Les témoignages des manifestants traduisent une société profondément divisée.
Des milliers de partisans du président égyptien Mohamed Morsi ont délogé mercredi ses opposants des abords du palais présidentiel, le pouvoir annonçant au même moment le maintien dans dix jours d'un référendum constitutionnel controversé.
Les abords du palais au Caire ont été, pour la deuxième journée consécutive, l'épicentre des tensions provoquées par la plus grave crise politique que connaisse l'Egypte depuis l'élection en juin de M. Morsi.
A l'appel des Frères musulmans, la puissante confrérie dont est issu le président, des milliers de personnes ont afflué vers la présidence, démantelant les tentes dans lesquelles de petits groupes d'anti-Morsi avaient passé la nuit après une manifestation massive de l'opposition mardi au même endroit.
Des affrontements mineurs, avec des jets de pierres, ont eu lieu avant que les opposants ne refluent, ont constaté des journalistes de l'AFP.
En fin d'après-midi les islamistes semblaient contrôler les abords immédiats de la présidence où M. Morsi est revenu travailler le matin selon l'un de ses conseillers.
Les boutiques du quartier ont tiré leur rideau, et les pro-Morsi ont commencé de faire disparaître les graffitis hostiles au président peints sur le mur d'enceinte du palais. "Le peuple veut nettoyer la place", scandaient certains partisans du président.
Les témoignages des manifestants traduisaient une société profondément divisée, près de deux ans après la révolte qui a conduit à la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011.
"Je suis ici pour défendre la démocratie, le président a été désigné par les urnes. Les autres ont fui parce qu'ils ne peuvent résister à notre force", a affirmé Waël Ali, un quadragénaire militant pro-Morsi.
Mais pour Nahed al-Masry, 32 ans, une opposante, "les Frères musulmans défient la nation. Ils veulent montrer que leur président a beaucoup de partisans, mais ils ne sont que des menteurs".
Plus tôt dans la journée, les deux camps avaient lancé des appels à manifester au même moment devant la présidence, dans le quartier cossu d'Héliopolis, au risque de voir la situation dégénérer.
Les Frères musulmans avaient dit vouloir "défendre la légitimité" du président après la manifestation de dizaines de milliers d'opposants la veille devant le palais présidentiel, la plus importante mobilisation anti-Morsi.
L'opposition, principalement laïque et de gauche, veut continuer à protester contre le renforcement des pouvoirs de M. Morsi, et sa volonté de soumettre à référendum un projet de Constitution accusé d'avoir été rédigé par et pour les islamistes.
Référendum "à la date prévue"
"Si les Frères musulmans ne nous attaquent pas, tout se passera bien", avait dit un responsable de l'opposition avant que les pro-Morsi ne délogent les opposants.
Après un appel des Etats-Unis au calme, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton a estimé que "les troubles" en Egypte "démontrent la nécessité urgente d'un dialogue" entre les parties rivales.
Malgré la poursuite des manifestations de protestation, le pouvoir a refusé de céder sur la tenue le 15 décembre d'un référendum sur un projet de nouvelle Constitution bouclé en toute hâte, et dont les libéraux, partis de gauche et églises chrétiennes ont boycotté la rédaction.
Ce projet est accusé par l'opposition de ne pas protéger certains droits fondamentaux, dont la liberté d'expression, et d'ouvrir la porte à une application plus stricte de la loi islamique.
Le vice-président Mahmoud Mekki a déclaré que le référendum aurait lieu "à la date prévue" et appelé l'opposition à mettre par écrit ses critiques contre certains articles du projet pour qu'elles soient examinées, mais une fois le texte voté, par un Parlement qui reste à élire.
La crise en Egypte a éclaté avec l'annonce le 22 novembre d'un décret du président sur le renforcement de ses pouvoirs désormais placés au-dessus de tout recours judiciaire, ce qui a provoqué la fronde d'une grande partie de la magistrature et a divisé le pays.
M. Morsi a affirmé que ces mesures étaient destinées à accélérer une transition tumultueuse, et insisté sur le fait que ses pouvoirs exceptionnels, censés se terminer avec l'adoption de la Constitution, n'étaient que "temporaires".