Et Robert Fisk raconte ce qu’il a vu à Alep, alors que le Washington Post constate la prééminence d’Al-Qaïda
Les miliciens ont vécu ces dernières 48 heures un véritable calvaire. Selon plusieurs sites d'informations syriens, dont Syria truth, plus de 300 d’entre eux ont péri dans les accrochages dans la province Damas, et à Alep.
Dans la première, c’est surtout le quartier de Kafarsoussé qui a été le théâtre des affrontements les plus violents. Auparavant, des miliciens ont tiré des obus de mortiers contre l’aéroport militaire à Mazzé. C’est alors que les forces gouvernementales ont entamé une campagne féroce contre les quartiers qui l’entourent. En l’occurrence, Darayya, Kaboune, Maadamiyyé, jusqu’à Kafarsoussé et Nahr-Aiché. Plus de cent cinquante miliciens ont été tués, dont un journaliste du quotidien officiel Tichrine. 250 autres ont été soit blessés, soit arrêtés.
Pour sa part, le site Syrian Documents a rendu compte de la mort d’une cinquantaine de miliciens ce jeudi dans des combats dans les vergers de Yelda dans la province de Damas.
Version AFP-OSDH A Damas
((A 7 km au sud de Damas, de violents combats opposaient soldats et rebelles près de Daraya où une mère et ses quatre enfants ont été tués, selon l'OSDH.
La ville est en outre soumise à un violent bombardement aux obus des chars déployés aux alentours de la ville que les troupes tentent de prendre d'assaut, a précisé l'OSDH.
Des affrontements avaient également lieu dans le quartier de Hajar al-Asswad à Damas, soumis à des bombardements de l'armée.
"Les soldats et les membres de l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles) jouent au chat et à la souris. L'armée du régime encercle le quartier et les combattants de l'ASL sont cachés, mais dès que les premiers avancent, les seconds sortent de leurs cachettes et ripostent", a expliqué le militant Omar al-Qabouni, membre des Comités locaux de coordination (LCC). Selon lui, "cette offensive vise à éliminer toute présence de l'ASL de la capitale. Mais cela ne se produira pas".))
Alep : les quartiers chrétiens nettoyés
À Alep, les accrochages se sont concentrés dans les quartiers Hanano Cheikh Khodor, Sakhour, Tarik-Bab et Chaar. Les deux quartiers Zahraa et Hamadaniyyé également ont été touchés. Là aussi, des dizaines de miliciens ont été tués. Parmi eux figurent de nombreux tunisiens, soudanais et libyens, dont le libyen Mohannad Abdel Latif Samie (Abou Misaab), tué 5 jours après son arrivée.
Abou Hilal: les yeux bandés vers la mort
Voici à gauche la photographie d’un militaire régulier qui a été enlevé par la milice « Lions de Tawhid », active dans la province d’Alep. Les yeux bandés, il s’attendait à ce qu’il soit libéré, comme le lui avait fait croire ses ravisseurs.
Il a péri dans la voiture piégée dans laquelle il a été déposé et dont le --- a été déclenché à proximité d’un check-point de l’armée sur les périphéries d’Alep.
Les images qui ont précédé sa mort, et sa conversation avec ses ravisseurs ont diffusées par le correspondant du New York Times.
Ses ravisseurs lui proposent de faire une douche, lui offrent une cigarette et lui font croire qu’il allait être échangé contre des détenus!
(Voir la vidéo sur le lien suivant http://www.syriatruth.org/news/tabid/93/Article/8088/Default.aspx)
Le journal américain diffuse d’autres photographies, en l’occurrence celle d’un chef de la milice « Lions du Tawhid » Abdel Hakim Yassine, en train de regarder un album de famille de la maison qu’il a occupée dans la localité Tal-Rifaat dans les périphéries d’Alep. Elle appartenait à un policier retraité. Selon Syrian Docuemnts et Syra Truth, toute la famille a été décimée.
Fisk à Alep : les miliciens tirent et se cachent dans les égouts
Après avoir obtenu l’autorisation de se rendre en Syrie des autorités syriennes, Robert Fisk, le journaliste irlandais travaillant pour le journal britannique The Independant s’est rendu à Alep pour y couvrir les évènements. Se basant sur les passeports retrouvés sur les cadavres, il rend compte que les miliciens étrangers qui combattent dans cette ville appartiennent principalement à cinq nationalités : la Tchétchénie, la Turquie, l’Afghanistan, le Soudan et la Libye. Quant aux armements utilisés par eux, Fisk signale qu’il a pu voir personnellement ceux qui ont été saisis des tués, assurant qu’ils proviennent de la Belgique, l’Espagne, la Suède, la Suisse, les Etats-Unis et de la Turquie.
