Et une campagne frénétique contre le gouvernement, le Hezbollah, la Syrie et l’Iran
Tout laisse croire que les forces du 14 mars au Liban préparent un scénario similaire à celui qui avait eu lieu au lendemain de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
Depuis l’assassinat du chef de la Direction des renseignements au Liban, le général Wissam al-Hassan, une campagne frénétique est menée par leurs différents responsables et medias, proférant des accusations contre l'actuelle majorité au pouvoir, en tête le Premier ministre Najib Mikati et le Hezbollah, et contre la Syrie et l’Iran.
Vendredi dernier, trois personnes, dont le général et son chauffeur, ont été tuées et 126 blessées dans un attentat commis vendredi à Beyrouth avec une voiture piégée, selon un bilan définitif.
Depuis, des appels ont été lancés pour organiser des obsèques populaires ce dimanche, dans le centre de Beyrouth. Selon l’AFP, des milliers de personnes sont attendues sur la place des martyrs, le même endroit où des centaines de milliers de Libanais s’étaient rassemblés après le martyre de l’ancien Premier ministre exigeant le départ de l’armée syrienne.
Ce dimanche, des affiches géantes du général al-Hassan, ont été placardés, avec ces mots: "le martyr de la justice et de la vérité".
En milieu de journée, des centaines de jeunes étaient déjà rassemblés avec des drapeaux libanais et des étendards bleus du Courant du futur du chef de l'opposition Saad Hariri ou arboraient le portrait du défunt son père. D'aucuns portaient des pancartes exigeant le départ du Premier ministre Najib Mikati. " Dégage Mikati" est écrit sur l'une d'entre elles.
"Une seule révolution dans deux Etats" proclamait une banderole faisant allusion à la Syrie et au Liban, "Va-t’en Najib" Mikati, l'actuel Premier ministre libanais ou "Bachar, hors du Sérail", siège du chef du gouvernement.
Sur cette place emblématique de la capitale, flottaient surtout des étendards bleus du Courant du Futur Saad Hariri, rouges du Parti socialiste progressiste du chef druze Walid Joumblatt, blancs du parti des Forces libanaise Samir Geagea, verts de la Jamaa islamique et ceux de l’insurrection syrienne.
Fatfat de Marjeyoune veut faire sortir l'Iran
"Nous allons dire adieu à Wissam al-Hassan mais nous voulons poursuivre ce que nous avons entamé en 2005. A cette époque, les Syriens sont sortis du Liban. Aujourd'hui nous voulons les empêcher définitivement de revenir et faire sortir l'Iran", a affirmé à l'AFP Ahmad Fatfat, député du bloc de l'ancien Premier ministre Saad Hariri.
Il a accusé le gouvernement actuel et notamment le Hezbollah de vouloir "le retour au Liban du (président syrien) Bachar al-Assad".
Fatfat était ministre de l’intérieur lors de la guerre israélienne contre le Liban en 2006. Il s’est fait remarquer en ayant donné le feu vert aux militaires de la caserne de Marjeyoun au sud du Liban, d’accueillir des soldats israéliens et de leur offrir du thé.
"C'est exactement comme le jour de la mort de Rafic Hariri. Les Syriens ne sont plus ici mais il y a des Libanais qui travaillent pour eux. Le gouvernement est responsable de ce qui s'est passé et nous voulons qu'il parte", a affirmé Manal Sharqawy, étudiante en droit, qui était déjà sur place pour participer à la manifestation.
Cérémonie militaire
Avant les funérailles populaires, une cérémonie militaire a eu lieu vers 14h (heure locale) au quartier général des Forces de sécurité intérieure (FSI, police). Vers 15 heures, les dépouilles du général AlHassan et de son accompagnateur Ahmad Sahyouni sont arrivés à la mosquée AlAmine où devrait avoir lieu la prière sur leurs ames, avant d'être inhumés, dans le mausolée de Rafic Hariri, à la demande de Saad Hariri
Rappel 2005
Au cours des manifestations qui avaient eu lieu au lendemain de l’assassinat de Hariri en février 2005, La Syrie, le gouvernement libanais qui était dirigé alors par Omar Karamé ainsi que quatre hauts-officiers (Jamil Sayyed, Moustapha Hamdane, Ali Haj et Raymond Azzar) -dont les portraits ont directement été brandis-, ont été accusés de l’avoir perpétré.
Karamé a démissionné, tandis que les quatre officiers ont été arrêtés puis innocentés par le Tribunal spécial pour le Liban. Et la Syrie aussi a été disculpée par le TSL, lequel a directement adressé ses accusations contre le Hezbollah !
Positions d'aujourd’hui
Réagissant aux accusations proférées contre la Syrie, le ministre de l’information syrienne Omrane Zoebi a nié que son pays puisse y être impliqué, rappelant qu’il a en a été ainsi après l’assassinat de Hariri. Alors que le journal proche du pouvoir, As-Sawra a écrit qu'il n'est plus permis de rester silencieux face aux voix qui accusent la Syrie sans cesse.
Au Liban, malgré les appels à sa démission, le Premier ministre Najib Mikati a choisi de rester à son poste dans "l'intérêt national" et pour éviter "le vide politique" qui pourrait plonger le pays fragilisé dans le chaos.
Le dirigeant politique libanais, Michel Aoun, (dont le bloc parlementaire chrétien est le plus important) a mis en garde ceux qui voudraient tirer bénéfice de cet assassinat.
"Nous serons vigilants pour qu'il n'y ait pas de dérapage à l'instigation de certains qui voudraient utiliser ce crime qui a coûté la vie à des Libanais en une bataille politique", a-t-il dit à la presse, à l'adresse de l'opposition anti-syrienne. En 2005, ses milliers de partisans faisaient partie des manifestants à la place des martyrs.
" Nous ne permettrons pas que se repète ce qui s'est passé en 2005" a pour sa part declaré le chef du parti des Maradas, Sleimane Franjiyeh, qui était cette année-là ministre de l'intérieur. Il a assuré que Mikati qui est selon lui "plus proche du camp du 14 mars que de celui du 8 mars" est la seule garantie de la stabilité au Liban. Accusant les forces du 14 mars de vouloir prendre le pouvoir via le sang du général de la police.
Quant au député du hezbollah, Hassan Fadlallah, il a indiqué que le gouvernement actuel est "un besoin national", signalant que le parti de la résistance est affecté par la mort d'Al-Hassan. " Au cas de démission du gouvernement, il sera difficile d'en former un second", a-t-il averti.
Dénonçant le crime commis, la France et la Grande Bretagne ont exprimé samedi leur soutien au gouvernement actuel, et mis en garde contre le chaos.
Selon l’AFP, la colère restait vive dimanche dans les régions à majorité sunnite. Samedi, des centaines d’hommes armés ont défilé à Tripoli (nord).
Vendredi soir, des miliciens ont tué un cheikh membre du parti Tawhid qui prônait l’unité entre les Musulmans et les Libanais dans cette ville, cheikh Abdel Razzak AlAsmar. Il a été inhumé ce dimanche.