On ne peut pas se moquer de tout, comme du prophète Mohammad (P), estime Franck Frégosi. "Même s’il n’a été qu’un homme, comme le rappelle le Coran, il n’est pas n’importe lequel: il a reçu une révélation".
Un film islamophobe vulgaire qui aurait dû passer inaperçu mais a enflammé le monde musulman: ce décalage montre que "L'Innocence des musulmans" a "remis à vif", "rouvert des plaies qui étaient à peine cicatrisées", selon Franck Frégosi, spécialiste à Paris de l'islam.
"On expliquait au monde musulman qu'avec Barack Obama, les choses allaient changer", que les Etats-Unis "avaient fait d'énormes efforts, mais on constate que la moindre étincelle peut embraser le monde", analyse dans un entretien à l'AFP ce directeur de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
"Au delà de la logique du grossissement qui a fonctionné à plein régime, l'affaire du film révèle - sans justifier la violence de la réaction - que dans nombre de sociétés, la notion de sacralité reste vivace dans le quotidien".
On ne peut pas se moquer de tout, comme du prophète Mohammad (P), estime Franck Frégosi. "Même s'il n'a été qu'un homme, comme le rappelle le Coran, il n'est pas n'importe lequel: il a reçu une révélation".
"La figure du prophète de l'islam s'est trouvée ridiculisée, caricaturée.
Et on a eu tôt fait de généraliser. Pour les uns, c'est l'islam qui témoigne une fois de plus de sa radicalité, pour les autres ce sont les Etats-Unis qui sont coupables d'une politique délibérée d'agression à l'égard de l'Islam".
Même si le film vient de l'initiative d'un individu, il a été tourné aux Etats-Unis, il est donc étiqueté américain et par conséquent "sinon impulsé, du moins soutenu par les autorités américaines", constate le chercheur.
"Dans l'inconscient du monde musulman, il y a cette idée que les Etats-Unis demeuraient une société marquée par une islamophobie de plus en plus virulente".
"sociétés traversées de contradictions"
"Dans ces sociétés traversées de contradictions, confrontées à un phénomène de modernisation, le tout dans un contexte de tensions internationales, de politiques maladroites, de situations de détresse, le sacré reste le pré carré.
Touchez à cette valeur-refuge et tout s'effondre", poursuit le spécialiste.
D'où les heurts possibles avec des sociétés occidentales profondément laïcisées, sécularisées aux yeux desquelles la question du sacré paraît totalement anachronique, contrairement à une grande partie du monde.
"Il faut faire la distinction entre la critique légitime d'une religion et la caricature, la volonté de ridiculiser les symboles religieux", souligne Franck Frégosi. "La France est un pays laïcisé, où la croyance est une matière à option, ce n'est pas le cas d'un certain nombre de sociétés".
Pour Franck Frégosi, un basculement s'est opéré en France: "le discours dénonçant l'islam radical s'est transformé en dénonciation radicale de l'islam". "Un glissement dangereux", juge-t-il.