Et les Russes s’attendent à deux mois particulièrement violents.
L’ingérence des Occidentaux connait un nouveau regain en Syrie.
En public, il y a eu simultanément les menaces proférées contre Damas, au cas où il utilise l’armement chimique, et la décision de déployer des Patriot à la frontière turque avec la Syrie. Allemands et Hollandais vont mêmes envoyer leurs hommes avec.
Clandestinement, les Occidentaux ont dépêché davantage de leurs agents de renseignements, surtout au nord de la Syrie, dans le but de dessiner sur place la carte des groupes armés en œuvre. Sur place, trois services de renseignements européens au moins se sont attelés à cette mission, assure le correspondant du journal en France, Mohammad Ballout.
À leur tête les Français. Selon Ballout, depuis l’éclatement de la crise syrienne, la France a étendu sa présence dans la capitale libanaise, (oui libanaise), avec pour prétexte sa volonté de consolider la sécurité de ses troupes exerçant dans la cadre de la Finul. Alors que cette dernière opère au sud-Liban, c’est en revanche vers la Syrie que Paris a orienté ses forces spéciales. Ces derniers temps, celles-ci s’attellent à évaluer les orientations des composantes des milices armées œuvrant au nord de la Syrie, leur promiscuité d’Al-Qaida, et l’influence qu’elles exercent.
En finir avec les djihadistes
Pour Paris, l’enjeu serait selon AsSafir d’ôter le motif qui entrave la levée de l’embargo imposé par l’Union européenne et les Etats-Unis pour armer l’insurrection syrienne.
Jabhat-Nusrat (le front al-Nosrat) est sans aucun doute le plus visé. Il affiche ostensiblement ses tendances pour Al-Qaida, et ses velléités d’instaurer un Etat islamique en Syrie. Washington a déjà laissé entendre qu’elle allait l’inscrire sur sa liste des organisations terroristes.
Mais il n’est pas le seul. Nombreux groupuscules œuvrant en Syrie sont dans son sillage. Il sont les plus efficaces sur le terrain, alors que le chaos sévit au sein de l’Armée syrienne libre (ASL), au niveau de la coordination des opérations de combats, en raison du refus d’un grand nombre d’officiers ayant fait défection de participer aux opérations de combats, vu la présence de civils inexpérimentés dans les rangs des groupes armés. Ce qui explique le chiffre énorme de tués dans leurs rangs, surtout dans la province de Damas (Rif de Damas).
De plus, ces groupuscules djihadistes ont refusé de reconnaitre la Coalition nationale des forces de la révolution et de l’opposition syriennes (CNROS) et ont affiché des visées tout à fait différentes des siennes. Comme ils avaient fait avec le Conseil national syrien (CNS).
Sachant que ce dernier a été remplacé par la coalition, parce qu’il avait échoué dans ses tentatives de prendre l’initiative de leurs mains et d’unifier les différents groupes armés, son successeur ne semble pas avoir plus de chance.
Les Saoudiens: des contacs directs
Un dirigeant du CNROS qui siégeait également au CNS incombe cette lacune aux Etats qui financent et arment directement les milices. Ils ne passent pas par les comités, formés au sein de la coalition (et du CNS avant) pour cette mission. Ce responsable ayant requis l’anonymat accuse en particulier les Qataris et les Saoudiens.
Ces derniers ont formé un comité d’officiers qui contactent directement les combattants, leur distribuent argent et armes, rivalisant avec les Qataris qui contrôlent la Coalition comme le Conseil. Ils ont déjà offert 45 millions de dollars à l’insurrection armée, ainsi que des armements, lesquels ne transitent plus par la Turquie, mais par d’autres pays voisins de la Syrie.
Les Qataris: une influence directe
Quant aux Qataris, un autre dirigeant haut placé de l’opposition syrienne se plaint de leur influence au sein de la coalition où ils ont désigné 50 de ses membres, et contrôlent désormais les cadres de l’opposition syrienne à l’extérieur. Il salue toutefois leur dynamisme et leur capacité à combler les revendications de l’opposition syrienne et ses besoins, beaucoup plus que les Saoudiens.
Cet opposant révèle que la coalition souffre d’une importante crise financière, malgré le soutien qui lui est accordé. « Les sommes que les Européens nous donnent suffisent à peine pour couvrir les frais des réunions effectuées par le CNS puis la coalition à Doha, Istanbul et au Caire », s’est-il moqué.
Et la Russie dans tout cela : une fin d’année tumultueuse
Selon Moscou, les deux mois suivants seront marqués par une escalade militaire, sans aucune perspective politique. Le constat serait du chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov, confié à un opposant syrien et rapporté par Assafir.
Les Russes s’attendent à une fin d’année tumultueuse en Syrie, rapporte ce dernier après une visite en Russie et des rencontres avec des responsables russes. De grandes quantités d’armements sont parvenues aux miliciens ces dernières semaines et les effectifs de l’ASL ont gonflé. Plus que jamais, les insurgés misent sur la solution militaire et veulent reprendre l’initiative. La bataille se fera autour de Damas qui risque de subir un siège très dure.
Les Russes considèrent que personne parmi les opposants syriens de l’intérieur ni de l’extérieur, ni parmi les parrains européens et américain ne veut entendre parler de négociations. Celles-ci ne devraient avoir lieu avant le mois de février prochain. Entre temps, ils vont tenter de faire voter au Conseil de sécurité une résolution contraignante sur l’accord de Genève, sans recours au chapitre VII.
L'armée et non le régime
Un opposant syrien rapporte que les Russes sont très attachés à l’armée syrienne et soutiennent ses capacités combatives. Son objectif serait de sauvegarder l’Etat et non de défendre le régime. Pour eux, cette armée est le seul représentant de toutes les tendances et communautés qui forment le peuple syrien. Alors que l’opposition actuelle ne renferme qu’une seule catégorie du peuple syrien. Raison pour laquelle, estiment les Russes, elle a été obligée de désigner des représentants des minorités au CNS puis au CNROS pour combler cette lacune.
Le jeu dangereux de la Turquie et du Qatar
Concernant la Turquie et le Qatar, leur politique est taxée de "dangereuse" par les Russes qui s’attendent à ce qu’ils la paient chère et qualifiant la création d’une zone d’exclusion "d’escalade dangereuse entre la Turquie et la Syrie". « Se trompe celui qui croit être capable de contrôler ses frontières, et d’empêcher les djihadistes de réaliser leurs visées dans la région si le chaos sévit en Syrie, surtout que tous sont impliqués dans le conflit, la Jordanie, la Turquie, le Liban, le Qatar, et l’Arabie saoudite », a confié un responsable russe.
Vu du coté de certains opposant syriens, les Russes seraient soucieux de former à travers leurs rencontres avec des opposants syriens un axe démocratique civil, sinon « la table va être renversé à l’insu de tous et a l’avantage des groupes djihadistes », auraient-ils averti.
Et si Assad résiste
Les opposants syriens qui ont visité Moscou ont entendu des prévisions russes selon lesquelles le président syrien Bachar el-Assad sera capable de rester au pouvoir, jusqu’aux élections prochaines prévues au printemps 2014, s’il parvient à préserver ou à améliorer sa position militaire.
« Nous avons auparavant beaucoup entendu parler du siège du palais présidentiel à Damas. Nous ne défendrons pas Assad, ni ne contribuerons à sa chute. Mais s’il résiste, d’autres régimes risquent de tomber, bien avant lui », aurait signifié Lavrov aux opposants syriens.