Une mission difficile et des défis à relever attendent le nouveau patriarche maronite Bécharra Raï
Béchara Raï est le 77e patriarche maronite d'Antioche, succédant ainsi au cardinal Nasrallah Boutros Sfeir, 90 ans, qui avait annoncé en janvier sa démission après avoir dirigé l'Église pendant 25 ans.
La nouvelle a été transmise par l'ancien député Farid Khazen et l'ambassadeur Amine Khazen.
Les cloches de Bkerké avaient sonné de joie marquant cette élection tant attendu par les Libanais en particuliers les maronites.
Biographie de Mgr. Béchara Raï:
Béchara Youssef Raï fils de Tamina Raï né le 25 Février 1940 à Hamalaya-Liban .Sa cérémonie de vœux a eu lieu à la congrégation maronite mariste le 31 Juillet 1962.Son ordination sacerdotale a eu lieu le 3 septembre 1967.Il a été nommé vicaire patriarcal général à Bkerké le 12 Juillet 1986.
Ses études complémentaires et secondaires ont eu lieu au collège de Notre Dame de Jamhour entre 1957 et 1962. Entre 1962 et 1975 il a fait ses études en philosophie et en théologie (licence) et ses études en droit ecclésiastique et civil(Doctorat) à Rome (Université St Jean de Latran-tribunal Rota).
Il a occupé plusieurs postes dont celui de supérieur de Notre Dame de Louaizé, juge à la Cour primaire maronite unifiée, président de la Cour d'appel patriarcale ,vicaire patriarcal général à Bkerké, évêque du diocèse de Jbeil ,superviseur des cours spirituelles maronites, coordinateur du synode spécial pour le Liban, coordinateur des comités épiscopaux de la famille au Moyen-Orient ,président de la commission épiscopale de l'information catholique au Liban, membre du conseil papal des moyens de communication sociaux et d'autres .
Il a enseigné la théologie et le droit aux universités Saint Joseph, Saint Esprit et Sagesse.
Le nouveau patriarche est l'auteur de plusieurs livres imprimés dont la série de l\'initiation chrétienne.
En 1994 il a reçu l'ordre national du mérite et du grade de commandeur de la part du président de la République de l'Italie et l'ordre national du cèdre du grade de commandeur de la part du chef de l'Etat libanais.
PRINCIPALES POSITIONS DU NOUVEAU PATRIARCHE MARONITE (AVANT SA NOMINATION)
Position concernant l’armement de la Résistance islamique :
Dans une interview accordée au site internet Kataëb.Org , datant du 10/12/09, le nouveau patriarche Bechara Raï a estimé que « le Hezbollah a oublié la résistance libanaise de 1975 et de 1990 , celle-là même qui a protégé le Liban », soulignant que « sans elle, ils (ndrl :chrétiens) ne seraient même présents aujourd'hui » et « que la valeur des chrétiens réside dans le fait que ce sont eux qui ont donné au Liban sa civilisation et sa culture » !
Pour ce qui est de la Charte du Hezbollah, le nouveau patriarche avait affirmé que ce document exige certaines clarifications sur un certain nombre de points, y compris sur le plan international quand le Hezbollah définit ses positions envers les États-Unis et l’Europe, et de se demander: «Est-ce que ses positions concordent avec la politique étrangère du Liban avec ces pays ? Il s’agit là de la vision du Hezbollah et non de l’Etat libanais, parce que le Liban traite avec ces pays alors que le document villipende ces relations avec sévérité, et donc nous reposons notre question:" Est-ce que le Hezbollah peut adopter des positions indépendamment et en marge de la politique étrangère du Liban? "
Il a ajouté :" La Charte se réfère à la résistance du Hezbollah et oublie la résistance libanaise de 1975 et celle de 1990, quand cette dernière a protégé le Liban, et sans elle nous ne serons pas là aujourd’hui. A titre de rappel, il faut savoir que ces résistances ont précédé la résistance du Hezbollah. De même quand la charte évoque la situation interne, elle précise que la résistance est nécessaire tant que l’Etat est incapable de se défendre, mais nous leur demandons qu’ont-ils offert pour que l’Etat puisse jouir d’une capacité d’autodéfense? Le Hezbollah est capable de fournir de l'aide or nous avons constaté qu’il n’a rien fait en ce sens ! "
Pour ce qui est des armes du Hezbollah, le nouveau patriarche s’est demandé "comment la charte parle de la dualité des armes entre l'armée libanaise et la résistance sans évoquer une seule fois une stratégie de défense sachant que c’est le point le plus important voire l’essentiel? Vous vous rappelez comment toutes les milices ont remis leurs armes à l'Etat en 1990 , elles s’inscrivent sous le titre de la résistance car elles ont abandonné leurs armes et se sont soumis au pouvoir étatique , par contre le Hezbollah n'a même pas évoqué une stratégie de défense alors qu’il était censé en parler pour que la résistance ne soit pas considérée comme une force armée parallèle à l'armée libanaise et montrer qu’il est bel et bien soumis à l'autorité politique de l’Etat libanais".
