Depuis l’éclatement de l’insurrection , les médias occidentaux prennent du retard sur la couverture des exactions des miliciens: dont les pillages, les enlèvements en échange de rançon, et les assassinats ciblés de civils...
Ce n'est pas le gouvernement, qui a tué le chef rebelle syrien, Abou Djamel.
Ce fut la bagarre, pour son butin. Le motif de son meurtre repose, dans un grand entrepôt d'Alep, que son unité avait saisi, une semaine auparavant. Ce bâtiment était rempli d'acier laminé, saisi par les combattants, comme butin de guerre.
Mais des disputes se sont développées pour savoir qui prendrait la plus grosse part du butin et s'est ensuivie une querelle de chefs, avec menaces et contre-menaces les jours suivants. Abou Djamel a survécu à une tentative d'assassinat après avoir essuyé des tirs contre sa voiture. Quelques jours plus tard, ses ennemis l'ont de nouveau attaqué, et cette fois-ci ils ont réussi. Son corps criblé de balles a été découvert, menotté, dans une ruelle de la ville d'al-Bab. Le Capitaine Hussam, du conseil militaire d'Alep, a déclaré : «S'il était mort en combattant, j'aurais dit que c'était une belle fin, c'était un rebelle et un moudjahid et c'était ce à quoi il s'était préparé. Mais se faire tuer pour une histoire de butin est un désastre pour la révolution. « C'est très triste. Il n'y a pas un établissement ou un entrepôt du gouvernement qui tienne encore debout à Alep. Tout a été pillé. Il ne reste rien».
Les véhicules et les armes du gouvernement qui ont été saisis ont été cruciaux pour les rebelles depuis le début du conflit, mais selon Hassam, ainsi que d'autres chefs et combattants interviewés par le Guardian durant une quinzaine de jours dans le nord de la Syrie, une nouvelle phase a été atteinte dans cette guerre. Le pillage est devenu une façon de vivre. «Les butins» sont devenus la principale motivation pour beaucoup d'unités alors que les chefs des bataillons cherchent à accroître leur pouvoir.
Selon Abou Ismaël, un jeune lieutenant issu d'une famille aisée et qui dirigeait une entreprise prospère avant de rejoindre le combat contre Bachar al-Assad, ce problème est particulièrement prononcé à Alep. Un grand nombre des bataillons qui sont entrés dans cette ville, au cours de l'été dernier, provenaient des campagnes, dit-il. C'étaient de pauvres paysans qui véhiculaient des siècles de rancune envers les riches habitants d'Alep.
Il y avait également un sentiment persistant que cette ville - où les entreprises avaient exploité pendant des décennies la main d'œuvre bon marché des paysans - ne s'était pas soulevée assez vite contre les Assad. «Les rebelles voulaient se venger des habitants d'Alep parce qu'ils avaient le sentiment que nous les avions trahis, mais ils ont oublié que la plupart des habitants d'Alep sont des marchants et des commerçants et qu'ils auraient payé pour se débarrasser de leurs problèmes», a dit Abou Ismaël. «Alors même que le reste de la Syrie était prise dans la révolution, les Alepiens disaient, "pourquoi devrions-nous détruire nos entreprises et gaspiller notre argent" ?»
Lorsque les rebelles sont entrés dans la ville et ont commencé à piller les usines, une source d'argent s'est tarie.
«Pendant le premier mois et demi, les rebelles étaient vraiment un groupe révolutionnaire uni», a dit Abou Ismaël. «Mais, maintenant, c'est différent. Il y a ceux qui ne sont là que pour piller et faire de l'argent et les quelques-autres qui combattent encore». L'unité d'Abou Ismaël s'est-elle livré au pillage ? «Bien sûr. Comment croyez-vous que nous nourrissons les hommes ? Où pensez-vous que nous obtenons, par exemple, tout notre sucre et notre pain ?
Dans l'économie désordonnée de la guerre, tout est devenu une marchandise. Par exemple, l'unité d'Abou Ismaël a mis la main sur les réserves de gazole d'un complexe scolaire, et chaque jour son unité échange quelques jerricans du précieux liquide contre du pain. Parce que son bataillon a des réserves de nourriture et de carburant, il est plus attrayant que d'autres dans le secteur. Les chefs qui sont incapables de nourrir leurs hommes ont tendance à les perdre ; ceux-ci désertent et rejoignent d'autres groupes.
Les munitions sont tout aussi importantes. Lorsque les installations et les entrepôts militaires sont pillés, le bataillon qui met la main sur les munitions croît en cannibalisant les plus petites unités moins bien équipées qui n'ont pas de munitions à donner [à leurs combattants]. Dans un appartement sombre du quartier de Salahuddin, à Alep, nous étions assis avec un groupe de chefs qui discutaient de la formation d'une nouvelle brigade qui rassemblerait leurs divers bataillons. Très vite, le sujet s'est déplacé vers le pillage.
