Premiers suspects: le cercle étroit du défunt.
Alors que les Libanais se posent la question de savoir qui sont les auteurs de l’assassinat de l’ancien directeur des services de renseignements libanais le général Wissam Al-Hassan, des zones d'ombres et des interrogations subsistent quant à la manière dont il a été tué.
Pour le chef des Forces de sécurité intérieure (FSI) et compagnon de route du défunt, le général Achraf Rifi, « nous faisons face à des criminels professionnels ».
Personne ne savait qu'il se trouvait au Liban
Et pour cause : le général Al-Hassan était en voyage et très peu dans son plus proche entourage savait la date de son retour. Pas même Rifi, quoiqu’il fût (selon lui) en sa compagnie à Berlin où ils ont rencontré Jörg Ziercke, le président de l’office fédérale de la police criminelle.
Rifi prend soin de signaler qu'en général, personne ne pouvait savoir ni deviner ses déplacements.
Le jour de l’assassinat, le vendredi 19 octobre, le numéro un des FSI qui était arrivée au matin pensait qu’Al-Hassan n’était pas encore rentré. Le journal AsSafir dévoile dans son numéro de mardi qu’il n’a pris connaissance de sa présence au Liban que lorsque le chef du parti du Futur, Saad Hariri lui a téléphoné de Paris une heure après l’assassinat (vers 16 heures) pour s’enquérir sur le chef des renseignements, lui signalant qu'il l’avait contacté dans la matinée.
De plus, toujours selon le journal, le défunt avait pris le soin de laisser croire, via des fuites médiatiques qu’il comptait s'absenter encore une semaine à l’étranger. Question d’avoir une marge de temps libre. Et qu’il était entré la veille de son assassinat, jeudi vers 19 heures, à bord d’un avion en provenance de Paris où il se serait rendu après Berlin, pour visiter sa famille.
Des mesures sur mesure
Signe supplémentaire que c'est un crime de professionnels, concernant la manière de son assassinat, plusieurs voitures piégées ont dut être préparées et placées sur les routes que le général ne pouvaient éviter. Une deuxième voiture piégée a d’ailleurs été démantelée à proximité de l’hôtel Alexandre, également à Achrafiyeh. Alors que la première a explosé à un mètre de la voiture d'Al-Hassan.
Même la quantité des explosifs utilisés dans son assassinat, ( entre 60 à 70 Kg de TNT selon Rifi) fait preuve de professionalisme: juste ce qu'il faut dans ce quartier populaire pour pulvériser Al-Hassan et son compagnon (il n’y a eu qu’une troisième victime). Sa présence n’a pu être reconnue que grâce à son revolver (il a été retrouvé sur le toit d’un bâtiment avoisinant), à une partie de son fusil, et à son portable. « Finalement, c’est sa montre qui a tranché l’affaire », assure Rifi.
Et puis , il semble que le véhicule (une Toyota RAV4, volée depuis un an selon Rifi) ait été placé dans le quartier un jour avant la venue d’Al-Hassan.
Les ravisseurs étaient surs et certains qu’il allait s’y rendre. Ou alors, l’avaient-ils poussé à le faire?
Passer inaperçu
En revanche, et très curieusement, les mesures de protection du responsable sécuritaire présentent de lacunes aussi impardonnables que suspectes pour quelqu’un qui se savait menacé: il a gardé son appartement d’Achrafiyeh, quoiqu’on l’ait averti depuis un certain temps que celui-ci n’est plus couvert. Pis encore : le jour de sa mort, il était à bord d’une voiture ordinaire non blindée, une Honda Accord louée (selon le ministre de l’intérieur Marwane Cherbel) , et non dans son convoi habituel. Signe qu’il était persuadé être à l’abri tout en voulant passer inaperçu.
Inconcevable pour un responsable sécuritaire de sa stature.
Bureau ou appartement secret?
De plus, plusieurs versions circulent sur ce qu'il a fait lors de son retour.
Le site libanais en ligne Lebanon Debate écrit qu'il s’est rendu directement à bord d’une voiture louée, de l’aéroport à son appartement à Achrafiyeh , alors que son convoi s’est dirigé au siège de la DGFSI, par souci de camouflage, et qu’il avait contacté le ministre de l'intérieur dès son arrivée.
Une information sécuritaire relayée via les medias, dont le Beirut Observer, puis confirmée par Rifi rend compte qu’il avait participé avant son assassinat à une réunion avec des responsables sécuritaires et partisans, dans un de ses bureaux secrets. D’après le chef des FSI, les officiers sécuritaires disposent tous de bureaux secrets, généralement proches du siège du commandement, pour faciliter les va et viens, que peu de gens visitent ces bureaux. « Nous ne visitons ces bureaux qu’une fois toutes les trois semaines. Le martyr Al-Hassan avait un rendez-vous dans ce bureau et il semble qu’il ait été surveillé avant que le bureau ne soit changé », soupçonne-t-il.
Cette supposition concorde avec celle d’un responsable sécuritaire ayant requis l’anonymat, s’exprimant pour le journal AsSafir, et selon lequel Al-Hassan était vraisemblablement sous surveillance depuis Berlin et Paris.
Or, elle va surtout à l’encontre des accusations arbitraires lancées par l’ancien Premier ministre Fouad Siniora lequel a préféré soupçonner des parties œuvrant à l’aéroport de Beyrouth.
Une extrapolation qui se veut certes d'accuser le Hezbollah, mais qui ne saurait cacher l'objectif tacite de vouloir écarter tout soupçon à l'encontre du cercle étroit du défunt.