En Allemagne, pour optimiser le vote, certains partis optent pour des idées hautes en insultes et en polémique avec le sujet du moment… Les Musulmans et l’Islam… Retour sur un concours très controversé.

Pendant des semaines, politiciens et médias allemands ont concentré toute leur attention sur les musulmans du pays.

Un parti régional ouvertement anti islam connu sous le nom Pro-NRW est allé jusqu’à organiser un concours de dessin avant une élection d'état le mois dernier - et a réussi un coup extraordinaire.

Les musulmans d'Allemagne sont donc de retour sous le feu des projecteurs.

Depuis début mai, pas une semaine ne passe sans que des politiciens qu’ils soient régionaux ou nationaux ne proposent des idées pour contrer l’Islam.

Et puis récemment, un grand journal allemand a fait un reportage sur l’isolement du groupe par rapport au reste de la société.

Cette virulence de propos en Allemagne à l’encontre de sa population musulmane, extrémiste ou pas, n'est pas rare. Mais cette fois-ci le moment choisi et la nature de ce coup médiatique révèlent un autre projet. Loin d'être le résultat accidentel de l'angoisse résultant par exemple de la publication d'un livre gens comme le traité anti-immigration écrit par le provocateur en chef allemand ThiloSarrazin ou encore des commentaires de politiciens de haut niveau du pays, son calendrier et la nature de la proposition a été déterminé loin des faiseurs d'opinion classiques.

Markus Beisicht, le chef du Pro-NRW s’explique : "Il est toujours difficile pour les petits partis au moment des élections, nous avons du mal à rivaliser avec les grands. De ce fait, il fallait trouver un moyen de réaliser un coup médiatique mais avec des ressources limitées."

Et bien… C’est triste à dire, mais le pari a été réussi.

Avant la mi-mai la stratégie de Beisicht en Westphalie, état le plus peuplé d'Allemagne, était une première dans la provocation.

Qu’elle fut son idée ?

Un concours de caricature, et la collecte de quelque 400 dessins réalisés par des « artistes » pour la plupart amateurs. Il fallait par ce biais pouvoir critiquer l’Islam de la façon la plus incisive et la plus concise possible. Et plus le dessin est  haut en insultes, mieux c’est.

Une campagne parfaitement lugubre

Le projet déjà très effrayant du parti Pro-NRW ne s’est pas arrêté là puisque par la suite, une série d'événements a été planifié, toujours dans la perspective de l'élection, pour afficher les dessins gagnants devant les mosquées et autres établissements de musulmans dans l'Etat.

Le premier prix a été à Kurt Westergaard, le caricaturiste danois qui vit actuellement sous forte protection policière en raison de sa qualité d'auteur de l'une des caricatures du Prophète  Mohamed (PSF) controversées parues dans le quotidien danois Jyllands-Posten en 2005.

La réaction ne s’est pas fait attendre et une très grande manifestation a eu lieu près de Düsseldorf. Mais celle-ci c’est transformé en affrontements violents avec de nombreux blessés.

Le coup fut donc doublement réussi pour ce parti xénophobe.

D’abord, la justice et le gouvernement allemands  n’ont pas jugé utile de mettre un frein au concours de l’insulte et de la haine … Laissant ainsi libre cours à une islamophobie d’état.

Et puis les violences qui ont suivies et les menaces de mort lancées le 20 Mai dernier à l’encontre de Beisicht, sont les bienvenus.

Avec tout ce  bruit, le chef du parti Pro-NRW peut ainsi aisément se placé en position de victime… En véritable héros de la liberté d’expression.

Sans gène il poursuit : "Il est honteux qu’une tentative ait été faite pour transformer la victime en agresseur .... Nous avons été stigmatisés comme si nous avons lancé une guerre civile», dit Beisicht suppliant. "Nous ne pensions vraiment pas qu'il serait le genre de la violence qui a éclaté."

Pourtant, la police et les « artistes » eux-mêmes déclaraient à la presse que cette réaction était inévitable…

Notons que la grande majorité de l'Allemagne de 4 millions de musulmans sont modérés - et plusieurs organisations musulmanes ont exhorté leurs partisans à ne pas faire écho de cette campagne de la haine.

On se souvient de la violence massive déclenchée à travers le monde musulman au début de 2006 au moment de la parution des nouvelles caricatures du Jyllands-Posten où prêt de  100 personnes ont perdu leurs vies.

Beisicht victoire d’un xénophobe sur son intolérance, échec du politicien

Markus Beisicht dépeint trop sa caricature campagne comme une victoire de la démocratie sur les forces du totalitarisme.

Le ministre de l'Intérieur Ralf Jäger avait essayé à plusieurs reprises d'interdire la publication des caricatures, mais à chaque fois, le tribunal rejetait la demande.

Et que répond Beisicht à ses détracteurs ? "Nous ne pouvons pas permettre à l'intolérance de l'emporter. Ce n'est pas ma compréhension de la démocratie."

Mais sa propre marque d’intolérance, qui a réussi à ouvrir un débat national sur l’islam d’Allemagne et permis de diaboliser la communauté musulmane dans son ensemble n’a pas marqué les électeurs qui ne lui ont pas donné plus de voix que d’habitudes.

Source : A partir de Der Spiegel traduit et commenté par Eline Briant