24-11-2024 09:27 PM Jerusalem Timing

La Syrie vue par un journaliste russe

La Syrie vue par un journaliste russe

"Il n’y a pas de militaires dans les rues. On en voit beaucoup plus dans le Liban voisin. Les principaux conflits se déroulent en dehors des villes et sont provoquées par les islamistes.. le conflit porte un caractère religieux!"

 

 Le voyageur et journaliste indépendant Viatcheslav Krasko, qui vient de rentrer de Syrie, parle dans une interview exclusive à La Voix de la Russie de la vie dans le pays, qui suscite actuellement l’attention de la communauté internationale. Il a passé trois semaines à observer les événements à l’intérieur de la Syrie en essayant de comprendre ce qui s’y passe.

 
Viatcheslav Krasko s’est rendu à Damas le 29 avril. Ce jour là, conformément au plan de l'envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue des pays arabes Kofi Annan, les forces armées gouvernementales et les membres de l’opposition ont annoncé un cessez-le-feu.

En trois semaines, il a pu visiter la ville de Deraa dans le Sud du pays où des émeutes ont éclaté en mars 2011. Il s’est également rendu à Bosra, un centre touristique avant les troubles, qui est actuellement bloqué presque entièrement par les rebelles, Tartous, où se trouve la base militaire russe, et Lattaquié - plus grand port de Syrie.

Viatcheslav Krasko planifiait également de visiter les principales curiosités du pays - Palmyre et Homs. Mais les habitants locaux l’en ont dissuadé, parce que ce voyage serait trop dangereux.

« Lorsque j’étais à Damas, j’y ai vu plusieurs dizaines de personnes qui venaient de Homs. Des réfugiés. Parmi eux, il y avait des femmes, des enfants, des hommes et des vieillards. Et pourtant, même les hommes très musclés me déconseillaient d’aller à Homs, parce que selon eux, c’est dangereux. Les Syriens quittent des zones où arrivent les rebelles, et fuient généralement vers Damas, contrôlé par les forces gouvernementales. J'ai écouté leurs critiques concernant le gouvernement actuel. Ils parlaient notamment de la grande ampleur de la corruption. Une intervention des représentants de la classe dirigeante dans les milieux d’affaires a lieu. Mais ce n'est pas la raison des événements qui se déroulent dans le pays actuellement. Car la situation créée par les terroristes est beaucoup plus dangereuse pour la population locale et la plupart des habitants préfèrent l'autorité légitime ».

En général, dans les grandes villes de Syrie, contrôlées par les autorités, la vie suit son cours, poursuit Viatcheslav Krasko.

« Dans les régions contrôlées par le pouvoir, la vie est calme, les gens travaillent et fréquentent les restaurants »

« Il n’y a pas de militaires dans les rues. On en voit beaucoup plus dans le Liban voisin. Les principaux conflits se déroulent en dehors des villes et les émeutes se produisent dans les banlieues et les petites villes, et sont provoquées par les islamistes fondamentaux. Dans les régions contrôlées par le pouvoir, la vie est calme, les gens travaillent et fréquentent les restaurants, et les jeunes sortent le soir pour s’amuser ».

Il n’y a pas si longtemps, la Syrie était l’une des plus grandes destinations touristiques du Moyen-Orient. L’histoire de la civilisation syrienne remonte au quatrième millénaire avant J.-C.
Des centaines de milliers de touristes visitaient le pays chaque année. Malheureusement, ces sites ne sont plus accessibles, regrette Viatcheslav Krasko.

« Il est déconseillé de se rendre à Palmyre, car ce site est contrôlé par les rebelles. Le célèbre château fort Krak des Chevaliers, construit lors des Croisades se trouve non loin de la ville de Homs qui défie actuellement les chroniques. Cette forteresse est l’un des QG des terroristes. Ils la contrôlent à travers les meurtrières avec des fusils de sniper et tirent sur les voitures qui passent ».

Viatcheslav Krasko note que pendant son voyage, il se sentait globalement en sécurité. Les Syriens aiment les Russes, et lorsque le passeport russe du journaliste était contrôlé à la frontière, on lui a dit amicalement : « Welcome to Syria !» (Bienvenue en Syrie!). Mais il y a eu des épisodes plutôt désagréables, note-t-il.

« Lors de l’entrée à Bosra, des hommes barbus armés de fusils et en uniforme m’ont arrêté. Je me suis inquiété, car je n’arrivais pas à comprendre s’il s’agit des forces gouvernementales ou des rebelles. Mais ils m'ont laissé passer et je suis arrivé à Bosra, jusqu’à l'amphithéâtre romain, la principale curiosité de cette ville. Tout s’est passé sans danger réel. Et ce n’est que lorsque je me suis retrouvé à l’intérieur de l'amphithéâtre, que j’ai entendu un coup de feu, et des personnes se sont ruées vers moi pour m’arrêter ».

Viatcheslav Krasko a été arrêté par les représentants des forces de sécurité gouvernementales. Ils ont expliqué au voyageur, qu'il a failli être enlevé par les rebelles. Le journaliste russe courait donc le risque d’être pris en otage, ou même tué. Cela prouve une fois de plus que les rangs de l'opposition comptent de vrais criminels. En général, selon le voyageur, les slogans politiques contre le président actuel Bachar al-Assad, ne sont qu’un prétexte dont se servent les membres de l’opposition.

« Je suis persuadé que le conflit porte un caractère religieux. Il s’agit des affrontements entre les sunnites et les chiites, les alaouites et les chrétiens. C'est là que se trouve la ligne de front, et non pas dans des appels politiques ou les violations des droits et libertés. Je dirai même que les gens ordinaires pensent que Bachar al-Assad n'est pas suffisamment cruel. Il n’arrive pas à garder le pouvoir dans ses mains, tout comme son père. Il a entrepris trop de mesures démocratiques et la situation s’est déstabilisée. Les Syriens dans leur ensemble estiment que seul un pouvoir fort est capable de maintenir la situation sous contrôle au Moyen-Orient, et la voie vers la démocratie ne peut être qu’évolutive. Par conséquent, le problème ne porte pas un caractère politique, il ne s’agit pas d’une lutte pour la liberté, ou la démocratie. Il s’agit des tentatives d’incitation à la haine sectaire ».

Selon les habitants locaux, les rebelles ne sont pas enclins à négocier. Ainsi, les représentants de la soi-disant opposition n'ont pas participé aux élections législatives qui ont eu lieu à la mi-mai, parce qu'ils se rendent compte qu'ils ne recevront pas le soutien populaire. Selon eux, il n'y a qu'une seule manière d'arriver au pouvoir – organiser un coup d'Etat militaire, estime Viatcheslav Krasko. Personne ne sait combien de temps peut durer ce conflit, que les autorités considèrent déjà comme une guerre civile. Et les Syriens restent plutôt pessimistes, craignant un scénario négatif du conflit.

 
Source : Voix de la la russie