Et d’ajouter, « si aucune réponse n’est apportée à toutes ces questions, alors sûrement le Hezbollah deviendra un Etat dans l'Etat libanais, et cet Etat adoptera des positions politiques envers des pays étrangers, est-ce que le Hezbollah veut remplacer l'État et donc décider de la guerre et de la paix, sachant que cette décision est exclusivement une prérogative de l'État libanais, aucun parti ne peut prétendre que sa charte est sacro-sainte, nous sommes un pays de dialogue et nous avons besoin de nous consulter, nul n'a le droit de nous imposer sa vision et conduire le pays comme il le veut ».
Concernant les armes de la Résistance et leur lien avec la libération de la Palestine occupée, Mgr Béchara Raï a indiqué : "Cette question est discutée autour de la table de dialogue, l'Etat libanais doit définir une fois pour toute la stratégie de défense à adopter, sinon chacun fera ce qu’il lui semble approprié. "
Concernant la question palestinienne, le patriarche Bécharra Raï a estimé que le Liban court un grand danger celui de l’implantation des Palestiniens " je crains l’implantation car le temps s’écoule et les Palestiniens sont entrain de s’enraciner au Liban "!
Pour ce qui est de l’abolition du confessionnalisme politique, (proposée par le président du Parlement Nabih Berri) le patriarche Raï s’est d’abord interrogé si les Libanais connaissent véritablement le sens de l'abolition du confessionnalisme politique : « je suis sûr que personne ne sait ce que cela signifie, s’ils veulent l’abolir, qu’ils nous proposent une autre solution. Le processus politique sur lequel les Libanais se sont mis d’accord pour réaliser le Pacte national, implique la co-existence dans le sens où il n'y a plus d’Occident ou d’Orient, c'est-à-dire que le Chrétien abandonne son unicité avec l'Occident et le Musulman son unicité avec le monde arabe. A partir de là, la cohabitation se réalise dans l'égalité, la participation dans la gestion des affaires de l’Etat, l'administration publique et le pouvoir judiciaire. Or, tout cela s’est traduit dans la constitution et les Accords de Taëf où l’on a un président de la République maronite , un premier ministre sunnite et un président de la Chambre des représentants chiite, quand aux ministres et aux députés, ils sont censés être répartis de façon équitable, et pour les fonctions publiques, elles sont soumises au principe de l’accord commun : c’est tout ce système qu’on a désigné par le confessionnalisme politique, or que deviendra le Liban si vous annulez tout cela ? Soit un pays arabo- musulman, soit un pays laïque copié au modèle européen, sauf que cette dernière option n’aura pas lieu car chez les musulmans, il n’y a pas de séparation entre la religion et l'État ».
Les objectifs du Synode :
Dans une interview publiée sur le site internet ZENIT.org Lundi 11 octobre 2010 , la patriarche Raï a souligné que le synode doit écouter « ce que l'Esprit dit aux Eglises », notamment dans un contexte où la « laïcité » positive n'est guère mise en pratique, mettant à mal la liberté religieuse.
Pour Mgr Béchara Raï, les trois buts du synode sont d'une part, une nouvelle « prise de conscience de la variété des chrétiens et du sens de leur présence historique au Moyen-Orient, de leur grande contribution à la vie de leurs pays » ; d'autre part, de « consolider les liens de communion ecclésiale », et enfin de « favoriser le témoignage chrétien, du point de vue spirituel, pastoral, social ».
Il a aussi abordé la question de la liberté religieuse : « La liberté de conscience s'inscrit dans cette conception de l'islam que le judaïsme a été complété par le christianisme et que le christianisme a été complété par l'islam. On peut donc passer du judaïsme ou du christianisme à l'islam, mais pas l'inverse : on risque la peine de mort. C'est one way, à sens unique. C'est un grand problème pour l'Eglise et pour la communauté internationale ».