L'un des chefs présents avait mené une opération dans le quartier d'Alep à prédominance kurde d'Ashrafiya, mais selon plusieurs combattants qui se trouvaient là l'action a échoué lorsque l'armée a contre-attaqué parce que les unités rebelles de soutien qui étaient censées renforcer le front ont, à la place, tourné leur attention sur le pillage.....
Sponsors extérieurs
La guerre à Alep est non seulement financée par ce que les diverses unités parviennent à s'approprier, mais également par le financement qu'ils peuvent s'attirer de la part de sponsors extérieurs à la Syrie, un facteur qui a également contribué à la myriades d'unités qui se sont formées et reformées, lesquelles contrôlent toutes les fiefs dans la ville. Tout cela a alimenté les rivalités et les allégeances toujours changeantes, des facteurs qui ont sapé la lutte pour vaincre les forces du président syrien. Les unités combattantes existent souvent uniquement grâce à leurs sponsors. Si un sponsor perd intérêt, le bataillon est dissout et les hommes en rejoignent un autre, mieux financé. Les bataillons portent souvent les noms de personnages arabes ou ottomans historiques afin de contribuer à attirer l'argent des royaumes du Golfe persique et de la Turquie......
Postes abandonnés
Nous avons entendu beaucoup d'autres histoires de pillages durant notre séjour à Alep. Un pharmacien qui s'était porté volontaire comme médecin dans l'un des hôpitaux de campagne rebelles a expliqué pourquoi il était à court de pénicilline. Selon lui, les rebelles avaient pris l'entrepôt d'une importante société pharmaceutique et avaient ensuite revendu le stock à leurs propriétaires, renvoyant tous les médicaments en territoire tenu par le gouvernement. Il a ajouté : «Je me suis rendu à l'entrepôt pour leur dire qu'ils n'avaient aucun droit sur les médicaments et que ceux-ci devraient être donnés aux gens et non pas revendus. Ils m'ont détenu et ont dit qu'ils me briseraient les deux jambes si jamais je revenais».
Dans le quartier de Saïf al-Dawla, un chef qui meublait un nouveau QG pour son bataillon nouvellement formé s'est rendu dans une enceinte scolaire avec quelques-uns de ses hommes. En fin d'après-midi, un groupe de civils se tenait là, debout, regardant les hommes écumer l'école. Des images déchirées et brûlées d'Assad jonchaient le sol. Les bureaux et les chaises étaient retournés et cassés, et les fleurs en plastique et les projets des élèves étaient éparpillés. Les hommes ont transporté quelques tables, sofas et chaises en dehors de l'école et les ont empilés au coin de la rue. Des ordinateurs et des moniteurs ont suivi.Un combattant a enregistré le butin dans un gros carnet. «Nous le gardons en sécurité dans un entrepôt», dit-il. Plus tard dans la semaine, j'ai vu les sofas et les ordinateurs de l'école bien installés dans le nouvel appartement du chef.Sur les lignes de front du quartier Ameriya, au sud d'Alep, nous avons rencontré Abara et ses hommes.
Abara est jeune et petit, à peine plus de vingt ans, avec les cheveux clairs et quelques taches de rousseur sur le visage. Il avait déserté l'armée un an auparavant. Nous nous étions rencontrés une première fois trois mois plus tôt lorsqu'il conduisait ses hommes dans les ruelles de Salahuddin, et beaucoup de ses combattants ont été tués ou estropiés depuis. Maintenant il était assis avec les survivants sur un sol de béton froid dans un immeuble abandonné, à un pâté de maisons des troupes gouvernementales. Entre les hommes se trouvaient une jarre d'olives vertes graisseuses, un sac de pain, une assiette d'huile d'olive et un peu de thym. «C'est bien pire maintenant», dit Abara de la guerre. «A présent, les chefs cherchent du cuivre et du blé au lieu de libérer la ville».
Il ajouta : «Le problème lorsque les gens cessent de combattre est qu'après avoir libéré une zone, ils ont besoin de ressources et de munitions et commencent donc à piller les propriétés du gouvernement. Lorsqu'ils ont fini, ils se tournent vers le pillage d'autres propriétés et deviennent des voleurs». L'espace physique qui le sépare en ce moment de la ligne de front du gouvernement est constitué d'une série d'immeubles en ruines où les snipers des deux camps tirent sur tout ce qui bouge, ou presque ! «Quand l'armée nous a attaqués la semaine dernière, l'unité qui se trouvait ici a abandonné son poste et battu en retraite», a-t-il dit.Maintenant, pour reconquérir le territoire perdu, il a dit qu'il devrait se battre maison après maison. «Pourquoi le ferais-je lorsque les autres pillent ?» Il a ajouté avec lassitude : «Un jour, lorsque la guerre contre Bachar sera terminée, une autre guerre commencera contre les pillards et les voleurs.
The Guardian
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