Les Palestiniens refusent de l’alimenter en miliciens.
L’idée de créer une force armée sunnite pour être le pendant (et le futur rival) du Hezbollah, qui ne serait plus considéré comme une force de résistance mais comme une milice chiite n’est pas nouvelle. Plusieurs courants et formations ont déjà tenté de la concrétiser sans y parvenir vraiment.
Le Hezbollah rappelle à cet égard que le Courant du futur s’est lui-même lancé dans l’aventure avant le 7 mai 2008 et qu’il a par la suite abandonné le projet. La Jamaa islamiya a même caressé l’idée avec le début des révoltes dans le monde arabe et la montée en puissance des Frères musulmans dans la région. Mais elle a dû à son tour y renoncer faute de pouvoir recruter suffisamment de combattants prêts à en découdre avec le Hezbollah.
Seul cheikh Ahmad al-Assir a tenu bon, reprenant à son compte le projet et obtenant pour sa réalisation l’appui de parties locales et étrangères, chacune trouvant dans sa démarche des intérêts qui lui sont propres. Le cheikh salafiste comptait essentiellement pour former le gros de ses troupes sur les combattants palestiniens et en particulier sur les membres des formations intégristes, dont il se sent proche idéologiquement. Il avait même avec eux un contact direct via le frère de l’ex-chanteur Fadl Chaker, Abdel Rahmane Chmandour, qui est aussi le chef de Jund el-Cham dans le camp de Aïn el-Héloué. Le cheikh islamiste comptait aussi et surtout sur les Palestiniens du camp syrien de Yarmouk (près de Damas), qui ont constitué «la brigade des petits-fils du Prophète», dont une partie non négligeable est déjà à Saïda et au camp de Aïn el-Héloué. Le terrain était bien préparé.
Quelle n’a donc été sa surprise lorsqu’il a reçu après les incidents de Taamir la visite de deux cheikhs palestiniens évoluant dans la mouvance salafiste, cheikh Jamal Khattab et Abou Chérif Akl, qui l’ont prié de mettre un bémol à ses activités et surtout de ne pas compter sur les combattants palestiniens pour former le gros de ses troupes. Ce que les deux cheikhs n’ont pas dit, c’est qu’ils avaient été longuement «briefés» par des responsables religieux de Saïda, proches du Hezbollah et du camp du 8 Mars en général. Les Palestiniens de Saïda et de sa région n’ont donc pas voulu participer au projet de cheikh Ahmad al-Assir, qui a donc été ainsi contraint de le reporter. En attendant, le cheikh salafiste est apparu, aux yeux de nombreux habitants de la capitale du Sud, comme «le chef d’une milice de quartier».
Scarlett Haddad, journaliste libanaise proche de la majorité
L’Orient-Le Jour