A la question de savoir s'il était « optimiste » ou « pessimiste », Mgr Raï a répondu que « les chrétiens sont appelés à être des ferments dans la pâte. La lumière dans l'obscurité. Celui qui fait l'histoire, c'est le Christ, nous sommes son Corps, ses mains, on ne peut pas désespérer. Nous sommes le Christ dans le monde. Je dois être un instrument loyal pour faire arriver sa voix par le témoignage de l'espérance. Il s'agit de donner un sens à la vie, à la philosophie, à la culture. La question n'est pas qu'est-ce qu'on doit faire pour survivre, mais comment donner un sens à la vie ».
Pour ce qui est de la « laïcité positive », il explique : « Cela signifie la séparation entre l'Eglise et l'Etat dans le respect de la loi naturelle par les Etats. Au contraire, une laïcité négative reconnaît l'avortement, le mariage libre, - contraire à la loi divine - , le mariage entre personnes gay. La laïcité positive fait problème aux musulmans qui y voient le danger de supprimer la religion. Les chrétiens cherchent à contribuer à réaliser cette laïcité positive par exemple au Liban ».
Il précise qu'au Liban, « le terme laïc est accepté par chrétiens et musulmans, ainsi que la séparation de l'Etat et de la religion (article 9 de la Constitution). C'est un système unique au monde, respectueux vis-à-vis de Dieu et de toutes les religions. On préfère l'appeler Etat civil : l'Etat respecte la liberté de culte et de religion, c'est garanti par la loi et cela a été voulu dès 1943, avec la cohabitation sur un pied d'égalité entre tous les citoyens. Cela vise à faire en sorte que les chrétiens ne soient pas considérés comme des citoyens de seconde classe. En Israël la liberté de conscience et de religion est en quelque sorte supprimée parce qu'en fait les chrétiens sont des citoyens de seconde classe ».
Position à l’égard de la série iranienne sur la vie du Christ (P)
Doublée en arabe, la série en question, dont la production est iranienne, a été réalisée en 2008 et porte sur la vie de Jésus Christ comme mentionnée dans le coran.
La série a attisé la colère de certains religieux chrétiens au Liban qui ont demandé la suspension de sa projection sous prétexte qu’elle porte atteinte à la foi chrétienne.
Des catholiques libanais avaient organisé un sit-in devant le centre catholique de Beyrouth et le patriarche maronite Béchara Raï, responsable des médias au sein de la conférence épiscopale libanaise, a jugé que la série “déformait entièrement ou partiellement certains événements” bibliques.
Le feuilleton, qui en était à son 17e épisode, “nie la divinité du Christ” et sa résurrection, et soutient que c’est Judas et non Jésus qui a été crucifié, a notamment déploré le prélat.
« Lorsqu’on entend l’archevêque maronite de Jbeil, Mgr Béchara el-Raï, se féliciter de la déprogrammation du feuilleton iranien en s’exclamant que « la vérité a triomphé », on comprend vite qu’il s’agit là du triomphe d’une vérité religieuse sur une autre. On est bien loin des règles d’or du dialogue religieux » avait commenté le site internet du CPL du général Michel Aoun.
Position sur l’Islamisme
Le 6 juillet 2007, dans une interview intéressante accordée au quotidien as-Safir, le patriarche maronite Béchara Raï de Byblos a parlé des « projets d’islamisation » du pays.
Il a déploré le fait que c’étaient les chrétiens qui subissaient les conséquences d’un accord entre les chiites et les sunnites, comme ils avaient déjà subi les conséquences du conflit qui avaient opposé les deux groupes.
Il a également critiqué le gouvernement pour avoir décidé, par le décret ministériel N°377 du 9 juin 2007, de supprimer du calendrier la fête du Vendredi Saint, sans même avoir consulté les autorités religieuses.
Il l’a aussi accusé d’avoir agi comme si le Liban était un « État théocratique islamique », en signant la « Charte des droits de l’enfant dans le monde de l’islam », comme le spécifie le décret 636 publié dans le Journal officiel du 31 mai 2007.
« Avec ce décret, avait signalé le nouveau patriarche, le gouvernement ignore la présence des chrétiens et déroge à l’article 9 de la Constitution, au pacte de coexistence et au caractère spécifique du Liban, qu’il transforme en un État et une société islamiques ».
Le patriarche Raï a appelé le gouvernement à retirer ce décret - présenté au Parlement comme projet de loi - et à sauvegarder la vocation du Liban a être un lieu de rencontre et de dialogue entre les différentes cultures et religions.