Il rapporte dans son article les témoignages des militaires selon lesquels les miliciens ouvrent le feu sur eux, puis se cachent dans les égouts. Le journaliste irlandais a dit avoir vu de ses propres yeux les miliciens occuper les maisons des gens à partir desquelles ils tiraient sur les forces gouvernementales avant de disparaitre avec l’arrivée de la patrouille militaire.
Il a dit aussi les voir vus ouvrir le feu contre la mosquée d’al-Houda dans le quartier Seif Ed-Dawlé qui a été nettoyée des miliciens, a l’exception de deux blocs de bâtiments.
Les Aleppins qu’il a rencontrés, en l’absence des soldats de l’armée régulière, lui ont confirmé que les miliciens surtout des étrangers font exprès d’envahir leurs appartements pour tirer sur les soldats à partir d’eux. Ces Syriens disent avoir constaté que « la plupart d’entre eux parlent l’arabe avec un certain accent turc ou étranger et portent des pantalons courts et se font pousser de longues barbes qui ressemblent à celles des Wahhabites ».
Signalant que de nombreux civils sont encore pris dans les tirs de feu entre les deux belligérants, Fisk écrit dans son reportage que les autorités veillent à les épargner. Il a indiqué avoir vu les soldats inviter les habitants à quitter les quartiers où ils comptaient lancer l’assaut, via des appels par hauts parleurs. Des nombreuses familles se sont installées dans les quartiers résidentiels estudiantins de l’Université d’Alep et que la mairie leur a ouvert.
Il pense toutefois que la bataille d’Alep va durer longtemps, malgré l’optimisme affiché par les soldats réguliers qu’il a rencontrés.
Washington post: les salafistes en tête
Pour leur part les deux correspondants du Washington Post ont assuré avoir constaté que dans les rues d’Alep, ce sont les miliciens de la milice d’Al-Qaïda, Jabhat-Nusrat qui mènent les batailles.
Ils ont indiqué avoir rencontré leur chef, Abou Ibrahim, homme de 32 ans de grande stature, et originaire de la province d’Alep. Il leur a révélé avoir sous les ordres quelques 300 miliciens armés. Les deux journalistes les décrivent portant des sarouals très larges, qui dépassent de peu les genoux, à l’instar des Afghans, et se laissent pousser aussi la barbe. Des centaines d’Arabes les ont rejoints, en provenance du Maroc, de la Tunisie, de la Libye et du Liban.
Selon le journal américain, une visite sur le terrain ne dévoile aucune différence qui vaille entre les miliciens de ce groupe d’Al-Qaida et les miliciens de l’Armée syrienne libre dont les dirigeants se veulent laïcs. D’ailleurs, Abou Ibrahim assure que son groupe fait partie de l’ASL et un porte-parole du Conseil révolutionnaire à Alep dit quant à lui : « quoique de nombreux disent que l’ASL refusent la méthode d’action islamique extrémiste, mais elle perçoit tout de même les combattants de Jabhat-Nusrat comme étant des héros à Alep, car ils combattent sans peur et sans hésitation ».
Un tchéchène tué à Alep
Un site islamique tchétchène a révélé que le fils d’un ancien dirigeant séparatiste ayant participé à la guerre contre la Russie a été tué dans les rues d’Alep, en combattant aux cotés des insurgés.
Âgé de 24 ans, Roustom fils de (Reslane Glayev) est arrivé en Syrie au début de la saison d’été avec deux groupes de volontaires. Il a été tué entre le 11 et le 13 aout dernier durant les combats. Son cadavre a été rapatrié le vendredi 17 aout.
Pour sa part la correspondante du Times londonien a révélé avoir rencontré deux miliciens britanniques dans les rangs des insurgés dans la ville d’Alep. Ils lui ont fait savoir qu’ils ont subi un entrainement rapide en Turquie et ont par la suite participé aux combats d’Alep. Ils son retournés en Grande Bretagne à la demande des chefs miliciens pour apports des renforts et davantage de financement.
Et trois Jordaniens aussi
Selon le défenseur des groupes islamistes en Jordanie, Moussa Al-Abdel-Latt, trois jordaniens ont été tués durant ces dernières 48 heures a cité par l’agence United Press International. Les trois miliciens étaient originaires de la localité de Maan, appartenaient à la milice Régiment du Tawhid et combattaient a Deraa et Alep.
AFP : L'armée a repris les quartiers chrétiens d'Alep
Selon l’AFP, l'armée syrienne a repris jeudi aux insurgés les quartiers chrétiens du centre-ville d'Alep après deux jours d'une dure bataille, mais les combats faisaient rage ailleurs dans la métropole du Nord.
Selon un habitant, les quartiers en question sont Telal, Jdeidé et Sleimaniyé, très fréquentés avant le début du conflit en mars 2011 par les touristes attirés par les restaurants et les magasins d'artisanat.
L'évêque grec-catholique d'Alep, critiqué pour ses positions favorables au régime, s'était enfui pour ne pas tomber aux mains des rebelles, selon cet habitant, joint par téléphone par l'AFP et qui a refusé d'être identifié.
