Les Franco-Palestiniens auraient souhaité avoir à choisir entre des candidats qui représentent tous les Français quelque soit l’endroit du monde où ils se trouvent et quelle que soit leur deuxième nationalité.
Ils sont quelques centaines à vivre dans les territoires administrés par l’Autorité palestinienne ou à Gaza et 229 se sont inscrits sur les listes électorales consulaires. Je veux parler des Français ou Franco-Palestiniens qui sont les grands oubliés des élections législatives qui se dérouleront pour les Français de l’étranger les 3 et 17 juin.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes nous a rattachés, sans nous nommer, à la 8e circonscription de l’étranger qui comporte officiellement « Israël », l’Italie, la Grèce, la Turquie, Chypre, Malte, Saint-Marin et le Saint-Siège. Et, pour que nous puissions accomplir notre devoir électoral, il nous a ouvert un bureau de vote à Ramallah.
Aux élections présidentielles, les Franco-Palestiniens ont majoritairement voté pour François Hollande, persuadés que la gauche en France est traditionnellement plus sensible à leur situation.
Pour les législatives, les candidats de droite ayant fait campagne se sont focalisés sur les électeurs Français d’Israël et ont rivalisé dans la surenchère pour leur promettre de défendre à l’Assemblée nationale la ligne politique de l’extrême-droite israélienne.
A gauche, Le Parti du Front de gauche a choisi une candidate qui n’a pas fait campagne et qui espère engranger dans la circonscription les voix qui se sont portées sur Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la Présidentielle.
Quant au Parti socialiste et au Parti des radicaux de gauche, ils ont investi des candidates franco-israéliennes.
Des électeurs privés de leur député ?
Si la candidate socialiste n’a abordé, la plupart du temps, comme en témoigne son site de campagne, que des thèmes communautaristes et ne nous a jamais témoigné la moindre attention, le Parti Socialiste, quant à lui, a décidé délibérément d’ignorer que sa binationalité posait problème. Le PS n’a pas tenu compte des restrictions de circulation que la loi israélienne impose, depuis les accords d’Oslo, à tous ses citoyens.
En effet, il est interdit pour un israélien de se rendre, sous peine de prison et d’amende - les deux peines étant cumulatives, dans la zone A qui comprend, depuis 1994, Gaza ainsi que les villes de : Bethléem, Naplouse, Tulkarem, Ramallah, Qalqilya, Jénine, Jéricho et Hébron.
Qu’en sera-t-il si cette candidate remporte cette élection ?
Elle ne pourra pas renoncer à sa nationalité israélienne, ce cas de figure n’étant pas prévu par la loi du pays qui ne déchoit jamais ses citoyens de leur nationalité. Elle devra demander, si elle le souhaite, une autorisation pour se rendre en zone A.
Cette autorisation, délivrée au compte-goutte et accordée de manière ponctuelle, est donnée, non pas par l’administration israélienne mais par l’armée, qui est seule habilitée à juger de la dangerosité de se rendre dans cette partie des territoires occupées en fonction de la situation politico-militaire et des tensions du moment.
Privés de leur députée, les Franco-Palestiniens devront se déplacer en territoire israélien (Palestine occupée) s’ils souhaitent la rencontrer. Mis à part la contrainte du déplacement, les interminables attentes aux points de passage, les contrôles humiliants de l’armée, les dangers, ils devront, avant tout, surmonter les tracasseries administratives pour obtenir un hypothétique permis pour se rendre en « Israël ».
Nous sommes donc dans une situation où nous, les Franco-Palestiniens, seront les seuls Français de l’étranger à ne pas bénéficier des mêmes droits que tous nos autres compatriotes à travers le monde.
Seul le candidat d’Europe-Ecologie Les Verts, Pierre Jestin, a pris contact avec nous, nous a soutenus et a alerté les électeurs de la circonscription sur le non respect du principe de l’équité dont nous sommes victimes et à laquelle ont droit tous les citoyens français.
Les Franco-Palestiniens auraient souhaité avoir à choisir entre des candidats qui représentent tous les Français quelque soit l’endroit du monde où ils se trouvent et quelle que soit leur deuxième nationalité, s’ils en ont une, sans avoir à subir de discriminations.
Source : rue 89 écrit par Anwar Abu Eisheh, professeur de droit à l'Université Al-Qods