Erdogan veut aller au bout, et Washington juge prématuré la formation d’un gouvernement provisoire.
L'armée syrienne a pénétré mardi dans le quartier Khalidiyyé à Homs, occupée par les miliciens de l’insurrection depuis près de 5 mois
Selon la télévision officielle, les forces gouvernementales ont « sécurisé de larges parties de Khalidiyyé et traquent les terroristes encore présents".
"Elles ont détruit des cachettes dans lesquelles étaient stockées des bombes et des munitions, près de l'école Zanoubia, dans la rue Ammar ben Yasser. Elles ont tué tous les terroristes qui s'y trouvaient", a ajouté la télévision.
Khalidiyyé : les communiqués des miliciens en perte de ton
Selon le site Arabs-Press, les miliciens syriens de cette région qui ont dans un premier moment appelé à la mobilisation générale n’ont pas tardé à lancer un appel au secours.
« Le régime chancelant de Bachar el-Assad croit qu’en assiégeant Khalidiyyé, et en tentant de l’attaquer via ses voyous qu’il allait dans une promenade. Il va voir de ses propres yeux dans les heures qui viendront ce que lui cachent les bras des révolutionnaires comme surprises que ses chars ne pourront contrer », est-il écrit dans un communiqué signé de l’ASL, au tout début de l’attaque.
Au fur et à mesure que l’armée syrienne avançait, le ton n’a pas tardé à changer lorsque les milices ont crié à l’aide, déclarant que « Khalidiyyé est en danger », en appelant à toutes les milices de faire part aux combats immédiatement.
Quelque temps plus tard, un autre communiqué paraissait encore plus désespéré : « ... si vous n’entendez plus nos appels de Khalidiyyé, prière de lire la fatiha (du Coran) pour nos âmes, (l’équivalent de prier pour nos âmes, en cas de mort. ndlr) nous ne vous demandons rien d’autre... », Signale-t-il, évoquant l’éventualité d’un massacre.
L'OSDH nie et l'AFP confirme
Alors que l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) qui siège à Londres nie les nouvelles sur la chute du quartier, disant que les soldats loyalistes ont avancé mais n'ont pas pris le cœur du quartier totalement dévasté, un militant qui se trouve dans la vieille ville et s'est présenté sous le nom d'Abou Bilal, a confirmé à l'AFP que l'armée avait pénétré dans une partie du quartier, où "l'Armée syrienne libre (ASL, force d'opposition armée) continue à combattre avec le peu de munitions dont elle dispose".
"Si l'armée réussit à prendre totalement le quartier, ce sera une catastrophe pour les huit-cents familles qui s'y trouvent. Il y aura un massacre sans précédent depuis le début de la révolution", a-t-il avertit.
Selon des sources syriennes, le quartier a été vidé de ses habitants depuis près de 5 mois, depuis qu’il est devenu un bastion des milices, et seuls les miliciens s’y sont implantés.
L’AFP a également rendu compte qu’après quelques heures de répit, les forces fidèles au régime avaient repris mardi matin leurs bombardements contre le centre de Homs où sont assiégés depuis quatre mois les rebelles.
Lundi, une source au sein des services de sécurité syriens avait annoncé une offensive généralisée sur Homs.
"L'armée tente de nettoyer les derniers quartiers rebelles de Homs", avait-elle annoncé.
"L'armée a également nettoyé des villages autour de Qousseir et essaie maintenant de s'emparer de la ville" voisine de Homs, avait ajouté cette source, une information confirmée par des insurgés.
Une autre source de sécurité syrienne avait affirmé que l'armée comptait prendre ces deux bastions d'ici la fin de la semaine. "Ensuite, nous nous concentrerons sur le nord de la Syrie", avait-elle dit.
La province de Homs est la plus grande et la plus stratégique du pays.
Frontalière du Liban et de l'Irak, elle relie le nord et le sud de la Syrie. Des militants à Homs ont estimé qu'il s'agissait d'un "assaut sans précédent".
Double attentat suicide: double version
Un double attentat suicide perpétré à proximité d’un important siège des services de renseignements de l'armée de l'air, près de Damas a fait l’objet de deux versions.
Celle de Selon l’OSDH d’abord, lequel a fait état de plusieurs dizaines de morts, alors qu’une source au sein des services de sécurité syriens a affirmé que les attentats avaient été déjoués, même si un des véhicules piégés a explosé à proximité du site visé, faisant un nombre indéterminé de blessés.
L'attaque perpétrée lundi soir à Harasta, à 10 km au nord-est de Damas, a été revendiqué par un groupuscule djihadiste, Jabhat-Nosrat (le front de la victoire) d’Al-Qaida.
Version OSDH
Lundi soir, deux explosions à une vingtaine de minutes d'intervalles ont visé le siège provincial des services de renseignements de l'armée de l'air et un centre de maintenance des véhicules militaires, a indiqué Rami Abdel Rahmane, chef de l'OSDH.
"Des dizaines de personnes ont été tuées dans l'attaque contre le siège des services de renseignements, et on ignore le sort des centaines de prisonniers qui s'y trouvaient", a-t-il ajouté.
Selon M. Abdel Rahmane, le site visé est le plus grand centre de détention de la province de Damas. "Je tiens pour responsable du sort des détenus, non seulement ceux qui ont mené l'attaque, mais également le régime qui détient dans ses geôles des milliers de prisonniers", a-t-il ajouté.
"Jabhat-Nusrta" revendique, sans images
Le Front Jabhat-Nusrat proche d'al-Qaïda, a revendiqué sur Facebook ces attentats, évoquant deux véhicules piégés, dont une ambulance, bourrés de plusieurs tonnes d'explosifs et conduites par deux kamikazes.
