Un porte-parole des "Signataires par le sang" a confirmé samedi la "présence de sept otages" étrangers dans l’usine de gaz.
Il n'y a plus de Français otage en Algérie, sur le site gazier d'In Aménas attaqué par un commando islamiste, a indiqué samedi le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
"Il y a aujourd'hui un Français tué et des Français qui ont été libérés", a ajouté Le Drian sur la chaîne de télévision France 3 Bretagne.
Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait fait état vendredi soir de la mort d'un Français "au cours de l'opération de libération des otages" par les forces algériennes et de trois autres otages français sains et saufs.
Interrogé sur l'assaut de l'armée algérienne sur le complexe gazier, Jean-Yves Le Drian a répondu qu'il "s'agit de la responsabilité des autorités algériennes".
"Ce qui s'est passé, c'est un acte terroriste d'une très grande ampleur", mené par le groupe terroriste dirigé par Mokhtar Belmokhtar, "qui a pris une initiative très spectaculaire mais qui était déjà manifestement dans les cartons", a-t-il affirmé.
"La question principale est à adresser, quand même, aux terroristes", a-t-il souligné. "On est face à une menace terroriste grave", a-t-il insisté.
Yann Desjeux, l'otage français tué, était un ancien militaire des forces spéciales françaises et travaillait dans une équipe de gardiennage du site, a par ailleurs indiqué le ministre, qui a salué sa mémoire.
Cependant, le commando jihadiste affirme toujours détenir une dizaine d'otages -algériens et étrangers-, a indiqué samedi à l'AFP une source de sécurité algérienne.
Un porte-parole des "Signataires par le sang", groupe jihadiste dirigé par l'Algérien Mokhtar Belmokhtar qui a revendiqué l'attaque de mercredi, a confirmé samedi à l'Agence mauritanienne Nouakchott d'Information (ANI) la "présence de sept otages" étrangers dans l'usine de gaz.
Le groupe avait fait état la veille de trois Belges, deux Américains, un Japonais et un Britannique encore entre ses mains. La Belgique a toutefois indiqué ne disposer d'aucun indice sur la présence de Belges parmi les otages.
Un mort américain, un autre français
Selon un bilan provisoire de l'assaut fourni vendredi par une source de la
sécurité, 12 otages et 18 ravisseurs ont été tués, et une centaine d'otages
étrangers -sur 132- libérés, ainsi que 573 employés algériens. Elle ne précise
cependant pas le nombre et la nationalité des victimes. Selon le groupe armé, 34 étrangers ont péri dans l'assaut.
Washington a annoncé la mort d'un Américain et Paris a fait état d'un Français tué.
Selon la chaîne de télévision américaine NBC News, le sort de deux Américains demeurait inconnu. Six ressortissants norvégiens sont portés manquants, a annoncé par ailleurs le groupe pétrolier Statoil qui gère le site avec l'Algérien Sonatrach et le Britannique BP.
Le photographe de l'AFP a vu passer samedi un camion à bord duquel se trouvaient cinq cercueils qui se dirigeait vers l'hôpital d'In Aménas, où sont soignés les blessés évacués depuis jeudi. Des hélicoptères survolaient le site
par intermittence à la mi-journée.
D'après les sources jihadistes citées par ANI, le commando est dirigé par Abdelrahmane, dit "le Nigérien", qui détient les sept étrangers, et est composé d'une quarantaine de personnes originaires d'Algérie, d'Egypte, du Niger, du
Tchad, de la Mauritanie, du Mali et du Canada qui se seraient infiltrés en Algérie depuis le Niger.
Selon ces sources, Belmokhtar propose "à la France et à l'Algérie de négocier pour l'arrêt de la guerre livrée par la France" dans le nord du Mali. Il voudrait aussi "échanger les otages américains détenus par son groupe" contre un Egyptien, Omar Abdel-Rahman, et une Pakistanaise, Aafia Siddiqui, emprisonnés aux Etats-Unis pour des accusations liées au terrorisme.
"Enveloppés d'explosifs"
Les témoignages d'otages rescapés se sont multipliés depuis jeudi sur l'assaut des forces spéciales.
L'épouse d'un employé philippin, Ruben Andrada, raconte que les otages avaient été enveloppés d'explosifs et installés dans des camions piégés.
"Ils lui ont mis une bombe sur lui, comme un collier", a affirmé Edelyn Andrada à une radio de Manille. "Heureusement, la bombe installée dans le camion n'a pas fonctionné. Les bombes dans les autres véhicules ont été déclenchées et des gens sont morts", a-t-elle ajouté, précisant que son mari
était soigné à l'hôpital.
