Certains opposants appréhendent dans la Constitution d’accorder les pleins pouvoirs au président, lui donnant libre champ à l’inféodation du pays aux organisations internationales.
Des heurts entre manifestants ont fait une quarantaine de blessés vendredi dans la deuxième ville d'Egypte, Alexandrie (nord), à la veille de la seconde phase du référendum sur le projet de Constitution qui provoque de fortes tensions depuis plusieurs semaines.
Islamistes partisans du "oui" et opposants prônant le "non" se sont jeté des pierres, amenant la police anti-émeutes à tirer des gaz lacrymogènes et à s'interposer pour les séparer. Quarante personnes ont été blessées, selon des sources médicales.
Un bus et plusieurs voitures ont en outre été incendiés, ont rapporté des correspondants de l'AFP sur place.
Les violences ont éclaté aux abords d'une grande mosquée d'Alexandrie, où plusieurs milliers d'islamistes étaient réunis ainsi que quelques centaines de partisans du "non".
Des affrontements similaires avaient déjà fait une quinzaine de blessés il y a une semaine à cet endroit.
"Le peuple veut la loi de Dieu", "nous nous sacrifions pour l'islam", scandaient les islamistes.
"L'Egypte était unie, mais (le président) Mohamed Morsi l'a divisée en factions", assurait quant à lui Mohamed Fayez, un sympathisant de l'opposition.
Comme Le Caire, Alexandrie a déjà voté samedi dernier pour ce référendum qui se tient à une semaine d'intervalle dans deux parties du pays. La cité méditerranéenne a voté pour le texte, la capitale se prononçant contre, selon des résultats officieux.
Le "oui" l'a globalement emporté par près de 57% des voix lors de cette première phase, selon ces chiffres officieux, une avance qui fait présager une approbation du projet de Constitution à l'échelle nationale.
"Tout suggère que le vote ira dans le sens que veulent les Frères musulmans", dont est issu le président, estime Hassan Nafaa, un éditorialiste du quotidien indépendant Al-Masry al-Youm.
Mais les Frères "auraient tort d'en conclure que cela leur donne un mandat pour continuer sur la voie qu'ils ont choisie pour l'Egypte", ajoute-t-il, en relevant que le score du "oui" pourrait être plus étriqué qu'espéré par les islamistes.
"Pays au bord de la faillite"
Le scrutin concernera samedi 17 gouvernorats, notamment les villes du canal de Suez (Port-Saïd, Ismaïliya, Suez), la cité touristique de Louxor (sud) ou encore Guizeh, qui englobe la périphérie ouest du Caire.
Quelque 120.000 soldats ont été mobilisés en renfort de 130.000 policiers pour la sécurité.
L'opposition estime que ce scrutin est d'ores et déjà entaché de nombreuses fraudes et irrégularités au profit du "oui". Une partie des magistrats, en conflit avec M. Morsi, refuse d'assurer la supervision du vote comme la loi le requiert.
Mohamed ElBaradei, le chef du Front national du salut (FSN), principale coalition de l'opposition, a estimé que "le pays est au bord de la faillite", dans un message vidéo posté sur internet, et a appelé M. Morsi à ouvrir un "dialogue sincère".
Le chef de l'Etat a quant à lui assuré jeudi que l'Egypte "veut parachever sa transition démocratique" engagée après la chute de Hosni Moubarak en février 2011.
Ses partisans estiment que le projet de Constitution permettra de doter enfin le pays d'institutions stables, la loi fondamentale précédente ayant été suspendue à la démission de M. Moubarak.
Une partie de l'opposition juge en revanche que le texte ouvre la porte à une islamisation accrue et présente de graves lacunes en matière de protection des libertés.
Alors qu'une autre partie de l'opposition, celle entre autre du chef du parti Karama, héritier du nassérisme et membre du Front national du salut Hamdine Sabbahi appréhende surtout une Constitution qui accorde les pleins pouvoirs au président, lui laissant le libre champ d'inféoder le pays aux organisations internationales et aboutissant à une paupérisation accrue de la population.
Ce référendum se tient dans un contexte de grave crise économique. Les incertitudes politiques ont déjà provoqué l'ajournement d'une demande de prêt de 4,8 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI), et conduit M. Morsi à geler des hausses de taxes qui auraient pesé sur le climat social.
Le 5 décembre, de très violents affrontements entre partisans et adversaires de M. Morsi devant le palais présidentiel au Caire avaient fait huit morts .