28-11-2024 03:41 AM Jerusalem Timing

La censure des médias en "Israël" a-t-elle encore un sens à l’heure de Twitter?

La censure des médias en

L’interdiction faite aux médias israéliens de publier des détails sur la détention, et apparemment le suicide, d’un Australien en "Israël" soulève de plus en plus de questions.

Twitter/CensureL'interdiction faite aux médias israéliens de publier des détails sur la détention, et apparemment le suicide, d'un Australien en « Israël » soulève de plus en plus de questions quant à la pertinence d'une telle mesure à l'heure de Twitter et Facebook.

Le cas d'un mystérieux "Monsieur X" emprisonné secrètement en « Israël » avait d'abord été évoqué en juin 2010 par le site d'information israélien Ynet mais cette information avait été subitement retirée moins d'une heure après sa publication en raison de la censure.

Et mardi, les médias israéliens sont restés bizarrement silencieux quand la chaîne de TV australienne ABC a ressorti l'histoire: la mort par pendaison fin 2010 d'un juif australien de 34 ans, Ben Zygier, présenté comme un agent du Mossad (le renseignement israélien), qui était détenu dans le plus grand secret en « Israël ».

Et pour cause: la censure leur interdisait de relayer la nouvelle. Au moment où l'information n'a jamais circulé aussi vite via les réseaux sociaux.

Il aura fallu que trois députés d'opposition qui, profitant de leur immunité parlementaire, interpellent le ministre de la Justice lors des questions orales à la Knesset (Parlement) pour que le blackout soit partiellement levé mercredi après les révélations d'ABC.

"Les médias peuvent désormais utiliser ce qui a été publié à l'étranger, mais l'interdiction totale concernant les raisons de la détention (du ressortissant australien) reste en vigueur", a affirmé à l'AFP un responsable du bureau de la censure.

Pour Aluf Benn, le rédacteur-en-chef du quotidien de gauche Haaretz, cette affaire reflète la mentalité rétrograde des chefs des agences de renseignements et d'espionnage israéliens.

"J'ai imaginé hier que je rencontrais le patron du Mossad, Tamir Pardo, et que j'essayais de le persuader de se retirer un jour ou deux de l'univers clandestin dans lequel il vit (...) Mais j'ai réalisé que Pardo vivait encore au siècle dernier, quand l'information était conservée dans les coffres-forts du régime", a-t-il ironisé.

 Une information "très embarrassante"

 Peu après le scoop d'ABC, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a téléphoné aux patrons de presse israéliens pour leur enjoindre de coopérer en retenant la diffusion d'informations qui étaient "très embarrassantes pour un certain service du gouvernement", a précisé le Haaretz, dans une allusion transparente au Mossad. Ce n'est pas la première fois qu'un Premier ministre agit ainsi.

Les chefs de la sécurité "ont du mal à accepter le concept de médias libres opérant dans un Etat démocratique, et ils essaient de recruter la presse pour la faire travailler avec eux, offrant aux journalistes un mélange d'informations confidentielles et de menaces d'arrestation", déplore Aluf Benn.

En vertu de la loi israélienne, la violation de la censure est un délit grave passible de prison.

Youval Dror, un expert des médias électroniques, estime lui aussi qu'à l'ère du numérique, la censure ne peut plus fonctionner.

"Il n'y aucun moyen d'endiguer le flux d'informations sur Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux", relève-t-il. Et "la tentative de contrôler le monde numérique et un évènement hyper-médiatisé à l'échelle de la planète est voué à l'échec", selon lui.

En général, pour contourner la censure --notamment pour les affaires d'espionnage, les opérations militaires clandestines, comme le récent raid aérien en Syrie, ou les assassinats ciblés hors d « Israël », les médias israéliens exploitent les informations publiées à l'étranger. Mais dans le cas de Ben Zygier, ce stratagème leur a été interdit jusqu'à mercredi.

Yossi Melman, spécialiste du monde du renseignement, considère lui aussi que "la censure, l'armée et le gouvernement doivent se rendre compte que nous vivons au 21e siècle et qu'il n'est plus possible de tout garder secret".

"Si on avait permis de publier il y a deux ans les informations sur cet Australien, l'affaire serait déjà close et enterrée", a-t-il plaidé.