En Irak, au Pakistan et en Afghanistan
Deux millions de pèlerins, dont 200.000 étrangers venus de 36 pays, se trouvent actuellement dans la ville sainte chiite pour l'Achoura, a précisé à l'AFP le gouverneur de la province de Kerbala, Amal al-Din al-Har.
L'apogée des célébrations, qui s'étalent sur une dizaine de jours, tombera cette année dimanche.
Alors que ces commémorations ont été marquées par le passé par des attentats meurtriers, quelque 30.000 hommes des forces de sécurité ont été déployés aux entrées nord, sud et est de Kerbala, a indiqué le lieutenant-général Othman al-Ghanimi.
L'Achoura commémore le martyre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mohammad (s) et troisième imam du chiisme. Il a été tué sur ordre du deuxième calife omeyyade Yazid fils de Mouawiya en l’an 61 de l’hégire pour avoir refusé de lui prêter allégeance.
Pakistan: 3ème attaque sanguinaire contre une procession
Le Pakistan, pour sa part, en est dors et déjà à sa troisième attaque meurtrière contre les fidèles chiites depuis le début des commémorations cette année.
Malgré des mesures de sécurité renforcées, l'explosion d'une bombe posée en bordure de route par les talibans a fait ce samedi au moins sept morts et des dizaines de blessés au passage d'une procession dans le nord-ouest du Pakistan,
L'attentat est survenu tôt à Dera Ismaïl Khan, district reculé de la province de Khyber Pakhtunkhwa, situé près du Waziristan du Sud, une zone tribale adossée à l'Afghanistan et considérée comme un fief des talibans et de groupes liés à Al-Qaïda.
"Il y a eu sept morts, dont quatre enfants, et une trentaine de blessés", a déclaré à l'AFP Aziz Baluch, médecin à l'hôpital général du district. Quatre des blessés étaient dans un état critique.
Une bombe de dix kilogrammes placée dans une poubelle a explosé au passage de la procession, ont indiqué des responsables. "L'explosion a été puissante et entendue à des kilomètres à la ronde", a déclaré à l'AFP Siddiq Khan, un policier.
Talibans: 20 à 25 suicidaires prêts
Le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP - Mouvement des talibans du Pakistan), qui vise régulièrement les forces de l'ordre pakistanaises et la minorité chiite, représentant moins de 20% de la population de ce pays musulman de 180 millions d'habitants, a revendiqué cet attentat.
"Nous avons lancé l'attaque contre la communauté chiite", a déclaré à l'AFP au téléphone Ehsanullah Ehsan, porte-parole du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP - Mouvement des talibans du Pakistan).
"Nous avons 20 à 25 kamikazes dans le pays prêts à faire sauter des bombes et commettre des opérations suicide. Le gouvernement peut bien faire ce qu'il veut, mais il ne peut pas stopper nos attaques".
3 attaques en moins de 10 jours
Le TTP avait déjà revendiqué de nombreux attentats cette semaine au Pakistan dont deux contre la minorité chiite, qui avaient fait un total de 25 morts à Karachi (sud) et , ville jumelle de la capitale Islamabad.
L'attentat suicide à Rawalpindi est survenu alors que le Pakistan accueillait le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, dans le cadre d'un sommet réunissant des dirigeants de huit pays musulmans émergents. Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière contre la minorité chiite depuis février au Pakistan.
Suspendre les téléphones portables
Dans l'espoir d'empêcher de nouveaux attentats ce week-end, les autorités pakistanaises ont suspendu les services de téléphonie mobile dans des grandes villes du pays. Les téléphones portables permettent notamment de déclencher des bombes à distance.
Le ministère de l'Intérieur a aussi renforcé la surveillance policière en marge de processions ce week-end.
En décembre 2009, un attentat suicide avait fait 43 morts à Karachi lors de l'Achoura qui est célébrée ce week-end au Pakistan.
La police pakistanaise avait d'ailleurs intercepté vendredi soir, à un point de contrôle, un kamikaze circulant en rickshaw en direction d'une procession chiite à Lakki Marwat, ville du nord-ouest située entre la capitale provinciale Peshawar et Dera Ismaïl Khan.
"Le kamikaze a sauté de son véhicule, puis il a pris la fuite. Les policiers ont ouvert le feu et le kamikaze s'est fait exploser", a dit à l'AFP le chef de la police locale Idrees Khan, précisant que personne n'avait perdu la vie dans cet attentat hormis l'assaillant.
Depuis le début de l'année, plus de 300 chiites ont été tués dans des attentats au Pakistan.
Afghanistan : le retour de la "fille en vert"
En Afghanistan, la "fille en vert" afghane, dont la photo avait fait le tour du monde l'an passé, est retournée sur les lieux du massacre de l'Achoura, perpétré l'an dernier, malgré le traumatisme, défiant les kamikazes qui traumatisent son pays.
"Je n'ai pas peur", affirme Tarana Akbari à l'AFP quelques heures avant la manifestation, dans sa maison spartiate de la vieille ville de Kaboul.
"Je sais qu'il y aura du danger mais j'y retournerai. Après le mausolée, j'irai au cimetière afin de prier pour mon frère mort (durant l'attentat) et les autres membres de ma famille."
L'an passé, un kamikaze s'est fait exploser durant l'Ashura à Kaboul. Plus de 80 personnes, dont 17 proches de Tarana, 13 ans, ont péri durant la cérémonie, qui commémore le meurtre de l'imam Hussein, le petit-fils du prophète Mahomet, par des armées du calife Yazid en 680.
L'an passé, son cri capté par un photographe de l'AFP, Massoud Hossaini, a été récompensé par le prix Pulitzer.
Cette année, Tarana est l'unique enfant de sa famille à assister à l'Ashura. Malgré ses propos courageux, elle se tord les mains, anxieuse. "Je reviens à cet endroit dans mes rêves. Je vois mon frère et l'homme (le kamikaze). Cette scène se répète toujours dans mes rêves", raconte Tarana.
Une fois parmi les croyants, son père et elle trouvent place sous un petit abri.
Une chaise lui est tendue. Elle s'assoit docilement. Mais la tension ne cesse de croître et ses yeux marrons deviennent extrêmement tristes au fil des minutes.
Une demi-heure plus tard, tous deux, ayant montré leur détermination face aux kamikazes, s'en vont en direction du cimetière, pour saluer les morts tombés l'an passé.
Mesures aussi en Afghanistan
Les autorités ont pris de lourdes mesures pour rassurer les fidèles. Des rues alentour sont bloquées. Un cordon sécuritaire imposant filtre les participants. Tous sont fouillés afin de détecter un éventuel assaillant. Mais la peur reste palpable dans une foule aux aguets.
Selon l’AFP, les chiites, surtout issus de l'ethnie hazâra en Afghanistan, ont souffert de brutales persécutions quand les talibans - pachtounes pour la plupart -, sunnites, étaient au pouvoir de 1996 à la fin 2001. Ces violences se sont toutefois raréfiées dernièrement.
Quelque 20% de la population afghane est chiite. L'Ashoura était formellement interdite du temps des talibans.