Ils ne datent pas d’aujourd’hui, et sont axés sur le souci de rassurer les Américains que leurs intérêts resteront sains et saufs.
L’homme politique égyptien et un des fondateurs du mouvement de la société civile Saad-Eddine Ibrahim a accusé les Frères Musulmans (FM) d’Égypte d’entretenir de longue date relativement des liens étroits avec l’administration américaine, de disposer d’une force paramilitaire, et de reprocher aux autres ce qu’ils se permettent de faire, signalant qu’ils ont mille et une facettes.
Dans un entretien accordé au journal égyptien al-Watan, ce directeur du centre Ibn Khaldoune et professeur de sociologie à l'Université américaine du Caire assure que contrairement à ce qui est connu, ces contacts ne datent pas de la chute du président Hosni Moubarak, mais bien d’avant.
Il s’estime bien placé de le savoir, car c’est lui qui a été l’agent de liaison entre les deux protagonistes depuis 2009, et ce à la demande des deux dirigeants des FM, Khayrat Chater et Issam Aryane, qui étaient ses co prisonniers durant l’ère Moubarak.
Les questions des diplomates aux FM
Il signale toutefois que l’ambassadeur américain au Caire s’était abstenu au début de les rencontrer directement, en raison de l’impact des attentats du 11 septembre, mais se tenait informé de leurs positions, grâce aux ambassadeurs britannique, canadien et australien qu’ils rencontraient.
Selon lui, les diplomates occidentaux leur posaient les questions suivantes : « si vous accédez au pouvoir, quelle sera votre position des puissances occidentales, quel sera votre agenda intérieur, et en particulier votre position à l’égard des minorités, de la femme, de la liberté de création et de culture, et votre position de l’accord de paix et d’Israël ».
La « grande énigme » des FM
Ibrahim a confirmé l’existence d’un « grand secret », ou d’une « grande énigme » qui lie les FM aux Américains, et qui a été révélé par un ancien dirigeant de la confrérie islamiste égyptienne Sarwat al-Kharbaoui dans son dernier livre.
Il s’agit d’après lui du dirigeant Mahmoud Ezzat qui a vécu longtemps aux Etats-Unis et est parvenu à tisser des liens avec plusieurs milieux américains, comme la Maison Blanche, ainsi que les centres de recherches influents.
En Egypte, ils ont rencontré dans le plus grand secret des agents des renseignements étrangers ainsi que des responsables occidentaux, ce que révèlent les dossiers de Wikileaks qui devraient être prochainement publiés, selon Ibrahim.
Rien ne changera à 80%
Interrogé sur l’avenir des relations égypto-américaines, après l’avènement des FM au pouvoir, Ibrahim assure qu’elles resteront à 80% semblables à celles de l’ère Moubarak. « Rien n’a changé en Égypte depuis que Morsi est au pouvoir. Nous sommes une société fluviale qui privilégie la stabilité. C’est vrai que la révolution a éclaté pour perpétrer un grand changement, mais le résultat final du changement se bornera à 20% », a-t-il estimé.
Et pour preuve, il assure que la base aérienne américaine à Bani Yas , installé dans la Mer Rouge depuis l’ère Moubarak, y est toujours.
Une milice para militaire
Par ailleurs, Ibrahim soupçonne les Frères Musulmans de disposer d’une force para militaire qui interfère dans les évènements égyptiens. « Je n’ai pas de documents qui le prouvent, mais des indices : à commencer par l’incendie des commissariats de police et à terminer par les évènements à Ittihadiyya », assure-t-il, soulignant qu’un ancien ministre de l’intérieur lui avait confié que ce sont les miliciens des FM qui ont incendié les 28 commissariats de police et pris d’assaut les prisons durant la révolution de 25 janvier.
Depuis cette date, les FM ont intensifié leurs contacts avec les Américains, assure Ibrahim qui signale qu’ils lui ont demandé de les assister pour amorcer le dialogue avec les Républicains et les Démocrates, via leur sénateur John Mac Cain et John Kerry.
30 responsables des FM pour rassurer les Américains
Interrogé sur les coulisses de la visite effectuée par une trentaine de personnalités de la confrérie aux Etats-Unis, au lendemain de la publication des élections présidentielles, il a répondu : « la délégation des Frères s’est rendu auprès de tous ceux qui sont intéressés à Washington, que ce soit la Maison blanche, le secrétariat d’Etat pour les affaires étrangères, le Congrès, le Pentagone, le siège de la CIA, certains journaux américains réputés, ainsi que certains centres d’études à l’instar de Freedom House et de Carnegie . Ils se sont rendus chez eux pour leur dire que les Frères ne nuiront pas aux intérêts américains, mais bien au contraire qu’ils sont ouverts pour promouvoir ensemble les intérêts mutuels ».
Les mille et une facettes des FM
Selon lui, ils ont dépêché depuis 2009 des délégations de leurs cadres pour participer aux sessions organisées par les Américains, dans le cadre de ce qu’ils avaient baptisé « la promotion de la démocratie », aussi bien en Egypte, qu’en Serbie.
« Ils accusent le mouvement du 6 avril d’être des collaborateurs. Alors qu’ils étaient avec eux dans tous les entrainements américains organisés. C’est un grand secret que personne ne connait. Les FM reprochent aux autres ce qu’ils se permettent de faire. Hélas, ils ont mille et une facettes », a-t-il regretté.