An 2000, le gouvernement avait mis fin à un mouvement de grève de la faim similaire en tuant 28 détenus kurdes.
La grève de la faim collective observée par des centaines de détenus politiques kurdes à travers les prisons de Turquie met le gouvernement islamo-conservateur dans l'embarras alors que la situation des protestataires devient de plus en plus précaire.
Le mouvement qui en était samedi à son 47e jour est suivi par environ 700 prisonniers de plus de 50 prisons pour la plupart membres du principal parti pro-kurde de Turquie, celui pour la paix et la démocratie (BDP), et des prévenus accusés de liens avec la rébellion kurde.
"La situation des grévistes se détériore de jour en jour", a indiqué à l'AFP un responsable de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) qui a aussi fait état de certains mauvais traitements contre les protestataires.
Le mouvement a été lancé le 12 septembre, date anniversaire du putsch militaire de 1980, par quelques dizaines de détenus accusés de collusion avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit), en lutte armée depuis 1984 contre les forces d'Ankara.
Depuis, il s'est propagé rapidement à des dizaines d'établissements pénitenciers, attirant l'attention des médias et des responsables politiques.
Les protestataires ne se nourrissent que d'eau salée et sucrée et de vitamines.
Le gouvernement sous pression
Sous pression pour faire cesser le mouvement, le ministre de la Justice Sadullah Ergin a effectué mercredi, à la veille de la fête musulmane du sacrifice, une visite inattendue à des grévistes d'une prison d'Ankara, un geste en signe de main tendue.
"Pour le bien de votre corps, de votre santé, de vos familles qui pensent à vous: renoncez à cette action", a déclaré le ministre sur un ton émouvant devant les caméras.
Les militants kurdes réclament le droit à l'éducation en langue kurde ainsi que le droit d'utiliser leur langue maternelle dans les tribunaux, ce qui leur est refusé actuellement.
Le ministre a affirmé que le gouvernement envisageait une réforme dans ce domaine mais sur l'autre revendication, celle de faire lever les restrictions sur l'usage du kurde dans les lieux publics, il n'a rien promis, car une telle initiative paraît très difficile, même si d'importants progrès ont été faits en faveur des droits culturels des Kurdes ces dix dernières années dans une Turquie qui aspire à intégrer l'Union européenne.
Une autre revendication concerne le chef du PKK, Abdullah Öcalan, emprisonné sur l'île d'Imrali (nord-ouest) depuis 1999.
Ce dernier, considéré par beaucoup de kurdes de Turquie comme le leader historique de la cause kurde, est emprisonné à vie et les grévistes de la faim réclament la fin de son confinement.
"Nous demandons de pouvoir nous rendre à Imrali", a réclamé vendredi le co-président du BDP, Salahattin Demirtas, pour qui une intervention d'Öcalan pourrait faire cesser le mouvement.
Interrogé par l'AFP, le ministère turc de la Justice n'a pas souhaité commenter la demande d'une telle visite, qui serait une première, et une source proche du gouvernement a affirmé que "les autorités gouvernementales mettent tout en œuvre pour faire cesser le mouvement", assurant qu'aucun des grévistes n'est actuellement en danger de mort.
"Il faut que le gouvernement mette fin à l'isolement d'Öcalan et lance tout de suite, sans perdre de temps, les démarches nécessaires pour faire cesser cette tragédie", écrit Oral Calislar dans les colonnes du journal libéral Radikal.
Ces grèves interviennent dans un contexte d'intensification des violences entre rebelles et armée. Aucune solution politique de la question kurde ne se profile à l'horizon.
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui a durci sa position sur ce dossier après des attaques meurtrières du PKK en 2011 a néanmoins affirmé que son gouvernement était prêt à reprendre les négociations entamées en 2010 à Oslo avec le PKK.
Le conflit kurde a fait plus de 45.000 morts depuis que le PKK a pris les armes en 1984.
En 2000, l'Etat turc avait brutalement mis fin à un mouvement de grève de la faim suivi par des centaines de détenus d'extrême-gauche, en protestation à l'introduction du régime controversé de l'isolement (prisons de type F).
Le bilan officiel de l'offensive était de 28 détenus tués.