les négociations pour résoudre le contentieux sur le programme nucléaire iranien.
Aucune réponse chinoise n’est ressortie de cette rencontre. Sachant que Pékin et New Delhi, tout comme Moscou refusent de rejoindre les sanctions imposées par les puissances occidentales et soutenues fermement par les pays arabes du Golfe dont à leur tête l’Arabie saoudite qui a renouvelé son engagement à fournir davantage aux pays consommateurs.
Les alternatives iraniennes
Quant aux Iraniens, ils ne gardent les bras croisés. Des sources du renseignement de Debkafile dévoilent que Téhéran a mis en place des mécanismes financiers alternatifs avec la Chine et la Russie pour faire acquitter son pétrole en d’autres monnaies que le dollar américain. Autant Pékin que Moscou gardent top secret les fonctionnements de ces mécanismes.
Alors que le Financial Times, citant des dirigeants de l'industrie pétrolière à Pékin ainsi que des banquiers de Dubaï et du Koweit révèle que l'Iran serait prêt à accepter le renminbi, nom officiel du yuan chinois, en règlement d'une partie du pétrole qu'il fournit à la Chine.
Selon le journal français le Monde, Le quotidien britannique ajoute que Washington a fait pression sur Pékin pour que les transactions à partir de comptes chinois cessent. Une grande partie de l'argent serait désormais transférée à Téhéran par des banques russes, qui prennent d'importantes commissions sur les transactions, affirme le FT. Pour l'Iran, le client chinois représente 21 % de ses exportations. Côté chinois, l'utilisation du yuan dans les échanges offre le considérable avantage de transférer le risque de taux de change à ses contreparties - qui sont, elles, forcées d'acheter en dollars, à un moment donné.
D'après le journal français, si les Etats-Unis ont imposé des sanctions à l'entreprise Zhuhai Zhenrong en début d'année (une des deux sociétés chinoises qui gèrent la plupart de l’or noir entre les deux pays) et font du chantage à leurs partenaires commerciaux (faire des échanges avec eux ou avec l'Iran), ils restent impuissants face au rééquilibrage des forces en présence sur le marché de l'énergie.
Le Monde rapporte l’avis de certains observateurs qui pointent l'hypocrisie de la politique de sanction : alors que les Etats-Unis vont imposer des sanctions à compter du 28 juin aux institutions financières de tous les pays qui continueront à acheter du pétrole à l'Iran, le département d'Etat a déjà accordé des dérogations aux membres de l'Union européenne et au Japon, estimant qu'ils faisaient des efforts importants pour réduire leurs achats de pétrole iranien. Washington serait également en train de réfléchir à une dérogation pour l'Inde, qui a fait part, comme la Chine, de son opposition à cette loi.
Frénésie saoudienne pour faire réussir l’embargo
Pour sa part, l’Arabie s’efforce tant bien que mal de faire réussir les sanctions contre l’Iran.
Mardi, le ministre saoudien du Pétrole s’est déplacé en personne au Japon (pays jusquà présent exempté de l’embargo) pour rassurer ce pays qui a également besoin de pétrole iranien que son pays était prêt à élever sa fourniture aux pays consommateurs en utilisant ses capacités de production supplémentaires et ses réserves.
"Nous avons une capacité de production inutilisée de 2,5 millions de barils par jour et des réserves de 80 millions de barils", a expliqué Ali al-Nouaïmi à des journalistes à Tokyo, a l’issue de sa rencontre avec le ministre japonais de l'Industrie, Yukio Edano, ajoutant que le royaume produisait actuellement quelque 10 millions de baril quotidiennement.
Pour subvenir aux besoins de marché, les saoudiens devraient élever leur production à hauteur de 12 millions de barils par jour. Ce qu’elle a encore du mal à atteindre.
Le responsable saoudien a convenu que les prix du pétrole restaient "trop élevés", sur fond de tensions internationales autour du programme nucléaire de l'Iran.
Mardi, vers 10H20 GMT, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin s'échangeait à 112,47 dollars et le baril de "light sweet crude" (WTI) pour la même échéance abandonnait cotait 96,94 dollars.
Al-Nouaïmi s'est toutefois gardé d'anticiper sur la prochaine réunion de l'Opep en juin, se contentant d'indiquer que ses pays membres devaient "discuter de cela".
Dénué de ressources naturelles, le Japon est largement dépendant de ses achats de pétrole du Moyen-Orient. L'Arabie Saoudite lui procure 30% de ses importations d'or noir et les Emirats arabes unis 20%.
Les autorités nippones assurent avoir réduit d'environ 40% leurs importations de pétrole d'Iran depuis cinq ans. Le pétrole iranien représentait toutefois encore 8,8% des achats nippons d'or noir à l'étranger en 2011.
L'archipel cherche à s'assurer de nouveaux approvisionnements non seulement pour compenser cette réduction mais aussi pour pouvoir doper la production de ses centrales thermiques, la totalité de ses réacteurs nucléaires étant stoppés, au moins provisoirement, 14 mois après l'accident de Fukushima.