Riad craint l’érosion de son influence face à l’avancée d’Istanbul
Un diplomate arabe en poste au Liban explique que l’influence grandissante de la Turquie dans le monde arabe s’inscrit dans le cadre du nouvel ordre régional en train de se mettre en place.
Ce pays devient ainsi une sorte de chef de file du changement dans la région qui a commencé à Tunis, au Caire, à Rabat, à Sanaa, à Tripoli et devrait se poursuivre à Damas et peut-être bientôt à Amman. Les deux pays hors de ce mouvement sont le Liban et l’Arabie saoudite (avec les petits États du Golfe). Le Liban parce qu’il est nécessaire de le maintenir à l’abri en raison de la complexité des enjeux et du fait que tout changement dans ce pays impliquerait aussi l’Iran. Et l’Arabie saoudite parce qu’elle pèse elle aussi en faveur du changement en Syrie.
Mais, toujours selon le diplomate arabe, une rivalité commence à apparaître entre la Turquie et l’Arabie saoudite au sujet des courants islamistes en train de s’imposer dans les pays de la région.
Depuis sa fondation, le royaume wahhabite a été considéré comme le leader du monde islamique d’autant qu’il abrite deux des lieux saints musulmans. Mais désormais, ce rôle de leader du monde islamique est disputé par la Turquie qui veut elle aussi prendre la tête du monde musulman.
D’ailleurs, avec le parti d’Erdogan, la Turquie est devenue en quelque sorte le chef de file des Frères musulmans qui sont en train de prendre le pouvoir en Tunisie, en Égypte, en Libye, en Palestine et dans d’autres pays.
Ce phénomène n’est pas pour plaire à l’Arabie saoudite, où l’ancienne animosité entre les Frères musulmans et les wahhabites s’est réveillée.
Le diplomate arabe insiste sur ce point en révélant que cette rivalité se manifeste sur le terrain, en Syrie entre les différentes factions de l’opposition, mais aussi en Jordanie, au Koweït... et au Liban, où la scène sunnite connaît de plus en plus de divergences internes, tiraillée entre les deux courants rivaux.
Il est en effet de plus en plus clair que le courant du Futur en particulier et le 14 Mars en général sont appuyés par l’Arabie saoudite et suivent les conseils du royaume.
Par contre, les groupes salafistes dans leur grande diversité sont parfois directement d’obédience turque et parfois indirectement, via le Qatar, l’Égypte ou un autre pays arabe.
Riyad craint que le Liban ne soit utilisé, ainsi que la Jordanie etle Koweït, pour la déstabiliser et réduire son influence.
Scarlett Haddad
L’Orient-Le Jour