"Un véhicule bourré de neuf tonnes d'explosifs, conduit par le héros martyr Abouzor al Chami, a détruit l'immeuble", a écrit le groupe. "Puis 25 minutes plus tard, un autre héros martyr, Abou Yehya al-Chami, a fait sauter l'ambulance transportant une tonne d'explosifs qu'il conduisait pour détruire le reste de ce siège et tuer les survivants".
"Ensuite, nos combattants ont tiré des obus sur ce qui restait du siège", a ajouté al-Nosra, un groupe inconnu avant le début du conflit syrien, qui a revendiqué la plupart des attentats récents dans le pays.
En revanche, aucune image ni vidéo n’a escorté le communiqué dans lequel il est dit que les images seront diffusées dès qu’elles seront prêtes. Jusqu’à la publication de l’article, aucune image n’a encore été mise en ligne.
Version gouvernementale
Du coté des services de sécurité syriens, il y a bien eu une double tentative, mais elle a été déjouée. Selon elle, les gardes ont tiré sur le premier véhicule avant qu'il ne pénètre dans l'enceinte ultra-protégée. La voiture a toutefois explosé, et le souffle de l'explosion a provoqué d'importants dégâts et fait des blessés.
La seconde voiture a été interceptée et son conducteur arrêté, a précisé la source. "Ceci a été le signal à un assaut de grande envergure de la part des terroristes qui voulaient s'emparer de ce bâtiment, mais après cinq heures de combats ils ont été repoussés", a ajouté ce responsable des services de sécurité.
L’armée turque inspecte
Le chef de l'armée turque, le général Necdet Ozel, inspectait mardi les troupes turques à la frontière syrienne, théâtre d'incidents militaires ces derniers jours entre la Turquie et la Syrie, alors que le Premier ministre turc a affirmé que son pays riposterait à toute agression.
Le général Ozel, accompagné d'autres haut responsables de l'armée, s'est rendu dans la province de Hatay (sud), théâtre d'échanges de tirs d'artillerie entre la Syrie et la Turquie, a précisé l'agence de presse Anatolie.
Le général turc devra aussi se rendre sur d’autres points de la frontière pour inspecter l'état des troupes turques, renforcées en raison de la guerre civile en Syrie, ajoute l'agence.
L'artillerie turque a répliqué lundi, pour la sixième journée consécutive, en tirant sur des positions de l'armée régulière après des tirs sur son territoire.
Le dernier obus syrien est tombé dans un district de Hatay.
Depuis le bombardement mercredi dernier du village frontalier turc d'Akçakale, qui a causé la mort de cinq civils turcs, Ankara répond coup pour coup aux tirs syriens atteignant le territoire turc et dont l'armée régulière syrienne est tenue pour responsable.
Et Erdogan veut aller au bout
Plusieurs partis de l’opposition et médias turcs ont suspecté la version officielle du gouvernement turc qui a accusé le gouvernement syrien sans ménagement. Certains medias ont même accusé le gouvernement d’Erdogan d’avoir lui-même commandité ces attaques pour justifier son intervention militaire dans les évènements syriens. Surtout que les miliciens de l’insurrection se trouvent en mauvaise posture aussi à Homs qu’à Alep.
Mardi, le chef du gouvernement turc a répété mardi devant les députés de son Parti de la justice et du développement (AKP) au Parlement que son pays répondra systématiquement à toute attaque syrienne.
"Il a été inévitable pour nos forces de répondre de la même manière (...) Tant que l'administration syrienne maintiendra sa position agressive", a déclaré Recep Tayyip Erdogan et de confirmer la visite d'inspection du numéro un de l'armée turque.
Il a promis de prendre toutes les mesures nécessaires contre une éventuelle menace syrienne visant la sécurité nationale.
"Le mandat (donné jeudi dernier par le Parlement turc au gouvernement pour mener, si nécessaire, des opérations militaires en Syrie, ndlr) constitue l'une de ces mesures. Un Etat se doit d'être préparé à toute éventualité", a ajouté M. Erdogan.
Washington: "prématuré" de reconnaître un gouvernement provisoire syrien
Washington estime "prématuré" de reconnaître un gouvernement provisoire de l'opposition syrienne tant qu'elle ne sera pas "organisée", a affirmé mardi dans un entretien au quotidien Le Monde le secrétaire d'Etat adjoint américain chargé de l'Europe, Philip Gordon.
"François Hollande avait annoncé une reconnaissance d'un gouvernement provisoire. Nous avons des réserves sur cette proposition", déclare le responsable américain.
Fin août, le président français avait annoncé qu'il reconnaîtrait un gouvernement provisoire syrien dès sa formation.
"Nous ne pensons pas que l'opposition soit prête à former un gouvernement provisoire. Un jour, il faudra reconnaître un gouvernement ou une entité provisoire, mais c'est prématuré", ajoute M. Gordon.
"L'opposition n'est pas encore suffisamment coordonnée et organisée", regrette le secrétaire d'Etat adjoint, soulignant qu'elle "ne peut pas être une opposition sunnite ou kurde ou chrétienne". "Toutes les forces de Syrie doivent être représentées", résume-t-il.
Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, se réunit la semaine prochaine à Doha pour tenter à nouveau de s'élargir à d'autres groupes hostiles au régime de Damas.
Le CNS refuse d'admettre dans ses rangs le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND), qui milite pour un changement de régime à Damas par des moyens pacifiques.
Le CNS est régulièrement critiqué à l'intérieur de la Syrie et sur la scène internationale pour son incapacité à unifier l'opposition syrienne plus de 19 mois après le début du soulèvement contre le régime du président Bachar al-Assad.