Pour la première fois dans l’histoire de la Jordanie, les tribus , jadis ralliées au monarque, rejoignent les rangs du mouvement de protestation populaire, dont la principale force est les Frères musulmans.
Des milliers de personnes manifestaient vendredi à Amman à l'appel de l'opposition jordanienne, dont la principale force sont les Frères musulmans, pour réclamer des réformes de fond, et ce malgré l'annonce par le roi Abdallah II de la dissolution du Parlement et la convocation d'élections anticipées.
Au moins 2.000 policiers ont été déployés dans le centre de la capitale en prévision de cette manifestation qui a commencé après la grande prière hebdomadaire musulmane de la mi-journée, et à laquelle les Frères musulmans avaient dit attendre quelque 50.000 participants.
Les manifestants se sont rassemblés devant la mosquée Al-Husseini avec une grande banderole détaillant leurs exigences: "une loi électorale démocratique, des changements dans la Constitution, des gouvernements élus, un pouvoir judiciaire indépendant, une Cour constitutionnelle, une lutte efficace contre la corruption et une non ingérence de la Sécurité dans la vie politique".
Cela fait 20 mois que nous manifestons et vous n'avez toujours pas compris nos demandes" ou "Arrêtez de nous voler", pouvait-on lire sur d'autres banderoles.
En réponse, Abdallah II a annoncé la dissolution jeudi du Parlement et convoqué des élections anticipées dont il souhaite la tenue avant la fin de l'année. Mais les Frères musulmans avaient annoncé d'avance qu'ils boycotteraient un tel scrutin tant qu'il n'y aurait pas eu de réformes de fond.
La date du prochain scrutin n'a pas été précisée, mais le roi avait dans le passé exprimé le souhait qu'elles aient lieu d'ici fin 2012.
"Nous voulons une révision de la Constitution avant que le peuple ne se révolte! Nous voulons une réforme du régime"! ont scandé les manifestants.
Dans un communiqué, la police jordanienne a annoncé avoir empêché un groupe de jeunes d'attaquer les manifestants, après l'arrestation de huit personnes et la saisie d'armes à feu dans des bus se dirigeant vers le centre d'Amman.
Une manifestation rivale, en soutien au roi Abdallah II, initialement prévue au même endroit et à la même heure, a été reportée sine die, "pour empêcher d'éventuels troubles", avaient indiqué jeudi ses organisateurs.
Dans une interview à l'AFP le 12 septembre, Abdallah II a jugé que le boycott du prochain scrutin par les islamistes était une "énorme erreur de calcul", et estimé que le scrutin était une étape "fondamentale dans le processus des réformes et la marche vers la transition".
"Je dis donc aux Frères musulmans, vous avez le choix: soit rester dans la rue soit aider à construire la nouvelle Jordanie démocratique", avait-il ajouté.
Les islamistes accusent le système électoral en vigueur de privilégier les régions rurales, considérées comme loyales au gouvernement, dont les partisans dominent le Parlement. Ils demandent en particulier un système parlementaire dans lequel le Premier ministre serait élu et non plus nommé par le roi.
De son côté, la commission électorale a repoussé jusqu'au 15 octobre le délai pour s'inscrire sur les listes électorales dans la perspective des législatives anticipées. Plus de 1,85 million de personnes se sont déjà inscrites sur les listes. La Jordanie compte 6,8 millions d'habitants, dont près de trois millions d'électeurs potentiels.
Les tribus jordaniennes rejoignent les rangs du mouvement de protestation populaire aux côtés des Frères musulmans
Jadis ralliés principalement autour du roi, les tribus jordaniennes ont tiré la sonnette d'alarme en décidant non seulement de participer à ces manifestations massives de réformes. Mais aussi, elles dénoncent les tentatives d'incitations à la division entre les tribus jordaniennes.
Tentatives qui seraient pratiquées par certains employés de la cour royale voire par des nobles à la cour royale de nationalité saoudienne.
En effet, le chef de la plus importante tribu jordanienne, les Howeitat , le Dr Sultan Abou Tayeh, a menacé de s’adresser au roi de l'Arabie Saoudite, le monarque Abdullah bin Abdul Aziz pour l’exhorter à faire pression sur certains nobles de la monarchie jordanienne qui encouragent la division entre les tribus jordaniennes.
Située dans les régions méridionales, le clan Howeitat accuse certains employés de la fonction publique qui détiennent le titre de la noblesse de chercher à provoquer la dissidence entre les diverses tribus jordaniennes.
Abou Tayeh a précisé, dans une interview au journal alMirsad, un quotidien pro-mouvement populaire, que ces nobles sont de nationalité saoudienne et qu’ils ont en fait acquis leur titre de noblesse par la voie royale saoudienne.
Il a annonçé son intention d’adresser une lettre au monarque saoudien lui demandant de retirer ces nobles saoudiens et leurs familles de la scène politique jordanienne afin de ne plus nuire aux tribus jordaniennes.
A noter qu’Abou Tayeh a envoyé une lettre au roi de Jordanie dans laquelle il s'est plaint du rôle de certains de ses employés à la cour royale de chercher à inciter certains membres de la tribu des Howeitat à se lever les uns contre les autres pour empêcher la tribu Howeitat de participer aux manifestations de ce Vendredi.
Dans sa lettre, le chef de la tribu des Howeitat dénoncent les tentatives d'exploitation des âmes faibles et des pauvres des Howeitat surtout ceux qui reçoivent un salaire de la part du gouvernement d’un montant dérisoire!
Par ailleurs, Abou Tayeh s’était opposé, lui et ses partisans à l'édification d’une tente prés de leur quartier général, destinée à s’opposer à la manifestation de ce Vendredi.
Et de déclarer : " Au nom des libres de Howeitat , nous confirmons notre participation à la manifestation populaire pour sauver la nation aux côtés des libéraux, des mouvements islamiques et des partis de l’opposition. Et ce dans le but de réformer le pays et de le sauver de la corruption qui a coûté le prestige de l'État ".
Rappelons qu’un autre membre d’une tribu jordanienne, le militant Mohammed Khalaf alHadid avait tout autant accusé au site internet d’alQodsalArabi « certains cercles officiels de tenter d'inciter les tribus à se dresser contre les islamistes..
Mgr Lahham met en garde contre les risques de dérapage en Jordanie
Par ailleurs, le vicaire patriarcal pour la Jordanie du Patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Maroun Lahham a mis en garde contre un dérapage de la "manifestation islamiste de vendredi 5 octobre" .
Mgr Maroun Lahham redoute le passage critique que se prépare à vivre la Jordanie, rapporte l’agence de presse vaticane Fides.
« Les prochaines élections devraient être en Jordanie les premières élections libres et démocratiques », indique l’archevêque.
Le gouvernement sera nommé pour la première fois par le parti majoritaire. Jusqu’ici, c’était le roi qui nommait le gouvernement et le premier ministre.