Ce qui n’est pas sans rappeler la boulimie de l’Italie, à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème siècle avant d’être écartée.
A l’instar de l’Italie du XIXe siècle, la Turquie caresse des rêves chimériques : elle s’est définie des objectifs aussi bien inaccessibles qu’impossibles.
C’est justement dans ce sens que le Premier ministre Recep Tayyib Erdogan a annoncé : la Turquie est toujours prête à la guerre, elle lancera, si nécessaire, la guerre, pour défendre son territoire.
De tels propos, aux côtés des autres mesures prises par la Turquie, des mesures qui risquent de faire monter la tension dans la région – le déploiement des missiles "Patriot" sur ses frontières avec la Syrie; l’ingérence dans la crise syrienne et dans les affaires irakiennes – montrent comment la diplomatie turque se calque sur l’ambition et l’agression. Ce, alors qu’Ankara est aux prises avec de nombreux problèmes, aussi bien, internes qu’externes.
Ce comportement rappelle étrangement celui de l’Italie du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Une fois unifié, l’Italie a figuré parmi les pays aventuristes de l’Europe. Elle a joué un rôle actif sur la scène européenne des rivalités et des conflits. Aux premières années du XXe siècle, l’Italie a rejoint les pays colonialistes, visant surtout l’Afrique du Nord, c’est-à-dire la Libye l’Ethiopie et la Somalie.
N’oublions pas aussi que les dirigeants italiens, quoique dans une position plus faible par rapport aux puissances de l’époque, dont la France, le Royaume uni, l’Allemagne et la Russie, ont eu une présence très active sur la scène du Continent vert, dans la mesure où il rejoignait les coalitions et en sortait, en leur arrachant ainsi des concessions.
L’Italie convoitait, depuis toujours, les Balkans, surtout, ses régions riches. Nonobstant, les Italiens n’ont jamais concrétisé leurs objectifs ambitieux. Ils ont essuyé des revers, lors des deux grandes guerres, et ils se sont écartés très vite de la scène des rivalités, à l’échelle de la politique internationale. A la Première Guerre mondiale, ils ont essuyé un revers cinglant de la part de l’Autriche, un échec, qui reste à jamais gravé dans les annales de l’histoire italienne. À la Seconde Guerre mondiale, en dépit du soutien allemand, les Italiens n’ont pas réussi à obtenir grande chose, en Afrique, notamment en Libye et en Ethiopie, face aux forces anticolonialistes. De même, avec la montée des conflits et des attaqes des Alliés contre la Sicile, l’Italie s’est vu contrainte de céder. Pour les experts et les historiens, la faiblesse de l’armée italienne, les problèmes économiques et l’absence d’unité et de cohésion nationale constituent les facteurs principaux de l’échec de l’Italie, dans ses objectifs.
Ce court rappel de l’histoire, pour faire un parallèle entre l’Italie des XIX et XX siècles avec la donne actuelle turque.
Les dirigeants d’Ankara suivent des objectifs ambitieux, sous le titre de l'ottomanisme et la réhabilitation de l’empire ottoman. Ils sont persuadés que la Turquie a séduit le monde arabe et les peuples du Moyen-Orient. Ankara s’est définie, dans le cadre d’une vaste aire géographique, depuis l’Occident jusqu’en Tunisie ses intérêts politiques et économiques, pour élargir sa zone d’influence. Les dirigeants turcs diagnostiquent leur propre gouvernement séculaire. Pour les Egyptiens, ils ont une présence active en Libye et ne cessent de s’ingérer dans les affaires de la Syrie, du Liban et de l’Irak. La Turquie se lance, dans un tel aventurisme régional, dans des circonstances où les leaders de l’AKP (parti au pouvoir) qui sont aux commandes, se sont employés à affaiblir l’armée. Le coup d’Etat interne de l’armée, d’où la mise à l’écart des généraux, sur fond de la guerre d’usure contre les membres du PKK, ont amené d’aucuns à conclure que la Turquie ne jouit pas d’une armée puissante, qui pourrait être déterminante.
Les demandes incessantes de la Turquie à l’OTAN et aux Etats-Unis, pour une présence directe dans la bataille contre la Syrie, mettent clairement en évidence le fait qu’Ankara ne pourrait pas à lui seul entrer en guerre ou même se dresser contre un pays en pleine crise comme la Syrie. D’autre part, la Turquie souffre de nombreux problèmes internes, ancrés dans l’histoire. Les Kurdes ont systématiquement des problèmes avec le gouvernement central. Le gouvernement est souvent aux prises avec des conflits armés, portant largement atteinte à l’unité nationale turque. En dépit de tous les efforts déployés pour régler ce problème qui menace l’unité turque, les problèmes persistent. Ce, alors que les ingérences de la Turquie en Syrie et en Irak pourraient provoquer les Kurdes dans ces trois pays, et créer de nombreux problèmes pour Ankara, portant atteinte à l’intégrité territoriale de ces pays.
L’économie turque, quoiqu’on en dise sur son épanouissement, dépend des investissements étrangers et du tourisme. Tous les deux sont étroitement liés aux problèmes sécuritaires et sont sensibles à la guerre ou à l’insécurité, ce qui pourrait porter d’énormes préjudices à l’économie turque et faire stopper sa croissance économique.
Face à tous ces défis, et indifférents aux impacts à longue durée de leur aventurisme dans les affaires des pays voisins, les dirigeants turcs attisent les flammes de la crise au Moyen-Orient.
Un tel comportement rappelle l’Italie du XIX et XX siècles, qui, ignorant ses propres faiblesses, s’est lancé dans les conflits internationaux.
La remarque judicieuse de Bismarck, à propos de cette politique des Italiens est toujours d'actualité : "Ils ont un très bon appétit, mais leurs dents sont pourries !"
Irib