Le TSL : le paradigme d’une justice internationale en perte de vitesse. Première partie
La justice internationale est aujourd’hui plus que jamais en porte à faux avec les principes même qu’elle est supposée appliquer, en l’occurrence, l’égalité, l’inaliénabilité et l’universalité du droit à la justice.
la preuve en est que les tribunaux pénaux internationaux mis en place pour rendre justice ont souvent été sélectifs et politisés. C’est la Communauté internationale qui décide des crimes et des génocides dignes de passer en justice, et de ceux qui passeront sous silence. Pronant une politique de deux poids deux mesures, notamment de la part des Etats-Unis, qui ne cesse d'éroder sa légitimité!
L’exemple le plus probant n’est autre que celui de la
Palestine Occupée où tout un peuple a subi et subit toujours le summum de l’injustice: l’usurpation de sa géographie (la terre) et celle de son histoire !
Sous la protection des Etats-Unis, et de l’Occident en général, «Israël » se permet de bafouer les droits internationaux et de commettre les crimes les plus horribles. En toute impunité !
Jamais Ariel Sharon n’a été poursuivi internationalement en justice pour le massacre de Sabra et Shatila.
En revanche, le président soudanais Omar El Beshir est accusé par la Cour Pénale Internationale des crimes de génocide au Darfour. Et puis, tout à coup toutes les accusations le concernant se sont évaporées, du moment qu’il a accepté une scission du Darfour, et la partition du Soudan.
Fait marquant aussi: Benazir Bhutto, ancienne premier ministre du Pakistan, pourtant très proche du camp zunien, n’a pas eu le droit également au même traitement judiciaire imposé à l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri.
Ainsi l’application d’une justice sélective laisse perplexe quant à l’impartialité du système international judiciaire.
Le TSL : une première en justice internationale
La perplexité continue puisque le TSL (Tribunal Spécial pour le Liban) n’a pour mission que d’enquêter et de juger un seul assassinat, celui de Rafic Hariri.
« Le Tribunal spécial a compétence à l’égard des personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de l’ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes, et causé des blessures à d’autres personnes. S’il estime que d’autres attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005 ou à toute autre date ultérieure décidée par les parties avec l’assentiment du Conseil de sécurité ont, conformément aux principes de la justice pénale, un lien de connexité avec l’attentat du 14 février 2005 et sont de nature et de gravité similaires ». (Article I)
C’est une première pour les juridictions pénales internationales puisqu’il n’est pas question ici de réprimer des crimes de guerre ou des génocides, mais de poursuivre uniquement les responsables d’un assassinat, crime qui relève normalement de l’ordre juridique interne d’un pays.
Les autres tribunaux pénaux internationaux comme le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) ou encore le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) sont dotés de mandats bien plus larges. L’article I du statut de ces deux instances stipule que : « Le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire… ».
Si le TSL s’est imposé cette restriction, en comparaison avec les autres tribunaux internationaux, ce n’est hélas pas par précaution de justice, mais pour que sa juridiction ne permette pas d’enquêter sur les crimes de guerre commis par « Israël » à l’encontre des populations libanaise et palestinienne sur le territoire libanais.
Le mandat ignore aussi la série d’assassinats d’hommes politiques et religieux qui débute par l’assassinat en 1951 de l’ancien premier ministre Riad El-Solh. Ni ceux perpétrés durant la guerre civile, notamment celui de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, assassiné par les Forces libanaises.
Le TSL : organe hybride
De par sa démarcation des autres tribunaux internationaux, le scepticisme plane également sur la reconnaissance du TSL en tant qu’instance judiciaire. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, le confirme : le TSL n’est qu’un « organe conventionnel » entre l’exécutif de l’ONU et celui du Liban. Cet accord entre l’ONU et le gouvernement libanais a donné naissance à un organe hybride puisque le TSL n’est ni « un organe subsidiaire de l’ONU, ni un élément de l’appareil judiciaire libanais ».
Du TSL au chapitre VII : des objectifs louches
Autre supercherie affûtée par le camp occidental : le TSL a été créé en vertu du chapitre VII de la chartre des Nations-Unis (Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) alors qu’il n’intervient pas dans le cadre d’un conflit armée interne ou international, la situation au Liban, bien qu’instable, était juridiquement bien pacifique. Contrairement aux tribunaux pénaux onusiens ad hoc pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie où les menaces contre la paix étaient bel et bien réelles.
Les enquêteurs ont orienté à la hâte leur piste vers la Syrie et l’Iran afin d’internationaliser l’assassinat de Hariri et le présenter comme une menace internationale. Façon de légitimer la création du TSL sous le chapitre VII. Une sorte d’initiative internationale juridico-préventive pouvant avoir des conséquences similaires à la fameuse guerre préventive de Bush en Irak.
