« l’absence d’autorité réelle sur le terrain , les décisions de l’État ne sont pas appliquées dans de nombreux cas en raison du chaos des armes ».
Dimanche, les Libyens ont fêté leurs deux ans de révolution.
Les cérémonies officielles ont eu lieu dans le berceau de la révolution, c’est-à-dire à la ville de Benghazi (est). Toutefois, elles étaient précédées par des appels à des manifestations pour corriger la voie de cette révolution. Ainsi, les jeunes ont appelé au refus de l’emploi dans l'armée comme une solution officielle au problème du chômage.
La Libye, qui s'est débarrassée du régime du colonel Mouammar Kadhafi en Octobre 2011 est toujours plongée dans la brume pour ce qui est de son avenir. Certes, les Libyens ont réussi à réaliser leurs priorités et supprimer les obstacles qui se sont dressés devant la voie du changement, toutefois le coût de la révolution armée qui leur était imposée, a été exorbitant et ce à tous les niveaux.
Et si la désintégration de l' « establishment militaire » a contribué à désintégrer certains centres de pouvoir du régime de Kadhafi, il n’empêche que la crise libyenne s’est aggravée à cause d’un certain vide sécuritaire qui s’est installé dans le pays et qui est ressenti aujourd'hui comme une menace par tout le monde.
Or, à la lumière des raisons invoquées par les rebelles de Benghazi le 15 Février 2011 à savoir la chute du colonel, la question du chômage est devenue une arme mortelle pour les jeunes Libyens. C’est pourquoi, les nouveaux politiciens en Libye ont tenté de limiter ce phénomène. Malgré les efforts des services de sécurité pour accueillir autant que possible des chômeurs qui ont cherché refuge chez eux, malgré les salaires gratifiants, on ne peut nier que ces mesures ont provoqué la militarisation de la jeunesse, sachant qu’une grande partie a refusé de prendre les armes, exigeant des possibilités de travail et de formation.
Parallèlement, le nouvel Etat a pratiqué une politique de subventions, de dons et de primes : ce que les économistes ont jugé comme un gaspillage de l’argent public, néanmoins il a grandement contribué à une reprise de l’économie qui était déjà morte.
Seulement, la question n'est pas exempte de mises en garde contre une inflation économique qui pourrait tuer l'économie libyenne toujours non remise de la guerre.
En ce qui concerne les libertés publiques, la Libye qui a souffert d'un régime répressif dictatorial totalitaire, a connu un développement remarquable. Cependant, la prolifération des milices et leur subordination à des groupes politiques, religieux et idéologiques ont effrayé les milieux politiques et populaires. La question se complique davantage avec la publication de rapports internationaux qui confirment le contrôle des milices sur certaines prisons où la dignité humaine est bafouée, si bien que les Libyens craignent que cela ne devienne une honte dans l'histoire de leur révolution.
La révolution qui a renversé le colonel Kadhafi, a donc créé une menace sur les plans sécuritaires ou politiques ou même économique. Ainsi, des rapports indiquent que la guerre en Libye a provoqué le déplacement de plus d'un million de personnes qui appartiennent principalement à l'ancien régime. Cela nécessite une intervention judiciaire et politique efficace pour déclencher le processus de la réconciliation nationale.
Les observateurs estiment que les autorités de transition dans le pays n'étaient pas suffisamment responsables d’où une lutte acharnée pour le pouvoir faute d'une constitution véritable, ce qui a contribué à la détérioration de la situation.
Car, il faut rappeler que la Libye n’a pas connu de système de partis alors qu’actuellement les partis politiques fleurissent dans l'arène politique mais sans lois claires ouvrant grande la porte à une lutte sans limite dans le pays.
Selon un député de la ville de Benghazi, Ibrahim Sahed, « les réalisations les plus importantes de la révolution libyenne ont été le renversement de Kadhafi et le niveau élevé de la liberté de l'opinion publique. Il a ajouté que « la Libye a mené une expérience unique dans ses élections soulignant que le Congrès national (parlement) continue d'exercer son rôle de surveillance et législatif ».
Sahed n'a pas nié « les échecs enregistrés par la Libye d'aujourd'hui », il a confirmé que « les Libyens ont réussi à se débarrasser de la tête du régime et de ses piliers, mais ils n’ont pas réussi à déraciner les autres éléments qui étaient auparavant aux centres du pouvoir de Kadhafi ».
Il a accusé « ces éléments de se cacher au sein de l'appareil étatique et de poursuivre une politique « kadhafienne eux-mêmes ».
Pour sa part, un professeur de droit international à l'Université de Benghazi, Hana Kallal, a estimé que « la Libye lutte toujours pour pouvoir réaliser les revendications de la ville de Benghazi ».
Elle a résumé ces revendications en : « l’établissement d'un Etat de droit et la création des institutions, le respect des valeurs humaines , la dignité humaine et la lutte contre la corruption ».
Elle a expliqué que « la révolution est encore à ses débuts » refusant de « qualifier la situation de vide du pouvoir ».
Kallal a confirmé « l'absence d'autorité réelle sur le terrain », soulignant que «les décisions de l'État ne sont pas appliquées dans de nombreux cas, en raison du chaos des armes ».