24-11-2024 09:19 PM Jerusalem Timing

Frapper le PKK en Syrie serait dangereux et contre-productif pour la Turquie

Frapper le PKK en Syrie serait dangereux et contre-productif pour la Turquie

"Si la Turquie fait entrer des soldats sur le sol syrien seule et sans le couvert d’une opération internationale, ce sera uneprovocation ouverte pour la Russie et l’Iran"...

Depuis quelques jours, la présence dans le nord de la Syrie de miliciens membres ou proches des rebelles kurdes de
Turquie, le PKK, est au coeur de tous les discours à Ankara, qui évoque d'éventuelles actions militaires, voire une zone tampon. Trop dangereux, estiment les analystes.
  
L'idée est hasardeuse d'abord parce que la Syrie en plein conflit interne n'est pas l'Irak, où le pouvoir central comme l'administration kurde autonome nord-irakienne s'accommodent bon gré mal gré d'occasionnels raids de l'aviation turque contre les bases-arrières du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
  
"Si vous voulez mettre en oeuvre une (opération de) poursuite à chaud contre les milices du PKK dans le nord de la Syrie, le gouvernement syrien va réagir très différemment du gouvernement irakien", prévient Osmam Bahadir Dinçer, du Centre d'études sur le Proche-Orient.
  
Damas entretient déjà des relations exécrables avec son voisin turc, qui réclame la fin de la répression et le départ du président syrien Bachar al-Assad. Et elles se sont aggravées quand la Syrie a abattu un jet turc le 22 juin au large de ses côtes.
  
Le pire serait donc à attendre d'un régime aux abois, puissamment armé, et qui dispose de surcroît d'alliés de poids.
  
"Si la Turquie fait entrer des soldats sur le sol syrien seule et sans le couvert d'une opération internationale, ce sera uneprovocation ouverte pour la Russie et l'Iran", souligne Cengiz Candar, du quotidien libéral Radikal.
  
La méthode forte occasionnerait d'autres dégâts collatéraux: toute opération militaire "est condamnée à entraîner (la Turquie) dans de nouvelles aventures non désirées, qui vont ruiner non seulement le rapprochement en cours
avec l'Irak du nord kurde, mais aussi aggraver le problème kurde en Turquie", écrit Semih Idiz, dans le quotidien Hurriyet Daily News.
  
"Cela créerait une hostilité entre la Turquie et tous les Kurdes" du Proche-Orient, insiste Cengiz Candar.
  
Le PKK lutte depuis 1984 contre l'autorité d'Ankara, sa revendication évoluant de l'indépendance vers l'autonomie du sud-est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes. Le conflit a fait plus de 45.000 morts.
  
Pour les analystes, la vraie solution passe par la diplomatie et les jeux d'influence.
  
"Dans cette région du nord de la Syrie (...), il y a de nombreuses tribus arabes sunnites, et elles ont beaucoup d'influence sur la population kurde", commente M. Dinçer.
  
"Si la Turquie peut coopérer avec ces tribus, alors on pourra anéantir l'influence du PKK ou du PYD sur ce territoire", ajoute-t-il, faisant référence au Parti de l'union démocratique (PYD), une formation syrienne proche du PKK.
  
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a accusé mercredi le régime de Damas d'avoir "confié" cinq zones du nord de la Syrie au PKK ou au PYD pour nuire à la Turquie, avant d'indiquer que la Turquie ferait usage si nécessaire
de son droit de poursuite contre les rebelles et d'évoquer une zone tampon en Syrie comme une hypothèse envisageable.
  
"La situation est beaucoup plus chaotique que ça (...) Le fait est que le PYD ne contrôle pas toute la situation dans le nord de la Syrie (...) Il est clair que sur le terrain ils travaillent en ce moment en collaboration avec d'autres groupes", fait remarquer Hugh Pope, de l'International Crisis Group.
  
Le Conseil national kurde, qui regroupe une douzaine de partis traditionnels kurdes syriens, et le Conseil populaire du Kurdistan occidental (CPKO), émanation du PYD, ont en effet signé à Erbil (nord de l'Irak) le 11 juillet un accord pour unifier leurs rangs, sous le parrainage du chef kurde irakien Massoud Barzani.
  
La clé des problèmes d'Ankara pourrait ainsi se trouver à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, qui pourrait utiliser son influence parmi les mouvements kurdes syriens pour désamorcer les tensions avec la Turquie.
  
Le gouvernement turc semble l'avoir compris: le chef de la diplomatie, Ahmet Davutoglu, doit se rendre mercredi à Erbil pour "partager la sensibilité" d'Ankara avec les kurdes irakiens.