Un autre rescapé, Jojo Balmaceda, employé par BP, a raconté avoir été, ainsi que trois autres Philippins, ligoté puis jeté dans un camion avec d'autres otages japonais et malaisiens, selon la chaîne philippine GMA.
Face aux critiques étrangères sur la façon dont a été mené l'assaut, une source gouvernementale a estimé vendredi que l'opération, menée dans des conditions "extrêmement complexes", avait évité un "véritable désastre", faisant état d'un groupe doté d'un arsenal de guerre constitué de missiles, lance-roquettes, grenades, fusils-mitrailleurs et fusils d'assaut.
"Toute hésitation est interdite lorsque l'avenir de la nation est en jeu ou menacé", a renchéri un ancien officier de l'armée Mohamed Khlefaoui, interrogé
par le quotidien El Watan.
La communication officielle algérienne clouée au pilori
Les autorités algériennes sont vivement critiquées samedi par la presse locale qui les accuse de communication limitée, sinon contradictoire depuis le lancement il y a plus de 72 heures de l'attaque d'un commando jihadiste contre le complexe gazier et l’assaut de l'armée.
"Le pouvoir n'a pas réussi, une nouvelle fois, à communiquer avec son peuple", juge samedi le journal arabophone Echorouk, l'un des plus forts tirages du pays avec une moyenne de 500.000 copies/jour.
La prise d'otages spectaculaire mercredi à l'aube sur un site considéré comme extrêmement sécurisé à In Amenas, à quelque 1.300 km au sud-est d'Alger, a "donné le vertige à tous" et en premier lieu au ministre de l'Intérieur, Dahou Ould Kablia, affirme encore ce quotidien populaire.
Le ministre a donné "des informations complètement fausses, faisant croire qu'il était totalement dépassé par les événements", accuse le journal.
Il avait d'abord affirmé mercredi soir à la télévision nationale que les attaquants étaient "une vingtaine d'hommes issus de la région", provoquant l'ire des notables locaux, selon la presse.
Il avait ensuite annoncé qu'il s'agissait d'une trentaine d'hommes de nationalités différentes.
Le quotidien francophone Liberté (libéral) évoque "l'énième faillite de la communication officielle" et juge que M. Ould Kablia tout comme le ministre de la Communication, Mohamed Said, intervenu jeudi et vendredi soir par le même
canal, se sont livrés "à un piètre exercice".
Le Soir d'Algérie, également francophone, relève aussi "parcimonie, lourdeur et ratés dans la communication officielle": "Point réactives, les autorités algériennes ont peu et mal communiqué tout au long des deux premiers jours de cette prise d'otages spectaculaire".
Des informations au compte-gouttes
Plus agressif, El-Watan (francophone) dénonce le black out-officiel "érigé en mode de communication" avec une absence quasi totale d'images de ce qui se passe sur le terrain, alors que "le monde entier a les yeux rivés sur In
Amenas".
Dans un éditorial au ton grave, son patron Omar Belhouchet estime que "l'opinion doit être mieux informée" sur le fait qu'une "guerre de grande ampleur est engagée au Sahel".
Evoquant "cette folie médiatique généralisée" dans le monde, le journal L'Expression s'en prend aux médias mauritaniens. Alakhbar "inconnue, a voulu jouer à la CNN du Sahel", se faisant "la boîte postale des organisations terroristes", avant de s'en prendre à l'Agence Nouakchott information (ANI) et Sahara Medias ou à la chaîne de télévision Al-Jazeera dont le bureau en Algérie
est fermé.
Pour le commentateur, "il est établi que, dans ce genre d'opérations très complexes, on délivre des informations au compte-gouttes", mais il souligne qu'il ne s'agit pas pour autant "de disculper le déficit médiatique des
autorités algériennes".
Mais la presse gouvernementale s'efforce, tant bien que mal, d'énumérer les résultats positifs de la réaction algérienne. Ainsi, titre El-Moudjahid "Plus de 600 otages libérés dont une centaine d'étrangers".
Se voulant rassurant, on peut lire en Une "le professionnalisme des forces de sécurité" qui "ont évité des pertes plus lourdes" ou le "pas question que les entreprises françaises quittent l'Algérie" exprimé par le patronat.
Samedi le commando, disant agir notamment en représailles à l'intervention française au Mali, détenait toujours sept otages étrangers, après l'assaut de l'armée contre le site gazier, selon un porte-parole de groupe jihadiste auquel appartiennent les ravisseurs cité par l'agence mauritanienne ANI.