La Turquie insiste pour que la responsabilité militaire totale de l’opération passe le plus rapidement possible sous pavillon de l’Otan, ce que la France voit d’un mauvais oeil de crainte de s’aliéner l’opinion arabe.
Les pays de l'Otan ont conclu un compromis laborieux tard jeudi soir qui va les voir prendre le relais de la coalition pour imposer une zone d'exclusion aérienne, mais pas encore les frappes au sol.
Le rôle exact de l'Alliance atlantique dans l'intervention militaire est l'objet d'âpres négociations depuis plusieurs jours, notamment avec la Turquie, opposée aux bombardements.
Une solution provisoire a été trouvée jeudi soir au siège bruxellois de l'Alliance atlantique entre représentants des 28 pays membres: la poire sera coupée en deux.
"Nous avons décidé de mettre en oeuvre la zone d'interdiction de survol au-dessus de la Libye", a déclaré le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen.
"L'Otan est parvenue à un accord politique pour inclure dans sa mission et son commandement tous les autres aspects" de la résolution 1973 de l'ONU, a
cependant assuré une source très haut placée dans l'administration américaine, sous couvert de l'anonymat.
"Nous allons devoir approuver le plan opérationnel final, ce qui va se passer pendant le week-end, et puis nous l'exécuterons", a-t-elle ajoutée.
Côté français, on continue à minimiser l'importance de l'Alliance atlantique.
"Chacun doit comprendre que la coordination doit rester éminemment politique, même si elle reposera sur la machinerie de l'Otan", car des pays arabes non membres de l'alliance participent à l'intervention en Libye, a indiqué jeudi soir le président français Nicolas Sarkozy lors du sommet européen à Bruxelles.
Rappelons que l'offensive a été lancée à l'initiative de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, rejoints par une coalition de pays volontaires, y compris arabes.
La Turquie insistepour que la responsabilité militaire totale de l'opération passe le plus rapidement possible sous pavillon de l'Otan, ce que la France voit d'un mauvais oeil de crainte de s'aliéner l'opinion arabe.
Paris table sur des semaines
Par ailleurs, le chef d'état-major français l'amiral Edouard Guillaud a estimé vendredi que l'opération de la coalition internationale dans le ciel libyen allait se prolonger pendant des "semaines".
"Je doute que ce soit en jours, je pense que ce sera en semaines, j'espère que ce ne sera pas en mois", a déclaré l'amiral Guillaud à la radio France Info.
Selon l'amiral Guillaud, "il n'y aura pas d'enlisement militaire au sens strict du terme car évidemment la solution est politique, comme partout". "Bien
évidemment, il s'agit maintenant de trouver des solutions politiques, mais là ce n'est plus mon domaine", a-t-il dit.
La coalition accentue les raids
Sur le terrain, la coalition internationale a accentué jeudi la pression sur le colonel Mouammar Kadhafi, avec de nouvelles frappes aériennes.
Selon un bilan provisoire communiqué par un porte-parole du régime libyen, les raids de la coalition ont fait "environ 100 morts" parmi les civils depuis le début de l'offensive le 19 mars.
De son côté, le chef militaire de la coalition, le général Carter Ham, a dit ne pas "être sûr qu'il n'y ait eu aucune victime civile". "Mais nous sommes très, très précis et sélectifs dans nos objectifs", a-t-il prétendu.
Jeudi, un avion des forces libyennes a été détruit au sol par un avion de chasse français à Misrata (200 km à l'est de Tripoli), a indiqué l'état-major des armées à Paris.
La coalition a par ailleurs visé la région de Tajoura, à une trentaine de km à l'est de Tripoli, selon des habitants. La télévision d'Etat a rapporté que "des sites militaires et civils" de cette région avaient été la cible de raids.
Les combats entre pro et anti-Kadhafi se poursuivaient par ailleurs dans plusieurs villes, notamment à Misrata, troisième ville du pays.
Les forces loyalistes y ont tué 109 personnes et en ont blessé plus de 1.300 depuis le début de leur offensive vendredi dernier, a indiqué à l'AFP un médecin.
Près d'Ajdabiya, à 160 km au sud de Benghazi, le fief des rebelles dans l'Est, un grand nombre d'insurgés avançaient rapidement pour reprendre le contrôle de cette ville clé, selon un journaliste de l'AFP.
Selon un porte-parole des insurgés à Benghazi, Ahmed Omar Bani, certains des pro-Kadhafi à Ajdabiya sont "prêts à se rendre".