Le TSL à l’insu du droit local
La création du TSL sous le chapitre VII a également surpassé et violé la juridiction et constitution libanaise. Il ne s’agit pas en effet d’un accord Onusien avec l’Etat libanais mais d’un accord entre l’ONU et l’ancien gouvernement Siniora libanais. L’accord n’ayant été ratifié ni par le parlement, ni par le président de la République. C’est donc un gouvernement Siniora plongé en pleine crise qui vote le projet lié au régime du tribunal, en l’absence des ministres du Hezbollah et du mouvement Amal. Ces derniers ayant été pris de court, n’ont pu réviser le règlement du tribunal voté par le gouvernement.
TSL : un tribunal qui tolère les faux témoins
Autre zone sombre du TSL, la fuite de ses responsabilités concernant les faux témoins en amendant les règles de procédures du Tribunal pour y introduire de nouvelles clauses qui l’écarte de toute révélation d’information et de poursuite en justice des faux témoins.
Le TSL tolère des témoignages sans sources
Le problème de transparence n’est pas moindre au sein de l’instance puisque selon l’article 118, paragraphe f des règles et des procédures (voir www.stl-tsl.org ) :
« Si le Procureur invite un témoin à communiquer comme éléments de preuve des informations fournies en vertu du présent article, ni le Juge de la mise en état ni la Chambre de première instance ne peut obliger ce témoin à répondre à des questions relatives à ces informations ou à leur source s’il refuse de répondre en invoquant des raisons de confidentialité ».
Ainsi, les juges des différentes chambres sont interdits de questionner le témoin sur la source de ses informations ou de son témoignage alors que normalement comme l’indique le journaliste et criminologue libanais, Omar Nashabé : « les juges doivent avoir une autorité permanente de questionner la source des preuves collectées par le procureur et présentées à la Cour. Au TSL, cette autorité a tout simplement été balayée ».
Le procureur Daniel Bellemare, douterait-il de ses preuves ou de la crédibilité des sources des informations collectées ? Ont-elles été tout simplement fabriquées ?
TSL : inculpation par contumace instaurée
Pire encore, après l’appel du secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah à boycotter le TSL suite à l’affaire des deux enquêteurs s’immisçant dans une clinique privée de gynécologie dans la banlieue sud pour demander des informations sur ses patientes, le TSL procède à plusieurs amendements notamment celui permettant de juger les inculpés par contumace (article 22).
Une nouveauté exclue dans tous les tribunaux internationaux mises en place antérieurement. Selon Omar Nashabe, « cet amendement est politisé puisqu’il permet de juger les inculpés, notamment des membres du Hezbollah, même en leur absence ».
TSL : acte d’accusation au timing élastique
Dernier détail problématique : le timing de la remise de l’acte d’accusation au Juge Fransen. Le procureur Bellemare aurait dû présenter l’acte en 2009, mais ce n’est que le 17 janvier 2011 qu’il l’a fait. C’est-à-dire trois années après sa prise de fonction.
C’est la première fois qu’un premier acte d’accusation tarde aussi tant à être publié. Le premier acte d’accusation du TPIY a été rendu 4 mois après la prise en fonction du procureur Richard Goldstone.
Ainsi, pourquoi Bellemare aurait attendu tout ce temps pour présenter l’acte d’accusation, sachant grâce aux premières fuites du journal Der spiegel, que l’acte était d’ores et déjà prêt en 2009 ? Le procureur attendait sûrement le bon timing, celui qui pourrait redonner du poil de la bête au camp du 14 mars après le limogeage du gouvernement de Saad Hariri par le camp du 8 mars.
Le TSL : des normes à géométrie variable
Pour Omar Nashabé, les méthodes de travail du TSL font abstraction de certaines hautes normes internationales, une application des normes à géométrie variable : « par exemple, le procureur Bellemare admet publiquement avoir interrogé des membres du Hezbollah et des responsables Syriens mais quand on lui demande si il a interrogé des Israéliens, il s’offusque tout de suite et affirme qu’il ne peut répondre à la question car elle remet en cause la confidentialité de l’enquête ».
Nashabé conclut, « Aujourd’hui, si l’on veut suspecter le Hezbollah ou des membres du parti dans l’assassinat de Hariri, il faut également, de la même façon, avoir le courage, de reconnaître et d’enquêter sur une possible piste israélienne. Cependant je doute du courage de Monsieur Bellemare et Monsieur Cassese, car ils n’oseront jamais interroger un israélien. On ne peut donc pas aujourd’hui avoir confiance en un tribunal qui n’ose pas enquêter sur une probable piste israélienne alors que les israéliens ont tué plus de 1300 civils libanais pendant la guerre de juillet 2006. »
A suivre
Deuxième partie
Démissions et suspicions autour du personnel du TSL.