"Les combats de lundi et mardi ont été très violents et ont duré de longues heures avant que l'armée ne parvienne à déloger les rebelles, en arrêtant des dizaines", a-t-il ajouté.
"Des centaines d'Alépins des quartiers nettoyés sont descendus dans la rue à Telal jusqu'au quartier de Sleimaniyé pour exprimer leur joie et leur soutien à l'armée", selon lui.
"Nous avons vécu deux jours d'enfer", a dit à l'AFP Sonia, une habitante d'un quartier à majorité chrétienne du vieux centre touristique d'Alep.
Selon le site Arabs Press, de nombreux snipers des miliciens ont été abattus durant la campagne.
"Au chat et à la souris", selon l’AFP
Toujours selon l’AFP, les autres quartiers de Sakhour, Tariq Al-Bab, Boustane al-Kasr et Chaar ont été pilonnés à l'artillerie lourde, selon des militants.
Des combats avaient également lieu à Salaheddine, principal bastion rebelle, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Armée et rébellion avaient toutes deux affirmé avoir gagné du terrain à Alep. Un responsable de la sécurité y avait prédit "une longue guerre".
"L'armée essaie de constituer des carrés de sécurité", c'est-à-dire de tronçonner les quartiers en plusieurs secteurs en prenant le contrôle avec des hommes et des chars des rues principales et ensuite de "nettoyer chaque parcelle", selon une source de sécurité citée par l’AFP.
L'armée syrienne a pénétré l'espace aérien irakien
Des avions de l'armée syrienne ont pénétré jeudi l'espace aérien irakien pour bombarder la ville-frontière syrienne de Boukamal tenue par les rebelles, a-t-on appris auprès de responsables irakiens.
"Des avions de combat syriens ont pénétré l'espace aérien irakien vers 08H00 (05H00 GMT) et y sont restés pendant une quinzaine de minutes. Ils ont visé Boukamal, située en territoire syrien", a déclaré un lieutenant-colonel de la police des frontières irakienne, sous couvert d'anonymat.
Un responsable du centre de commandement de la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak frontalier de la Syrie, a confirmé les faits mais s'est refusé à fournir de plus amples détails.
Le maire de Qaïm, située en face de Boukamal du côté irakien de la frontière, a de son côté fait état de bombardements contre Boukamal, mais a assuré qu'"aucun avion syrien n'a pénétré en Irak. Tout s'est déroulé du côté syrien".
Boukamal, l'un des trois principaux postes-frontière avec l'Irak, est depuis plus d'un mois aux mains des rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) en lutte avec l'armée du régime du président Bachar al-Assad.
Autre terrain
Sur l’autoroute reliant la capitale a Homs, les miliciens ont enlevé ce jeudi un bus transportant des recrus militaires.
Dans la région Kadam, située sur l’artère reliant Damas à Deraa, 10 militaires réguliers ont été tués ou blessés dans une attaque contre leur barrage.
Dans le gouvernorat de Hama, un milicien a été tué et un autre arretée après avoir attaqué un barrage de l’armée.
Damas coopérera avec Brahimi pour lancer un "dialogue national"
La Syrie coopérera avec le nouvel émissaire international Lakhdar Brahimi afin de mettre en place "un dialogue national" au "plus vite", a affirmé jeudi le vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal Meqdad.
M. Brahimi a remplacé Kofi Annan comme émissaire de la Ligue arabe et de l'ONU. M. Annan, ex-chef de l'ONU, avait démissionné après l'échec de ses efforts pour un règlement du conflit en Syrie qui dure depuis plus de 17 mois.
La Ligue arabe avait dépêché fin 2011 en Syrie des observateurs qu'elle avait rappelé finalement face à la recrudescence des violences. Les observateurs de l'ONU envoyés ensuite afin de surveiller un cessez-le-feu jamais appliqué ont également quitté le territoire syrien il y a plusieurs semaines.
"Nous n'allons pas dire à M. Brahimi ce qu'il doit faire avant même qu'il n'arrive, il s'agit d'un expert international", a-t-il dit. "Mais je pense qu'une bonne compréhension de l'évolution de la crise hors des pressions internationales est un point clé".
"Je pense que M. Brahimi va lancer un dialogue national le plus vite possible car il n'y aura pas de vainqueur en Syrie comme le parie l'Occident. C'est la Syrie qui gagnera par son peuple, par son chef et par son gouvernement, en faisant les bons choix face à cette situation compliquée", a-t-il encore estimé.
Voyant dans "l'ingérence étrangère" la "principale" cause de la crise syrienne, il a exhorté M. Brahimi à "jouer un rôle actif" face aux "parties qui ne veulent pas d'une résolution de la crise et en particulier les parties qui arment et financent les terroristes, les extrémistes et les salafistes". En allusion pays occidentaux et aux monarchies du Golfe, notamment le Qatar et l'Arabie saoudite.