L’Église maronite estime que sa principale mission à l’heure actuelle est d’aider les chrétiens à bien se repositionner après la marginalisation dont ils ont été victimes à la suite de l’adoption de l’accord de Taëf.
Une petite phrase qui revient régulièrement ces derniers temps dans le langage politique commence à irriter les milieux proches de Bkerké. Elle porte sur un appui musulman à «tout projet de loi électorale qui aurait l’aval des chrétiens».
Des sources proches du patriarcat maronite ont l’impression que les parties musulmanes misent ainsi sur l’impossibilité pour les différentes parties chrétiennes de parvenir à un accord sur un même projet de loi électorale. Le plus grave, estiment ces sources, c’est que cette attitude n’est pas éloignée de la réalité et en dépit de toutes les tentatives du patriarche, Mgr Béchara Raï, les points de vue entre les différentes parties chrétiennes restent très éloignés et la commission initiée par Bkerké ne parvient même plus à se réunir.
Les sources proches du patriarcat précisent que c’est bien pour cette raison que ce dernier a décidé d’annoncer clairement son refus d’un retour à la loi de 1960. Les sources précitées expliquent que Bkerké est soucieuse de l’intérêt des chrétiens dans leur ensemble. C’est pourquoi il est clair, à ses yeux, que la loi de 1960 ne favorise pas une représentation chrétienne fidèle au Parlement et permet aux autres composantes de la scène libanaise d’élire une partie non négligeable des députés chrétiens. Le patriarcat maronite estime ainsi que l’identité du camp chrétien vainqueur (ou perdant) est secondaire. Ce qui compte, c’est que les députés chrétiens soient choisis par les électeurs de cette communauté. C’est la raison pour laquelle le patriarcat ne veut pas entrer dans le détail des projets et il se contente de définir ce qui lui paraît inacceptable.
L’Église maronite estime que sa principale mission à l’heure actuelle est d’aider les chrétiens à bien se repositionner après la marginalisation dont ils ont été victimes à la suite de l’adoption de l’accord de Taëf et la réduction des pouvoirs présidentiels. En même temps, Bkerké souhaite réunir les chrétiens autour de projets et d’intérêts communs. C’est le sens de l’action du patriarche depuis son élection à la tête de l’Église maronite. La loi électorale aurait en principe dû servir de base à une unité chrétienne autour d’un même projet. Mais les intérêts divergents, pour ne pas dire contradictoires, des uns et des autres ont jusqu’à présent paralysé la commission chrétienne formée dans ce but, sous l’égide de Bkerké.
Deux propositions avaient alors été privilégiées, le projet de loi grec-orthodoxe et un découpage du pays en 15 circonscriptions électorales (ce qu’on appelle les circonscriptions moyennes). Mais la campagne médiatique actuelle est en train de détourner l’attention des Libanais des projets initiaux. La scène est livrée aux surenchères politiques qui empêchent tout débat constructif en profondeur.
Scarlett Haddad, journaliste libanaise proche de la majorité
L’Orient-Le Jour