Sur fond de crise économique, le quart de finale de vendredi dépasse la simple rencontre sportive. La presse des deux pays s’en est donné à coeur joie.
À chaque grande compétition son match de foot à dimension géopolitique : vendredi à Gdansk en quart de finale de l'Euro 2012, ce sera le "derby de la dette" entre l'Allemagneet la Grèce. Ce match va bien au-delà du football pour la plupart des Grecs. La chancelière allemande, Angela Merkel, avec son insistance de rigueur budgétaire, et sa volonté de "punir" les Grecs trop dépensiers, est considérée comme la principale responsable de l'austérité draconienne qui leur est imposée. Elle est devenue une figure honnie d'une grande partie de la presse grecque, qui s'intéresse moins à l'attaquant vedette des Allemands Mario Gomez.
"Angela, tenez-vous prête ! Vous avez vu comment vos débiteurs se sont qualifiés ?" pouvait-on lire à la une du quotidien sportif Sport Day après la victoire-surprise de la Grèce face à la Russie samedi dernier (1-0). Du côté rhodanien, même son de cloche. Vendredi matin, la presse mélangeait allégrement football, économie et politique vendredi matin, avec une chancelière Angela Merkel érigée en modèle pour la Mannschaft avant le quart de finale contre la Grèce en soirée. "Aujourd'hui à 20 h 45, il y a un cours de rattrapage pour les Grecs sur l'euro. Les garçons, jouez-la comme la chancelière : dur mais juste !" s'exclame le tabloïd berlinois BZ, qui offre en une à ses lecteurs un poster de l'équipe d'Allemagne avec les visages des onze joueurs remplacés par celui d'Angela Merkel avec différentes expressions.
La presse allemande nargue les Grecs
La présence dans les tribunes du stade de Gdansk de la chancelière allemande ajoute à la dimension politique de la rencontre. "Aujourd'hui, nous ne pourrons pas vous sauver", titre en une le quotidien populaire Bild, le plus lu d'Allemagne et aussi l'un des plus virulents pour critiquer la Grèce depuis le début de la crise de la dette. Bild se demande si Angela Merkel pourra vraiment exprimer sa joie en cas de but de l'Allemagne. "Se montrera-t-elle contenue" ou "se lâchera-t-elle complètement", s'interroge le journal qui se dit par ailleurs certain que le sélectionneur de la Mannschaft "Joachim Löw brisera le béton grec".
LaTageszeitung y voit le match du "créancier contre le débiteur" et illustre son reportage dans un café d'Athènes par un dessin montrant des joueurs qui se demandent comment marquer face à onze parapluies aux couleurs européennes déployés dans le but adverse, dans une allusion aux fonds de secours européens dont bénéficient les Grecs. Alors que certains considèrent que les enjeux dépassent le sport, le Tagespiegel rappelle qu'il "ne s'agit pourtant... que d'un jeu". Pourtant, la Frankfurter Rundschau estime qu'on verra s'affronter "les soldats de l'euro" avec dans un dessin en page intérieure une équipe hellène "hautement motivée" qui n'a qu'une seule et même idée en tête envoyer le ballon dans le visage de la chancelière.
Car c'est sur le terrain que tout va se jouer vendredi soir. Un choc des extrêmes s'annonce donc avec l'Allemagne, place forte du football mondial, au jeu porté vers l'attaque, qui semble programmée pour aller en finale, et la Grèce, formation ultra-défensive, machine à faire déjouer, qui rêve de renouer avec son sacre-surprise de l'Euro 2004. Si tout un chacun semble avoir trouvé son camp, il en est un dont l'issue de ce match risque d'être complexe à digérer : Otto Rehhagel. L'ancien sélectionneur allemand de la Grèce avec qui il avait remporté l'Euro 2004 assure que "deux coeurs battent dans (sa) poitrine", parlant encore affectueusement de ses "petits Grecs".
Source : Le point