Alors que la guerre bat son plein entre le pôle russe et les alliés de l’OTAN, la France emboîte le pas des Etats Unis en signant d’importants contrat avec la firme russe Rosoboronexport.
L'organisation Human Rights Watch a critiqué mardi la signature par le groupe français Thales d'un contrat avec le russe Rosoboronexport pour équiper les chars russes de caméras thermiques, s'inquiétant de leur possible exportation vers la Syrie, ce que Thales dément.
"Il est choquant que Thales, dont l'Etat français est actionnaire, continue à faire des affaires avec l'entreprise russe d'armement Rosoboronexport comme si de rien n'était", a déclaré Jean-Marie Fardeau, directeur France de l'ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW).
Lundi, Thales a signé lundi au salon de l'armement Eurosatory (dans la banlieue parisienne) avec Rosoboronexport, fer de lance du complexe militaro-industriel russe, un contrat pour une nouvelle caméra sous licence.
Selon l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur, ces caméras thermiques "équiperont bientôt les engins blindés proposés à l'exportation".
Et pourraient donc en théorie profiter bientôt aux chars "bientôt en partance sur le sol syrien ?", s'alarme l'hebdomadaire. Interrogé, Thales dément et assure que "conformément aux termes du contrat et à la législation française en vigueur, aucune exportation ne saurait intervenir sans autorisation préalable des autorités françaises".
En clair, les Russes n'ont pas le droit de vendre au régime du président syrien Bachar al-Assad des chars équipés de caméras thermiques françaises. A savoir que la Russie, principal allié de la Syrie sur la scène internationale, est également son principal fournisseur d'armes. La polémique survient une semaine à peine après l’annonce du Pentagone selon laquelle un contrat passé avec ce même fabricant d'armes russe pour fournir des hélicoptères de combat à l'armée afghane a été signé.
Dans le cadre de l’accord, les Etats-Unis prévoient d'acheter 21 de ces appareils à Rosoboronexport d'ici 2016 pour un montant de 375 millions de dollars pouvant même atteindre 550 millions en cas d'exercice d'options d'achats supplémentaires.
Les ONG dans le viseur des marchands d’armes
D’ailleurs, nous nous permettons de préciser que toutes les ONG se sont vu refuser l’accès à ce salon d’Eurosatory, le plus grand salon mondial de la défense terrestre.
En effet, le business de la mort requiert beaucoup de discrétion. Et pas question, en ces temps de crise économique, de voir quelques droits-de-l’hommiste raturer les carnets de commandes. Du coup, les organisateurs d’Eurosatory, le plus grand salon mondial de la défense terrestre, qui a ouvert ses portes hier à Villepinte (Seine-Saint-Denis), ont pris une décision drastique : interdire l’accès du salon aux organisations non gouvernementales.
Pour la première fois, Amnesty International, le CCFD-Terre solidaire et Oxfam France, qui militent pour une régulation des transferts d’armes, se sont donc vu refuser leur demande d’accréditation. Elles ne pourront pas arpenter les allées de ce salon organisé sous l’égide du ministère de la Défense et qui accueille, jusqu’à vendredi, pas moins de 1 400 exposants privés et publics, venus de 53 pays.
Hier matin, des responsables d’Amnesty, accompagnés de journalistes, sont allés chercher des explications à l’entrée du parc des expositions. « On nous a répété que notre présence n’était pas souhaitée ; que l’on risquait potentiellement de troubler la quiétude du salon ; que chacun devait pouvoir faire du commerce sans risquer de se voir pris à partie », raconte Aymeric Elluin, le chargé de campagne « armes et impunité ». Drôle de crispation.
Jusqu’à présent, la présence des ONG n’avait jamais constitué, aux yeux des organisateurs, une telle menace. « Nous ne sommes quand même pas des activistes ! sourit Aymeric Elluin. On a toujours privilégié le dialogue. Pour nous, ce salon représente une mine d’informations : identifier les nouveaux matériels, se renseigner sur leur destination, prendre contact avec des représentants d’États… »
Mais il faut croire que, cette année, le contexte économique tendu rend nerveux les marchands d’armes, qui veulent plus que jamais commercer en toute tranquillité. À trois semaines de la conférence de l’ONU pour l’adoption d’un traité international sur le commerce des armes, ce manque de transparence a de quoi inquiéter.
Jean-Marie Fardeau, directeur France à Human Rights Watch, est furieux : « La France ne peut pas être l’un des principaux partisans de l’imposition à ce pays d’un embargo sur les armes et, en même temps, permettre à son principal fournisseur d’armes de venir à Paris faire de la promotion et décrocher de nouveaux contrats. » Et ce, en toute discrétion.
Source : AFP et L’Humanité