Gouvernement et moines sont d’accord pour rejeter l’appartenance de 800.000 Rohingyas à la Birmanie
Des milliers de musulmans birmans fuyant une nouvelle vague de massacres meurtriers perpétrés par les bouddhistes dans l'ouest birman affluaient vers les camps déjà surpeuplés de la capitale de l'Etat Rakhine, Sittwe, a indiqué samedi l'ONU à l'AFP.
Après plusieurs semaines d'accalmie dans un Etat placé sous l'état d'urgence depuis de premiers affrontements en juin, les tueries ont repris cette semaine par les bouddhistes de l'ethnie rakhine contre les Rohingyas, une minorité musulmane considérée par l'ONU comme faisant partie des plus persécutées de la planète.
Selon les médias d'Etat, depuis dimanche dernier, 67 personnes ont été tuées dans plusieurs communes et une centaine blessées. Près de 3.000 maisons ont également été incendiées.
Selon l’Organisation nationale des Rohingya de l’Arakan (ONRA), des gangs extrémistes organisés rakhins dirigés par des moines ont brûlé plus de 1000 maisons, depuis le 21 octobre dernier , et tué et blessé des centaines de musulmans dans les cantons de Myinbya, Mrauk-U, Pauktaw et Kyaukpyu. L’organisation assure également que ces actes de génocide ont été menées avec l'appui des forces de police, de l'armée dans l'intention de d’éradiquer l'ensemble de la population musulmane de l'Arakan.
Selon l’AFP, quelque 75.000 personnes avaient été déplacées par les violences de juin, en grande majorité des Rohingyas, qui vivent toujours dans des conditions misérables, juste à l'extérieur de Sittwe dans des camps où ils manquent de nourriture et de soins.
Et la nouvelle vague d'affrontements a poussé des milliers d'autres à fuir. "Pour l'instant, nous sommes au courant de 3.200 nouveaux déplacés qui sont arrivés dans et autour des camps de déplacés existants à Sittwe", a indiqué Vivian Tan, porte-parole du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
"2.500 autres seraient en chemin", a-t-elle ajouté.
Vendredi, le porte-parole du gouvernement rakhine Win Myaing avait évoqué le sort de 3.000 Rohingyas arrivés en bateau à Sittwe, mais qui n'avaient pas été autorisés à se rendre dans les camps et avaient été repoussés vers une île toute proche.
"Les déplacés sont toujours sur l'île, nous ne prévoyons pas de les faire venir à Sittwe", a-t-il indiqué samedi.
Il a d'autre part assuré que les forces de sécurité avaient "pris le contrôle" des zones potentiellement explosives dans la région et que la situation était désormais "calme".
Ces zones sont demeurées hors d'accès des journalistes de l'AFP.
Des blessés rakhines, interrogés à l'hôpital de Sittwe, ont affirmé selon l’AFP que l'armée avait ouvert le feu sur eux lors des incidents. Cette information n'a pu être dans l'immédiat vérifiée de source indépendante.
"Je suis allé voir quand j'ai entendu qu'il y avait un clash entre les Kalars et les Rakhines", a indiqué Zaw Chit Than, employant un vocable extrêmement péjoratif pour désigner les Rohingyas. "Mais on n'a pas pu y aller car les soldats nous en ont empêchés".
"La meilleure façon de régler ce problème est que le gouvernement ne les garde pas en Etat Rakhine", a-t-il ajouté, au diapason de l'opinion publique locale. "Nous voulons les envoyer n'importe où, mais pas en terre Rakhine".
Au total, plus de 150 personnes ont été tuées dans les violences communautaires depuis juin, selon un bilan officiel qui est probablement sous-évalué.
"Human Rights Watch craint que le bilan des morts ne soit beaucoup plus élevé" en se fondant notamment "sur les déclarations de témoins fuyant les scènes de carnage", a indiqué l'organisation dans un communiqué sur les dernières violences.
Amnesty International a pour sa part demandé que les "autorités interviennent pour protéger tout le monde et briser le cycle de discrimination et de violences".
Chris Lewa, de l'organisation The Arakan project qui défend les Rohingyas, a décrit samedi une région qui a plongé dans le non-droit.
"La violence se propage dans le sud et l'est (de l'Etat) avec l'objectif clair d'expulser tous les musulmans, pas seulement les Rohingyas", a-t-elle estimé en estimant que "l'actuelle vague de violences confessionnelles est bien plus meurtrière qu'en juin".