Mais les parents sont plus traumatisés que les enfants
Abdel Razeq Ayoubi, 11 ans, joue au basket et au tennis de table dans l'école publique de Roukneddine à Damas, pour évacuer la peur qu'il a connue à Mleha, dans la banlieue de la capitale, devenue un champ de bataille entre l'armée et les rebelles.
"Souvent le bus ne venait pas nous chercher, l'école était fermée par intermittence ou les classes s'interrompaient à cause des fusillades, alors, il y a deux mois, mes parents ont décidé de déménager ici et depuis cela va beaucoup mieux", confie ce garçon qui s'exprime avec timidité.
Bassem al-Hage, 30 ans, le principal de l'école "Sette Chams" --du nom de la sœur du héros historique Saladin-- a instauré sur "la base du volontariat" des séances quotidiennes de deux heures pour déstresser ses élèves.
"Notre école en accueille en 750, dont 200 venant de quartiers ou de banlieues connaissant des troubles. Ils ont connu à leur âge des épreuves difficiles. C'est pour cela que je propose aux enfants de faire du sport, de la musique et du jardinage", explique-t-il.
Selon le ministère, à Damas, il y a 994 établissements scolaires accueillant 500.000 élèves. Mais 14 sont occupés par des réfugiés.
Le piano pour oublier le bruit du canon
Maamoun al-Ali, le professeur de gymnastique, entraîne deux fois par semaine les élèves au football, au basket-ball, au badmington et au ping-pong.
Mais tous arrêtent de jouer dès qu'ils entendent le vrombissement d'un chasseur-bombardier. Ils plient leurs doigts autour des yeux pour en faire des jumelles. Puis le jeu reprend.
"Vous n'imaginez pas ce que le sport peut leur faire du bien. Ils n'avaient jamais connu la guerre et d'un seul coup, ils entendent des fusillades, des bombardements et le passage d'avions. Certains, très nerveux au début, sont aujourd'hui bien plus calmes", dit le professeur, satisfait.
La Syrie est en proie depuis mars 2011 à une révolte populaire devenue conflit armé qui a fait plus de 37.000 morts et des combats ont lieu dans tout le pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans la classe où sont accrochés les portraits du président défunt Hafez al-Assad et de son fils Bachar qui lui a succédé en 2000, le professeur d'anglais apprend à ses 60 élèves la forme négative du verbe avoir.
Parmi eux, Lilas Madalli, 11 ans, dont les parents ont choisi de s'installer dans ce quartier de la classe moyenne après avoir fui Harasta, une banlieue de Damas qui a changé plusieurs fois de mains à l'issue de violents combats.
"Je suis les cours de piano pour oublier le son effrayant de l'artillerie qui m'a fait tellement peur. C'est tellement plus agréable ici", explique-t-elle.
Outre le piano, l'école dispense des leçons élémentaires de luth et de violon. D'autres ont choisi le jardinage.
Des élèves qui ont fui l'enfer
Selon Mme Nazek Issa, chargée de la communication au ministère de l'information, "des directives ont été données pour que les écoles reçoivent les élèves ayant fui parfois l'enfer". Il est difficile de savoir si cette consigne a été appliquée sur tout le territoire.
Sur un total d'environ 22.000 écoles, plus de 2.000 ont été endommagées ou détruites en Syrie et plus de 800 servent d'abris pour les familles déplacées, selon l'Unicef, le Fonds des Nations unies pour l'enfance.
En fait l'année scolaire qui a officiellement débuté le 16 septembre en Syrie, a été très perturbée, même si les médias officiels syriens ont annoncé qu'elle concernait plus de 5 millions d'élèves.
Dans les villes rebelles, encerclées et bombardées depuis plusieurs mois, des petites classes ont été organisées "pour éviter aux enfants d'avoir à marcher trop loin", assure Hussein, un militant à Qousseir, dans le centre du pays.
Azza Nasser, la psychologue scolaire de Sette Chams note quelques cas de violences entre élèves. "Certains, originaires de Homs, sont l'objet de moquerie à cause de leur accent de la part d'enfants de Damas alors ils en viennent aux mains. Il faut les réunir pour faire baisser la tension".
Mais en fait, selon elle, les plus traumatisés sont les parents. "Certains m'appellent tous les jours pour savoir si le quartier est calme", dit-elle.
"Ils me font même promettre de les avertir si un incident survenait. Ils sont plus angoissés que leurs enfants".