En Grèce, la droite Nouvelle-Démocratie pro-européenne remporte les législatives, dans un mouchoir de poche, à quelques points d’Alexis Tsipras.
En Grèce, la droite Nouvelle-Démocratie pro-européenne remporte les législatives, dans un mouchoir de poche, à quelques points d'Alexis Tsipras.
Reste que même avec le "bonus" de 50 sièges, aucune majorité politique ne se dégage, occasionnant de fait une nouvelle coalition de gouvernement. La crise politique devrait donc perdurer, et le scénario d'une sortie de la Grèce de la zone euro s'affirmer. Les marchés financiers ont réagi de façon favorable à ces résultats. Est-ce à dire que la zone euro pourrait envisager un futur moins sombre ?
Paul Goldschmidt : La victoire du parti Nouvelle-Démocratie est assurée. La gauche radicale, elle, choisira probablement l'opposition. Cela devrait néanmoins rendre possible la formation d'un gouvernement « pro euro », mais qui prendra quelques jours au moins à former. Cela étant, rien n'est résolu et les incertitudes continueront à planer probablement au-delà du sommet européen des 28-29 juin.
Manuel Maleki : Tout ce qui entraîne de l'incertitude est mauvais pour les marchés financiers. Elle s'accompagne de volatilité et de comportements soit d'affolement, soit d'attentisme. Pour ce qui est de la politique grecque, la désignation de la Nouvelle Démocratie et de Syriza annonce simplement pour la Grèce la continuité de l'austérité avec une Troïka plus souple qui va sans doute rallonger les délais. L'objectif étant de rendre l'austérité plus supportable. Bien sûr, il y aura sans doute des tensions, tant sociales que politiques, au sein du pays, et ces dernières vont rendre le processus de réformes encore plus complexe.
Les grandes Banques centrales mondiales auraient prévu, si besoin est, d'engager une action concertée pour éviter l'assèchement du crédit. Avec les résultats des législatives grecques et la possible formation d'un gouvernement, cette action est-elle toujours nécessaire ?
Manuel Maleki : Non, la continuité de l’euro ne tient pas qu’à une élection. Le problème actuel est lié à la concomitance de plusieurs éléments qui s’auto alimentent : la crise de la dette publique fragilise les banques qui à leur tour provoquent de nouveaux déséquilibres etc. Ce qui sauvera l’euro est avant tout la confiance que les acteurs économiques ont dans la monnaie. Et cette confiance vient du comportement des décideurs politiques et technocratiques, de leurs plans et visions et aussi du comportement des électeurs. Au niveau européen, la future évolution du rapport de force franco-allemand est un élément déterminant pour connaître le futur proche de l’Europe. La question est avant tout de savoir quel terrain d’entente les deux pays vont trouver.
Malgré le plan européen de recapitalisation des banques, les taux italiens et espagnols n'ont eu cessent de monter. Le couple franco-allemand ne parle plus d'une seule voix. Les conséquences de la crise grecque vont-elles contraindre François Hollande à se ranger derrière l'union bancaire et le fédéralisme monétaire d'Angela Merkel, en signant, notamment, le pacte fiscal et en votant la règle d'or ?
Manuel Maleki : Les choix du président français peuvent être dictés par une logique économique du type : l’Allemagne est le pays qui a la meilleure situation économique, suivons-la et nous finirons par nous en sortir, ou bien suivre une logique différente consistant à s’appuyer sur les recettes de relance par la consommation et l’investissement, en modifiant les anticipations des agents.
Toutefois, cela nécessitera plus qu’un «plan de relance», il lui faudra convaincre tout le monde que ce qu’il propose est révolutionnaire. Or, Angela Merkel a clairement signifié qu’elle ne croyait pas aux solutions miracles. Or, faire des miracles crédibles sans l’appui de l’Allemagne semble relever de la quadrature du cercle…
Paul Goldschmidt : La discorde au sein du couple franco-allemand est lourde de conséquences et n’augure rien de bon pour la sortie de la crise. La cohérence de la position allemande est beaucoup plus solidement ancrée que celle de la France, et les chances d’un assouplissement de la position allemande (à savoir, abandonner son insistance sur la rigueur budgétaire, la règle d’or ou un mécanisme de contrôle multilatéral des dépenses) sont - à juste titre - quasi nulles. Face à cette réalité, l’action des Banques centrales ne peut avoir qu’un effet temporaire, et c’est la France qui se trouvera isolée.
Dans ces conditions, la France est-elle condamnée à une alliance avec les économies du Sud (si ces dernières le souhaitent) face à l'alliance Nord-européenne souhaitée par Angela Merkel ?
Manuel Maleki : Non, c’est avant tout un choix politique. Il est clair que vouloir opposer deux blocs au sein de l’Europe n’a que peu de sens, car économiquement tous ces pays sont interconnectés. Remettre en cause cet équilibre confine à jouer à l’apprenti-sorcier. Maintenant, la volonté de faire des miracles peut toujours pousser à faire les «alchimistes», en maîtrisant assez mal les résultats qui peuvent se révéler positifs ou bien très négatifs. Mais dans ce cas, ce n’est plus qu’une question de chance.
Paul Goldschmidt : Il est faux de croire que les pays du Sud feront alliance avec la France contre la chancelière allemande. Même si tous partagent le désir de favoriser la croissance, l’Italie et l’Espagne sont plus proches de l’Allemagne quand il s’agit de choisir les instruments pour y parvenir : mise en œuvre de réformes structurelles plutôt que stimulation keynésienne. Tout laxisme serait immédiatement sanctionné par les marchés, et l’Espagne et l’Italie seraient les premières victimes suivi rapidement par la France.
Manuel Maleki : Une action concertée des Banques centrales est un moyen d'éviter un assèchement du crédit à court terme, mais ne résout jamais les problèmes structurels. Cela permet de gagner du temps pour traiter les questions plus fondamentales. Toutefois, cette action envoie un double signal, le premier positif dans le sens où les Banques centrales signifient qu'elles sont prêtes à aller très loin pour assurer le fonctionnement du marché interbancaire. Le second signal, plutôt inquiétant, est que leur action peut signifier que la situation est vraiment préoccupante.
Les banques centrales agissent à un niveau différent, elles assurent avant tout le fonctionnement du secteur financier. Leur but est d'éviter une panique bancaire. Evidemment elles tiennent compte de l'évolution des situations politiques mais elles se concentrent avant tout sur des dimensions économiques.
Paul Goldschmidt : Il vaut toujours mieux «prévoir» que réagir à chaud. Reste que le G-20 n'est pas une enceinte où les décisions opérationnelles dont on a un besoin urgent peuvent se prendre. Il serait vain d'attendre des résultats spectaculaires.
Le simple fait que les Banques centrales songent à une telle action concertée marque-t-elle l'échec politique européen? Est-il encore temps de réagir par le fédéralisme ?
Manuel Maleki : Il est clair que les Banques centrales évoluent dans un temps plus «rapide» que les politiques, qui semblent s'en tenir toujours à la théorie et la pratique des «petits pas» qui s'inscrit forcément dans un temps plus long. Pour l'instant, cette approche n'a pas apporté les résultats escomptés. La question du fédéralisme est avant tout politique, économiquement, elle faciliterait la mise en place de solutions et rendrait la zone euro plus efficiente.
Paul Goldschmidt : Difficile de commenter une «action concertée» dont on ne connaît pas le détail. La zone euro ne peut être sauvée de cette manière. Il faut des réformes structurelles et institutionnelles profondes qui passent, de manière incontournable, à terme, par plus de fédéralisme.
Source Atlanticoinfo