Ces décisions-surprises ont été prises après des consultations avec les forces armées, a rapporté une source militaire.
Le président égyptien Mohamed Morsi a créé la surprise dimanche en annulant des dispositions accordant de vastes pouvoirs à l'armée et en écartant le maréchal Tantaoui, ministre de la Défense qui fut chef d'Etat de fait après la chute de Hosni Moubarak.
Consolidant sa position, M. Morsi, élu en juin, s'est s'attribué le pouvoir législatif et nommé un vice-président, le juge Mahmoud Mekki, deuxième personne à occuper ce poste en plus de 30 ans.
Le nouveau vice-président, Mahmoud Mekki, est un magistrat qui a joué un rôle dans la fronde des juges en 2005 contre la fraude électorale pendant le scrutin présidentiel qui s'était terminé par une victoire écrasante de M. Moubarak, finalement renversé par une révolte populaire le 11 février 2011.
Il s'agit seulement du deuxième vice-président égyptien en 30 ans. M. Moubarak, qui était le vice-président d'Anouar al-Sadate au moment de l'assassinat de ce dernier en 1981, n'avait jamais pourvu le poste jusqu'à la révolte de 2011, pendant laquelle il avait nommé son chef des renseignements Omar Souleimane vice-président.
Annulation de la déclaration constitutionnelle
"Le président a décidé d'annuler la déclaration constitutionnelle adoptée le 17 juin" par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirigeait à l'époque le pays et dans laquelle les militaires s'arrogeaient notamment le pouvoir législatif, a annoncé le porte-parole du président, Yasser Ali.
Cette "déclaration", adoptée après la dissolution de l'Assemblée du peuple dominée par les islamiques et juste avant l'annonce de la victoire de M. Morsi à la présidentielle, avait provoqué une profonde crise politique dans le pays.
Avec le pouvoir législatif, les généraux gardaient un droit de veto sur toute nouvelle loi ou mesure budgétaire et se réservaient aussi un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution. L'ancienne loi fondamentale est actuellement suspendue.
Dans sa propre "déclaration constitutionnelle" dimanche, M. Morsi récupère le pouvoir législatif et s'octroie le droit, si l'actuelle commission constituante ne peut "achever son travail", d'en former une nouvelle "représentant toutes les composantes de la société égyptienne".
Coordination avec les forces armées
Ces décisions-surprises ont provoqué l'effervescence dans les milieux politiques et sur les réseaux sociaux, qui se demandaient si le maréchal Tantaoui avait accepté sans rechigner d'être écarté.
"Ce qui s'est fait l'a été en coordination et après des consultations avec les forces armées", a réagi une source militaire citée par l'agence Mena, en démentant les "rumeurs de réactions négatives (au sein de l'armée) aux changements à la direction des forces armées".
Dans la soirée, M. Morsi s'est défendu de vouloir marginaliser des personnes ou des institutions. "Je ne leur veux que du bien. Je veux qu'ils se consacrent à une mission, la protection de la nation", a-t-il assuré en allusion aux membres des forces armées.
M. Morsi a ajouté qu'il voulait "faire en sorte que nous avancions vers un avenir meilleur, avec une nouvelle génération, un sang neuf longtemps attendu".
Tantaoui à la retraite
M. Morsi a également décidé de mettre à la retraite le maréchal Hussein Tantaoui, longtemps proche de Hosni Moubarak, et l'a remplacé au ministère de la Défense qu'il occupait depuis 20 ans par le général Abdel Fattah al-Sissi, le chef des renseignements militaires.
Le chef d'état-major de l'armée et No2 du CSFA, Sami Anan, a également été mis à la retraite, et remplacé par le général Sedki Sobhi. MM. Tantaoui et Anan ont toutefois tous deux été nommés conseillers auprès du président Morsi.
"Vu les circonstances, c'est le bon moment pour effectuer des changements dans l'institution militaire", a estimé Mourad Ali, un haut responsable du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), la formation de M. Morsi. "C'est un président fort, et il exerce son autorité", a-t-il dit à l'AFP.
Des milliers de sympathisants se sont rassemblés dans la soirée place Tahrir, au Caire, pour fêter les décisions du président.
M. Morsi, formellement investi le 30 juin, est le premier civil à accéder à la magistrature suprême. Depuis son élection, il a alterné compromis et bras de fer avec l'armée pour tenter de s'imposer.